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Les 5 questions gênantes que les Indiens posent sur la famille

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Écrit par Capucine Canonne
Publié le 8 avril 2020, mis à jour le 19 décembre 2023

Loin de porter un jugement sur la famille en Inde, il est intéressant de se poser un peu à travers des questions, réellement posées aux étrangers, qui mettent en lumière des différences de points de vue, des traditions, mais aussi des faits de société actuels.

« Est-ce que ton mariage est arrangé ? »

La question est souvent posée aux étrangers : « As-tu fait un mariage d’amour ou un mariage arrangé par ta famille ? » Une question indiscrète mais surtout très surprenante ! « Un mariage d’amour, bien entendu »…mais la réponse est tout aussi surprenante pour les Indiens. 

Car aujourd’hui, on estime que 9 mariages indiens sur 10 sont arrangés. Attention à ne pas confondre avec un mariage forcé ! Tout d’abord ce sont les familles qui décident le plus souvent le moment du mariage. Les parents consultent parfois un astrologue pour déterminer quelle personne conviendrait le mieux à leur enfant, et si possible, de la même caste et de la même religion. Dans la plupart des cas, ils présentent quelques personnes que le/la jeune fiancé(e) est susceptible de refuser.  La tradition est très ancrée, les jeunes indiens ne se posent pas la question et font confiance à leur famille pour trouver un bon mari ou une bonne épouse. Avant le mariage, plusieurs rencontres sont organisées, puis les préparatifs commencent. Voici 3 témoignages de mariages à l’indienne.

Ainsi, le mariage est davantage considéré comme une alliance entre deux familles plutôt que l’union entre deux personnes, comme on peut le penser en Occident. C’est avant tout perçu comment un acte « bienveillant » pour sa progéniture. Officiellement, le taux de divorces est de 1,1 %, un chiffre qu’il faut néanmoins prendre avec des pincettes car il n’est pas forcément facile de se séparer en Inde à cause du poids des traditions (déception de la famille…) des conditions (consentement mutuel, période de réflexion…) et parfois de la dépendance financière de l’épouse.

 

mariage inde arrangé

 

« Et toi, ton gouvernement te conseille d’avoir combien d’enfants ? »

En août dernier, le Premier ministre de l’Inde, Narendra Modi, a pointé “l’explosion de la population” et expliqué à ses concitoyens que le fait d’avoir “des familles de petite taille” était “un acte de patriotisme”.  Avec 1,37 milliard d’êtres humains sur le continent Indien, le gouvernement essaye d’encadrer le taux de fécondité avec diplomatie ; un projet de loi serait en réflexion mais aucune confirmation n’a été faite à ce jour.

Historiquement, dans les années 70, l’Inde a tenté de freiner son taux de natalité en mettant en place un programme de planification familiale en offrant  notamment des primes aux familles de « petite taille ». Mais, après de nombreux débordements (vasectomies forcées et campagnes de stérilisation dans les régions reculées), le système a cessé, et des campagnes ont été mises en place autour du concept  « 2 enfants maximum par famille ». Au fil des années, principalement grâce à une prise de conscience de la population, le taux de fécondité a baissé (passant de 5,6 en 1970 à 2,2 en 2019 et estimé à 1,8 en 2050*. A titre de comparaison, le taux de fécondité en Europe était de 2,27 enfants par femme en 1970, il est aujourd’hui à 1,61 et estimé à 1,72 en 2050*.)

*source https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/graphiques-cartes/population_graphiques/

 

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« Es-tu content d’avoir une fille ? »

« J’ai 3 filles et ma femme est enceinte. Il faut absolument que ce soit un garçon…. Et toi, tu es content d’avoir une fille ? » Cette question, posée semble extrêmement dérangeante. Et pourtant elle cache une triste réalité aujourd’hui en Inde. Au dernier recensement en 2011, on comptait 914 filles pour 1000 garçons contre 927 dix ans plus tôt, et les prévisions annoncent 898 filles pour 1000 garçons en 2030. Toutes ces données représentent aujourd’hui un déficit de 63 millions de filles, soit presque l’équivalent de la population française…

