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Princesse Sturdza : "ce qui m'insupporte, c'est l'injustice vis à vis des enfants"

Portrait de la Princesse Sudrza. PhotoPortrait de la Princesse Sudrza. Photo
Portrait de la Princesse Studrza. Photo : HFI
Écrit par Fabienne
Publié le 21 mars 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

La Princesse Studrza a fait l’honneur d’accorder une interview au Petit Journal, nous parlant ainsi de la fondation qui lui tient tant à cœur : Heart for India. Son objectif : permettre à des enfants et des jeunes femmes issus de milieux défavorisés de Chennai d'accéder à une éducation de qualité en combinant enseignement, nutrition, santé et sécurité.

 

Lepetitjournal.com : Pouvez-vous nous parler de votre itinéraire ?

Princesse Studrza : J’ai fait l’Ecole des Cadres, à Paris, spécialisation finance/droit/économie. Après mon diplôme, je me suis mariée et me suis installée en Suisse. J’ai tout de suite travaillé dans le domaine de la distribution avant d’enchaîner avec un poste dans une agence de placement de personnel. Au bout de deux ans, j’ai eu envie de changer. Et j’ai monté ma société en une journée, le temps de trouver financements et locaux en centre-ville de Genève. Cette société comptait 200 personnes. J’ai eu beaucoup de chance.

Après quoi j’ai créé une société d’IT spécialisée dans les réseaux et la surveillance informatique et dans la formation de personnels sur tous les outils. Elle a bien fonctionné. J’ai tout vendu en 2014. J’ai travaillé jusqu’à 68 ans.

Aujourd’hui, je me consacre à ma fondation, Heart of India, avec ma fille qui va la reprendre en parallèle de son travail. J’utilise mon titre de Princesse comme sésame. Il m'ouvre des portes. Selon moi, le titre doit servir pour donner. C'est ce pourquoi j’ai toujours travaillé. 

La princesse Studrza à l'école. Photo : HFI
Photo : HFI


Pourquoi avoir créé la fondation Heart of India ? L’amour des enfants, j’imagine ?

Je suis passionnée par l’économie, l’art contemporain, l’histoire et les religions.

Surtout, je suis très intéressée par l’univers, ce qui est lié à l’évolution.

Mais ce qui m’insupporte, c’est l’injustice. Surtout vis-à-vis des enfants. J’essaye de rendre, à ma petite mesure, leur avenir un peu meilleur.

On n’a rien inventé : l’éducation est la clé de toute démocratie. Et pour les plus précaires, la seule possibilité de sortir de la pauvreté. J’ai habité à Chennai et Mumbai avant de créer la Fondation en 2005. Elle a été opérationnelle à partir de 2006. Je ne voulais pas faire juste du fund-raising et de jolies fêtes. Je voulais améliorer la vie de ces gens, pas juste mettre mon nom en haut de l’école et ne venir qu’une fois par an sans m’occuper de savoir si le projet tiendrait. J’estime que nous ne sommes pas, nous occidentaux, supérieurs aux autres nations. Et nous ne devons pas venir avec une approche coloniale mais en connaissant les coutumes, l’histoire, l’économie, les religions si nous voulons faire quelque chose de positif.

La Princesse révise des cahiers de maths avec des élèves. Image : FHI
Image : HFI

 

Comment êtes-vous arrivée en Inde ?

J'ai lu un livre sur Vasco de Gama que j'ai adoré, alors que je ne connaissais pas l’Inde. Je m’y suis vue. Alors, j’y suis partie, et je suis arrivée à Cochin. J’ai adoré et ai continué cette première expédition jusqu’à Dehli. J’ai été frappée par les sourires des gens malgré leurs conditions de vie.

Je suis venue ici régulièrement durant 5 ans et ai étudié tout ce qui pouvait m’aider à comprendre le pays.
 

En quoi consiste votre fondation, Heart for India ?

Heart for India est une fondation et ONG genevoise. Nous n’envoyons pas d’argent à des ONG qui viendraient juste une fois par an. J’ai sélectionné en connaissance de cause les deux ONG avec lesquelles je travaille et qui acceptaient de suivre nos programmes. Notre structure est transparente. Nous gérons et contrôlons l’aspect financier depuis Genève avec une directrice indienne, Minnie Abraham. Elle est rémunérée par Genève et donc ne dépend pas des ONG avec lesquelles nous travaillons. Ainsi, il n’y a pas de collusion, ce qui est la clé du succès.

Mon objectif est de suivre les enfants de 3 ans jusqu’au 12e standard, équivalent du baccalauréat Français. La Fondation soutient ainsi 5 écoles publiques, un jardin d'enfants et un collège communautaire à Chennai.
 

Quelles mesures avez-vous mises en place au sein de vos écoles ?

Nous avons tout de suite introduit l’anglais, nécessaire pour entrer à l’université. Cette initiative a maintenant été adoptée par toutes les écoles du Tamil Nadu où l’anglais est devenu obligatoire, ce qui n’était pas le cas lorsque la fondation a été mise en place il y a 18 ans. Heart for India soutient l’apprentissage de l’anglais dès le primaire.

Ce qui m’a frappé durant la 1re année était l’état physique alarmant de beaucoup d’enfants, atteints de malnutrition voire de sous nutrition. J’ai eu la chance d’être accompagnée par 3 médecins de l’hôpital universitaire de Genève. Sur les 750 élèves de cette 1re année, la moitié était mal ou sous nourris, l’autre moitié pouvait survivre. Certains parents n’ont même pas les moyens d’habiller leurs enfants, du coup, même si l’école est obligatoire, ils ne peuvent pas y aller. Nous avons commencé à distribuer des uniformes qui sont maintenant pris en charge par le gouvernement.

