Alors que Chiang Mai se prépare à rouvrir, La-iad Bungsrithong, présidente de l’association des Hôtels pour le Nord de la Thaïlande reste sceptique et n’envisage pas un retour rapide des touristes
La Thaïlande s’apprête le 1er octobre à ouvrir aux visiteurs étrangers complètement vaccinés l’accès sans quatorzaine obligatoire en hôtel spécialisé dans quatre nouvelles provinces : Chonburi (Est), Chiang Mai (Nord), Petchaburi (Centre) et Prachuap Khiri Khan (Centre).
Intitulé “Chiang Mai Charming Sandbox”, le programme d’ouverture qui se dessine dans la province du Nord permettrait d’accueillir les visiteurs dans seulement quatre de ses 25 districts: le centre-ville de Chiang Mai, Mae Rim, Mae Taeng, et Doi Tao.
Si la nouvelle ne peut qu’enthousiasmer les professionnels du tourisme, asphyxiés depuis plus d’un an et demi par les mesures sanitaires strictes imposées par la Thaïlande sur le voyage international et sur des activités liées aux loisirs, les perspectives d’une reprise significative du tourisme restent faibles.
Lepetitjournal.com a rencontré La-iad Bungsrithong, présidente de l’association des Hôtels pour la région Nord de la Thaïlande et professionnelle du tourisme depuis 32 ans. Elle dirige depuis 10 ans le RatiLanna Riverside Spa Resort- afin de revenir sur la situation actuelle pour le secteur du tourisme, les défis pour rouvrir Chiang Mai et les perspectives.
Quelle est la situation actuelle pour l’industrie du tourisme à Chiang Mai ?
Cette troisième vague d’épidémie est particulièrement longue, beaucoup trop longue et les investisseurs dans l’hôtellerie souffrent beaucoup. Car même en réduisant les salaires et le nombre d’employés, les coûts fixes pour maintenir un hôtel sont importants. De nombreux investisseurs et propriétaires se retrouvent dans une situation où ils ne peuvent continuer à payer sans perspective de rentrées d’argent.
En ce moment, il y a entre 20 et 30% des hôtels qui sont ouverts dans la province de Chiang Mai et les taux d’occupation sont inférieurs à 10%. Depuis le mois de juillet, le nombre de visiteurs est pour ainsi dire à zéro, seules les personnes n’ayant pas le choix arrivent encore, en général pour des raisons professionnelles ou familiales.
Les restrictions, même pour voyager entre les provinces considérées en zone rouge, sont tellement strictes que cela s’apparente à un confinement. Dans ces conditions, comment pouvons-nous encore tenir ?
Qu'en est-il des aides du gouvernement ?
Lors du premier confinement en avril 2020, nous avions eu des aides pour payer les salaires des employés sur une période de trois mois, depuis nous n’avons plus rien eu !
Le gouvernement a annoncé plusieurs fois avoir débloqué des budgets pour permettre aux entreprises et entrepreneurs d'accéder à des prêts à taux réduits, mais dans la réalité les banques refusent de nous accorder ces prêts. Personne dans l’industrie du tourisme n’y accède que ce soit auprès des banques privées ou des banques gouvernementales. Le problème vient du fait que les banques nous demandent les détails de nos comptes des trois dernières années ainsi qu’un bilan prévisionnel sur les rentrées d’argent futures. Quel plan pouvons-nous faire ?
La plupart des hôtels sont dans le rouge depuis un an et demi et nous ignorons quand le pays va rouvrir. La Thaïlande n’est pas un pays qui a l’habitude de soutenir sa population, le gouvernement nous en donne encore une fois la preuve!
La Thaïlande se prépare néanmoins à une réouverture progressive à partir du 1er octobre, pensez-vous que Chiang Mai soit prête pour accueillir les touristes et que cette réouverture aura bien lieu ?
Avant d’envisager une réouverture, il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte :
● l’accès à la vaccination
● le sentiment de confiance au sein de la population, ils sont vraiment inquiets au niveau des conditions sanitaires, de leur santé et de leur sécurité
● la situation mondiale et les restrictions au retour [des touristes dans leur propre pays, ndlr], telles que des périodes de quarantaine, etc.
● l’absence de liaisons aériennes internationales à l’aéroport de Chiang Mai, nous ne pouvons pas vraiment dire que le ciel thaïlandais soit ouvert
● le faible nombre de vols directs entre Phuket et Chiang Mai ou Samui et Chiang Mai, l’Isan est également totalement coupé des programmes de Sandbox de Phuket ou Samui.
