Arrivée durant l’été 2015 pour préparer la première rentrée scolaire, Christine Jacob occupe un bureau dans les impressionnants locaux de l’école secondaire de la SISD. Sur un des murs la marque des parents expatriés, une photo discrète épinglée derrière son ordinateur de ses deux enfants, jeunes adultes souriants sur un fond de verdure qui semble emprunter plus aux paysages suisses qu’orientaux. C’est un bureau qui respire l’ambiance studieuse, et qu’éclaire le large sourire de Christine. Écoutons-la nous raconter son parcours et son rôle, avec au cœur une question charnière dans la vie de tant d’expatriés qui font le choix d’offrir le monde à leurs enfants : le bilinguisme.
Lepetitjournal.com/Dubaï : En quoi consiste votre poste « responsable du pôle langues » au sein de la SISD, à Dubai ?
Christine Jacob : Cela revient à fournir, avec une vingtaine de professeurs, un soutien linguistique aux élèves qui éprouvent des difficultés avec le système bilingue, et ce depuis la maternelle jusqu’au Grade 10. Ces mêmes professeurs sont aussi en charge de l’enseignement du français et de l’allemand en tant que langues additionnelles dans notre filière anglophone, en moyenne section et en primaire. Par ailleurs, je m’occupe de toutes les questions liées à l’acquisition d’une ou plusieurs langues additionnelles.
Quel est votre parcours, que quittez-vous lorsque vous arrivez à Dubaï en 2015 ?
Je viens de suisse Romande, et après mes études à Lausanne et Genève, j’ai enseigné le FLE (Français Langue Étrangère) pendant 25 ans à Zurich ; c’est amusant car c’est justement le recteur de l’établissement pour lequel je travaillais à l’époque qui se souviendra de moi au moment de la création de la SISD… et me proposera le grand saut. J’ai eu deux semaines pour me décider, et je l’ai fait sans aucun regret. C’était une chance incroyable de commencer un projet pédagogique d’une telle envergure, d’une telle ambition et de commencer de zéro, d’être là « à la première pierre » et de voir l’édifice grandir, architecturalement et pédagogiquement parlant : nous sommes passés de deux à vingt enseignants (je ne parle que du pôle langues), nous avons créé des programmes et un curriculum uniques au Moyen Orient. Je dois ajouter aussi que travailler dans un environnement où je suis entourée de toute une nouvelle génération d’enseignants, avec de nouvelles méthodes, une nouvelle façon de transmettre, c’est stimulant, excitant et fascinant, tout à la fois.
Quel est le travail du pôle langues ?
La majorité des élèves dont j’ai la charge sont des enfants inscrits dans un de nos programmes d’immersion bilingues français ou allemand, et qui ne sont pas au niveau pour l’anglais. Cependant, nous fournissons un soutien en français et en allemand également jusqu’en Grade 10 à tous les élèves qui en ont besoin, notamment pour l’écrit.
C’est un programme ardu, ambitieux, les semaines de langues alternées dans vos filières d’immersion bilingues sont exigeantes, comment avez-vous conçu ce curriculum ?
Nous sommes une école IB et suivons donc le Programme primaire (PP), destiné aux enfants de 3 à 12 ans. Mais le curriculum de nos filières bilingues intègre également le plan d’études cadre suisse pour le français et allemand, ainsi que certains éléments empruntés au curriculum français. Nous avons aussi mis en place la filière “English+”, également bilingue, mais dans laquelle les enfants suivent un programme anglophone, tout en bénéficiant d’un cours de langue additionnelle quotidien. Pour ces leçons de français ou d’allemand en tant que langue additionnelle, nous suivons un curriculum basé sur les descripteurs du Cadre européen commun de référence pour les langues.
Vous êtes encore aujourd’hui la seule école du Moyen Orient à proposer ce système ? Qu’est-ce que cela sous-entend comme contraintes ?
Oui, nous sommes les seuls, et cela sous-entend avant tout une capacité à transmettre ce qu’est véritablement le bilinguisme. Non, ce n’est pas “comme des cours de langue un peu plus poussés”. Dans nos filières anglais/français et anglais/allemand, c’est vraiment une approche immersive, apprendre une langue non pas de façon classiquement scolaire mais en la pratiquant, en s’en servant pour acquérir d’autres connaissances : mathématiques, sciences, etc. Ce mélange d’immersion linguistique et de IB PYP est en tout cas tout à fait unique, et c’est à nous, le corps enseignant de la SISD, de le rendre transparent et facile à appréhender pour nos élèves, leurs parents et aussi pour les membres du KHDA en charge de venir l’inspecter.
Comment se passent les évaluations des élèves pour le français ?
En matière d’acquisition de langue, nous proposons à nos élèves de passer les examens du DELF Prim (qui constitue le premier échelon de la série des DELF DALF, diplômes de français langue étrangère du ministère français de l'éducation nationale - ndlr) durant le primaire, et du DELF Junior au secondaire. En ce qui concerne nos filières anglais/français et anglais/allemand, à intervalles réguliers, nos épreuves de fin d’année pour le français sont basées sur les épreuves cantonales suisses, c’est-à-dire en ce qui nous concerne celles de notre canton de patronage, le Valais. Nos élèves passent donc les mêmes épreuves que les Valaisans, même s’ils ont accumulé moins d’heures que ces derniers, ce qui nous permet de nous faire une idée de leur niveau. La Maturité (certificat délivré en Suisse à la fin des études secondaires correspondant au diplôme de baccalauréat en France) est quant à elle réservée pour le moment aux élèves en filière immersive allemande. Cette année, nous accompagnons par ailleurs notre première volée de grade 12, des élèves qui se présenteront aux examens du Baccalauréat International® (IB DP).
Comment se passe le recrutement de vos enseignants, en particulier pour les filières bilingues ?
Recruter des enseignants est toujours délicat en soi, bien entendu on cherche toujours les meilleurs - mais pas seulement. Nous exigeons que nos enseignants soient des locuteurs natifs, la langue enseignée doit impérativement être leur langue maternelle. Nous ne recherchons pas forcément des personnes bilingues, mais des personnalités dotées d’une large ouverture d’esprit. Il faut être curieux de la culture de l’autre, avoir envie de rentrer dans un système novateur et unique, avoir envie de collaborer avec son collègue anglophone, francophone ou germanophone. C’est un changement de paradigme complet qui nécessite une certaine souplesse. Nos enseignants sont formés en continu, nous instaurons en ce but des ateliers, des formations, des collaborations entre les départements, notamment d’arabe. C’est - au même titre que notre souci de renforcer l’écrit et entraîner l’écriture cursive chez nos plus jeunes élèves - notre garantie de « qualité suisse ».
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Article publié le 21 septembre 2019