Puis, nous avons décidé de distribuer à tous les élèves un snack à 16h. A midi, le gouvernement distribue un déjeuner : du riz avec des oignons et parfois des tomates et des œufs durs, mais nous avions remarqué que les enfants quittaient l’école après le déjeuner pour grapiller de l’argent afin de pouvoir manger le soir. De ce fait nous avons introduit ce second gouter en fin d’après-midi. Notre intuition était que tout allait ensemble : nutrition et éducation.
 

En 18 ans, quels résultats avez-vous pu observer ?

La distribution de gouters a eu un effet magique. Depuis, finis l’absentéisme et la malnutrition ! Restant à l’école l’après-midi, les enfants apprennent mieux. Ils ont envie, ils sont disciplinés. De ce fait, avant le Covid, on est passé dans la totalité de nos écoles de 40% de réussite aux examens à 92% voire 100%. Les résultats sont donc très concrets.

Pendant l’épidémie, des cours ont été donnés à la télévision, car tout le monde, même dans les bidonvilles, en dispose. Mais quand il y a plusieurs enfants sous un même toit, tous ne peuvent pas suivre les cours en même temps. D’où l’idée de donner ces cours sur Whatsapp. On a également maintenu un programme de nutrition une fois par semaine. Les enfants allaient chercher dans leurs écoles des packs nutritifs (avec protéines, laitages, masques…). Enfin, nous pallions les défections du corps enseignant en fournissant nos professeurs.

Et puis, après l’épidémie, il y a eu une explosion des effectifs. Tout un pan de la petite bourgeoisie a perdu son travail et s’est rendu compte de la qualité de l’enseignement dans nos écoles (nos résultats sont meilleurs que dans certaines écoles privées). Notre école Panchayat Union Primary School - Amman Nagar a reçu de nombreuses récompenses. On a alors connu un afflux d’élèves. Le doublement d’effectifs fait qu’on compte aujourd’hui entre 85 et 100 élèves par classe. Par manque de place et de matériel, les enfants se serrent maintenant par terre dans les salles de classes.

Les résultats sont tels aujourd’hui que le gouvernement nous demande de prendre en charge davantage d’écoles.
 

Remise de badge par la Princesse Sturdza. Image : HFI
Remise de badge par la Princesse Sturdza. Image : HFI

Avez-vous des projets d’expansion ?

Un autre point nous a intéressé : la sécurité physique des enfants. Ainsi, à Amman Nagar, on a cherché à aménager l’école. Le maire aime beaucoup le projet et nous soutient. Il a permis la construction d’un muret de séparation des eaux usées. L’école était un désastre. Les enfants pouvaient tomber dans les égouts. Globalement, on a sécurisé les écoles qui en avaient besoin. On a même mis un gardien quand il le fallait. Mais ce que nous avons fait au début n’est plus forcément nécessaire.

Nous essayons aussi de valoriser les filles, car la condition de la femme n’est pas brillante. J’ai été très marquée par l’histoire de Phoolan Devi. Ainsi, on donne des cours de karaté et de self défense là où on peut le faire pour leur donner confiance et les moyens de se défendre en cas d’agression.

Cours de Karaté. Image : FHI
Cours de karaté. Image : HFI


Mais je refuse généralement de construire des bâtiments. La seule chose qu’on ait construite, ce sont des toilettes. Car faute de sanitaires, les garçons faisaient leurs besoins derrière le mur de l’école ; les filles, elles, se retenaient jusqu’au soir.

L’autre grande campagne a donc été la propreté. En 20 ans, j’ai noté beaucoup de différences à l’échelle du pays. Les infrastructures se sont beaucoup améliorées, notamment les transports, mais la propreté également. Le niveau de vie a monté. On le voit aux voitures, très bien entretenues. Cet enrichissement a profité à une large classe moyenne.

Nous avons construit notre modèle sur le pilier éducation/nutrition. Une fois les besoins primaires assouvis, on a ajouté le sport, qui n’existait pas dans les écoles publiques. Et dans les écoles qui disposaient de terrain, on a créé des kitchen garden pour sensibiliser les enfants à l’environnement.

On aurait bien étendu ce modèle en dehors du Tamil Nadu, à toute l’Inde, mais les fonds nous manquent.
 

D’où viennent les dons ?

J’ai beaucoup d’amis et ma fille Christine m’aide, mais il n’est pas facile de récolter des fonds. Avant le Covid, quelques communes nous soutenaient, mais nous sommes sur un projet pérenne dans un pays traditionaliste, pas dans la mode du moment dont il ne reste rien après trois ans. En conséquence, même si notre projet tient la route, il n’intéresse pas.

Ce que nous aimerions toucher, ce sont les entreprises implantées en Inde dans le cadre du Corporate Social Responsability.
 

Avant de nous quitter, comment pouvons-nous soutenir la Fondation ?

J’organise un Gala de Charité, Night in Rajahstan, le 17 juin prochain à Genève. Dans un décor de jungle, les hôtes assisteront à un défilé de mode de Priya Katariya Puri. Deux sopranos vont chanter le duo des fleurs de Lakmé de Leo Delibes. Swethi Pandit fera une prestation de chants et danses Bollywood et des DJ animeront la soirée dansante. 500 magic enveloppes seront distribuées, toutes gagnantes avec quelques très beaux lots. Une enchère aura lieu pendant cette soirée très internationale. Il me reste quelques tables de 10 ainsi que des tables de soutien.

Invitation à la soirée A night in Rajastan

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