Comment expliquer un tel phénomène ? Il y a, encore aujourd’hui une réelle déconsidération de la femme en Inde. Avoir une fille est perçu comme un fardeau, une charge financière. D’abord car elle est moins robuste pour le travail physique, ensuite car elle devra fournir une dot à son mariage et enfin parce qu’elle dépendra de son époux et sa belle-famille après son mariage et ne prendra pas en charge ses parents. Un dicton dirait même « élever une fille c’est comme arroser le jardin du voisin »… Et donc, pour ces raisons (et sans doute d’autres encore), le taux de mortalité des filles et le taux de natalité des garçons sont plus élevés.  Fait actuel alarmant par exemple dans le nord de l’Inde : Parmi les 216 nouveau-nés lors des trois derniers mois dans le district d’Uttarkashi, il n’y a aucune fille. La situation est très douteuse et les autorités craignent que les parents aient recours à des avortements sélectifs pour éviter la naissance d’une fille (ndlr la détermination du sexe à l’échographie est interdit depuis 1994 et passible de 5 ans de prison).

En 2015, le gouvernement lançait une vaste campagne « Sauvez vos filles, éduquez vos filles ». Certains états, (l’Andhra Pradesh par exemple) prennent des initiatives comme offrir une prime aux parents n’ayant qu’une fille. Par ailleurs, le ministère de la Santé cherche continuellement à renverser la tendance en faisant campagne dans les universités et les lycées mais aussi auprès des futurs parents. Pour aller plus loin sur le sujet, Lepetitjournal de Bombay vous recommande le documentaire Son Rise, louant le courage d’hommes et de femmes qui témoignent des horreurs encore subies par les filles et les femmes dans certaines régions…

 

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« Pourquoi t’arrive-t-il de gronder ton enfant ? »

Anita, l’aide à domicile d’une famille d’expatriés français, rentre chez elle ce soir, triste. Aujourd’hui, le petit garçon de la famille n’était vraiment pas sage, a fait une bêtise et sa maman a décidé de le mettre au coin. Anita en avait les larmes aux yeux, elle a voulu intervenir pour consoler l’enfant mais la maman lui a demandé de la laisser faire, de le laisser se calmer puis elle ira discuter avec son fils au sujet de la bêtise qu’il vient de faire. Anita s’éloigne, elle comprend que ce n’est pas la même culture qu’elle mais est mal à l’aise. Chez elle, ses fils ne sont jamais grondés et mangent ce qu'ils souhaitent, quand ils le souhaitent.

Loin de faire une leçon d’éducation ici, les points de vue sont très différents d’un pays à l’autre. En Inde, il y a un profond respect pour les enfants, on ne les gronde peu ou pas. De plus, on ne laisse pas (ou peu) pleurer un enfant, même si, selon d’autres cultures et convictions, il pourrait être bénéfique de les laisser exprimer leur sentiment de colère ou de tristesse. Si l’enfant est souvent roi, il n’est pas Dieu non plus ! Une fois qu’il a grandi et qu’il est plus mature, il est de mauvais goût de remettre en question ses parents, ou de leur désobéir (en particulier sur des sujets comme le mariage, la religion…). Le respect des plus âgés est sacré.

 

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« Est-ce que tes parents vivent avec vous ? »

« Heu non… ils vivent chez eux et nous, chez nous. Ils nous rendent visite parfois  et nous partons en vacances de temps en temps avec eux ». Une réponse qui peut intriguer des indiens, car, en Inde, on parle non pas de famille nucléaire (les parents et les enfants sous le même toit), mais de famille élargie, qui peut abriter jusqu'à quatre générations. Outre les parents et enfants, on y retrouve les grands-parents, la belle-fille et même parfois un arrière-grand-oncle ou une tante veuve. A noter toutefois que la famille nucléaire devient de plus en plus le mode de vie dans les villes.

Cette structure familiale indienne peut surprendre, mais il faut comprendre que la famille constitue l'unité de base de la société indienne, elle est plus importante que l’individu lui-même (on est donc loin de l’individualisme, caractéristique de l’Occident). La famille prend en effet les fonctions de protection qui ne sont pas fournies par le gouvernement et soigne les malades, héberge les personnes âgées, et prend en charge les chômeurs. L’indien vit dans sa famille, par sa famille et pour sa famille. De plus, dans le monde professionnel, il est très fréquent  de voir de grandes familles avoir un certain poids dans le fonctionnement d’entreprises indiennes (comme le groupe hospitalier Apollo, dirigé par Prathap Reddy et ses 4 filles « au conseil de famille »).

 

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Dr Prathap Reddy et sa famille, entrepreneur, cardiologue et fondateur de Apollo Hospitals

 

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