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SOIREE POESIE – "la poésie est souvent incomprise"

Écrit par Lepetitjournal Dubai
Publié le 17 avril 2016, mis à jour le 9 février 2018

 

« Qu’est-ce qu’un poète, si ce n’est un traducteur, un déchiffreur ? ». Cette citation de Baudelaire illustre bien la soirée poésie cette semaine à l’Alliance. Le poète méditerranéen Walid Amri se penche sur l’évolution d’un Sud qui se transforme. Jugeant que « le choc des civilisations nord-sud » est trop souvent orchestré à distance, il en propose une lecture beaucoup plus intime et personnelle dans son dernier recueil « Sud Exsudant » dont il lira des extraits mercredi soir pour une soirée dédicace.

Né à Tunis,  Walid Amri est l’auteur de cinq recueils de poèmes ; véritable passionné des mots, il jongle également avec les chiffres puisqu’il est banquier le jour et poète la nuit. Entretien.

Vous avez commencé l'écriture très jeune, pourquoi ne pas en avoir fait votre activité principale ? 

À l’heure du capitalisme, de la matière, du « temps c’est de l’argent », du profit et de la valeur ajoutée, le livre est tombé en désuétude, et la poésie en particulier fait figure de parent pauvre de la littérature. 

Plus encore que le roman, la poésie est souvent incomprise, taxée d’élitiste, de compliquée, de narcissique, bref d’inutile ; invendue elle menace le poète de famine et d’indifférence.

Pourtant, la poésie n’est pas la dernière victime du marché, elle résiste, se renouvelle, se mondialise, se « digitalise » mais ce processus est lent. Il s’est certes amorcé, dans un chaos plus ou moins organisé, mais toujours est il que le défaut de vente du recueil de poésie persiste. Aujourd’hui comme toujours la poésie est une nourriture essentielle à l’esprit et au cœur mais malheureusement elle ne parvient toujours pas à « nourrir son homme », c’est sans doute pour cela que je ne suis pas parvenu à en faire mon activité principale. A regret. 

Comment vous est venu cette envie d'écrire ? 

Plus qu’une envie, l’écriture est venue comme un appel, un besoin, une espèce de démangeaison de vouloir sauver le monde en étant confronté à une forme absurde d’impuissance. C’est tout simplement cela l’envie d’écrire : cet incommensurable désir d’abolir ou au moins de décrire les maux de l’homme avec l’arme dérisoire et humble de la plume, ce qui peut s’apparenter au vol de l’oiseau, mais sans ailes, juste quelques plumes, deux pattes et un bec ; c’est un état de l’être plus qu’un état d’esprit. 

Ce besoin m’est venu avec le temps, au fur et à mesure des vers et des émotions, mais à dire vrai, la raison première de mon envie d’écrire, celle de mon premier recueil, est que je voulais épater ma mère (elle-même étant poète).  

D'où vient ce désir d'écrire sur le clivage Nord/Sud ? et pourquoi avoir traité du Sud en particulier ?

Il me semble qu’une des raisons principales du détournement des hommes de la poésie est son apparente inutilité, la poésie ne sauve pas des vies, ne contribue pas à réduire la couche d’ozone,  ou l’armement des nations, la poésie ne diminue pas les déficits, ni n’abolit les dictatures… 

C’est ainsi que j’ai, dès le début, essayé d’écrire une poésie engagée, politique dans le sens philosophique, une poésie militante qui est à mon sens le propre de la poésie et ceci n’est pas en contradiction avec la poésie lyrique ou romantique, bien au contraire elle nait de la même verve, participe du même élan passionné. 

Etant un fils du sud, de l’Afrique, de la civilisation arabo-musulmane, et témoin de la division du monde et de l’opposition décrétée par certains politiques du nord et du sud, j’ai voulu, promouvoir la parole, le verbe, le dialogue, et en l’occurrence ceux « sudistes », pour un nord plus que jamais en proie à des certitudes matérialistes.

L’actualité de ces derniers siècles montre un sud famélique et somnolent, un sud à la traine technique, technologique et technocratique. Avec mes mots, je tente d’attester l’éveil du sud et la vivacité de ces valeurs. Je réfute donc le cloisonnement d’un sud dans une trilogie immateriel-suprarationnel-ésotérique et le nord dans une trilogie matériel-rationnel-exotérique (même si ce schéma n’est pas si incongru). A mon sens, les sphères, par leurs révolutions, doivent nécessairement se fondre et se confondre, combattre l’absurde des faits avec l’absolu des mots. 

Comment  arrivez-vous à alterner votre métier de banquier et votre passion pour l'écriture ? 

Je revêts ici ma casquette de banquier pour vous parler d’une formation que j’ai reçue lors de mon cursus bancaire, il s’agit du « time management ». Une journée est suffisamment longue pour permettre de gérer cette richesse qu’est le temps et que nous dilapidons trop souvent inconsciemment. 

A y regarder de plus près, il y a toujours la possibilité de sauver une heure par jour, c’est pendant cette heure que je m’adonne à l’écriture. Tard le soir, quand la nuit devient profonde et que l’épais du silence lentement fait émerger les mots les plus « corrosifs et insomniaques ». Durant cette heure, je ne suis plus banquier, et cette heure est pour moi plus réparatrice, plus captivante, plus vivifiante qu’une longue nuit du sommeil le plus juste. 

Ella Brabra (lepetitjournal.com/dubai) le 18 avril 2016

Soirée Poésie, 20 Avril à 20h à l’Alliance Française. Entrée gratuite. 

Pour plus d’informations, rendez vous sur le site web : www.afdubai.org

 

 

lepetitjournal.com Dubai
Publié le 17 avril 2016, mis à jour le 9 février 2018

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