Pour moi, le programme “Chiang Mai Charming Sandbox” va vraiment avoir du mal à démarrer. En même temps, je suis contente qu’une ouverture soit envisagée. En parler, nous permet de nous remettre en route, c’est toujours mieux que de rester assis et de se plaindre.
L’accès à la vaccination est également nécessaire pour que les restaurants et hôtels puissent bénéficier de la certification SHA+, aujourd’hui combien d’hôtels ont cette reconnaissance ?
Aujourd’hui, plus de 800 business dont 300 hôtels disposent de la certification SHA. Pour obtenir le SHA+, il faut que 70% du personnel soit vacciné avec deux doses, mais comme les vaccins ne sont pas accessibles, nous tournons en rond! Actuellement, moins de 20 hôtels ont le SHA+.
Il ne faut pas seulement avoir la certification SHA+, il faut ensuite être sur la liste des hôtels [auprès desquels les voyageurs doivent avoir réservé] pour les demandes de certificats d’entrées (COE), un délai supplémentaire à ajouter. Le Ratilanna pourrait être le premier hôtel listé, cela ne laisse pour le moment pas beaucoup de choix pour les touristes.
Quelles sont vos prévisions en termes de visiteurs à Chiang Mai ?
À Chiang Mai, d’ici la fin de l’année 2021, je m’attends à ce que nous ayons à peine quelques centaines de visiteurs. À Koh Samui, depuis le 15 juillet, ils en ont eu seulement 800, je ne pense pas que nous ayons davantage lus et cela ne va certainement pas apporter une aide suffisante au secteur du tourisme.
Selon moi, nous n’aurons pas plus de visiteurs en 2021. Le tourisme international reviendra progressivement aux alentours du troisième et quatrième trimestre de 2022. Avant le Covid-19, Chiang Mai accueillait près de 11 millions de visiteurs, avant de revenir à ce chiffre, je crois qu’il faudra encore attendre 5 ou 6 ans.
En septembre 2020, Chiang Mai a vu le nombre de visiteurs domestiques augmenter, qu’en est-il de ce segment pour cette année ?
En ce moment, le tourisme domestique est proche de zéro, les mois de juillet et août ont été catastrophiques, mais nous sentons une légère croissance et nous pouvons espérer atteindre 20% de taux d’occupation dans les hôtels dans les prochains mois.
Chiang Mai fait partie des destinations prisées par les locaux durant la haute saison entre novembre et février. Nous sommes actuellement en train de discuter avec les différents bureaux de l’Office du tourisme afin de promouvoir la ville.
Nous espérons également que le gouvernement relance la campagne “Travel Together” qui permet aux Thaïlandais d’avoir jusqu’à 50% de réductions dans les hôtels et restaurants du programme.
Avec la fermeture de nombreux établissements, est-ce que dans le futur Chiang Mai aurait toujours les infrastructures pour accueillir les touristes ?
Le tourisme ne reviendra pas du jour au lendemain à son niveau pré-Covid-19, cela nous laisse le temps pour nous adapter en fonction de la demande. Aujourd’hui, venir en Thaïlande implique des coûts supplémentaires pour les tests PCR, les assurances, etc., ces contraintes ne permettent pas à tout le monde de venir. Mais dans le futur, je pense qu’il y aura toujours une variété de choix en termes d'hébergement avec des guesthouses bon marché et des hôtels de luxe.
Avez-vous envisagé de fermer le Ratilanna ?
Fermer et puis rouvrir ? C’est un véritable casse-tête à cause de la maintenance. De plus si nous fermons, nous devons renvoyer tout notre personnel et nous ne pouvons pas faire cela, nous devons nous soutenir en cette période, les aider pour qu’ils aient de l’argent pour nourrir leur famille. Les employés dans de nombreuses compagnies et secteurs d’activités qui ont perdu leur emploi sont les grands perdants de cette crise!
Par contre, nous avons réduit certains coûts en ne faisant pas tourner l’air conditionné dans certains espaces de l’hôtel ou en ne faisant plus appel à des compagnies extérieures pour le marketing ou la communication. Nous n’avons pas le choix, malheureusement cela a un impact pour les boîtes de communication, les médias, etc. Encore une fois, nous tournons en rond.
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
J’ai déjà beaucoup parlé, mais je pense que c’est nécessaire, nous ne pouvons pas rester silencieux, nous devons faire du bruit pour avoir accès à la vaccination pour tous et surtout pour avoir plus de soutien du gouvernement.