Jeudi 25 avril, dans deux auditoriums du musée national du cinema indien à Bombay, une large audience a pu visionner un documentaire, Son Rise, louant le courage des hommes et des femmes qui ont témoigné des horreurs pratiquées dans leurs villages de l’état de l’Haryana envers les filles et les femmes. Le film a reçu le soutien des Nations Unies Femmes et de HeForShe, le mouvement de solidarité mondiale des Nations Unies en faveur de l’égalité des sexes. La réalisatrice Vibha Bakshi a expliqué au public les raisons qui l'ont poussée à faire ce documentaire et ses espoirs. La projection était organisée par plusieurs consulats généraux à Bombay, menés par l’épouse du consul général de Nouvelle Zélande. Sonia Barbry, Consule Générale de France, s’est associée à cette action avec enthousiasme.
Le film démarre par une scène perturbante pour le spectateur dans laquelle la réalisatrice se déplace dans plusieurs villages et demande à des petits garçons s’ils ont une sœur. La réponse est toujours la même : “Non”. Partant de là, le documentaire mêle le parcours de plusieurs hommes qui ont décidé de révéler les pratiques ancestrales de discrimination envers les femmes et de lutter pour changer les choses dans leurs villages de l'Haryana.
L’Haryana est un état fertile et prospère qui entoure en partie la ville de Delhi. Depuis les résultats du recensement de 2011, qui a révélé que 3 districts de l’Haryana avaient le ratio fille/garçon le plus bas de toute l’Inde (781 filles pour 1000 garçons, 780 et 743), l’Haryana est surnommé par certains, Kudi-Maar, le pays des meurtriers de petites filles ! Ce ratio particulièrement inquiétant est du à la pratique de la détermination du sexe du bébé avant la naissance même si cela est strictement interdit en Inde et à l’avortement des bébés filles. Dans le documentaire, on entend une voix off dire : “Les bébés garçons sont un investissement pour la famille, les bébés filles une dette.”
Plusieurs hommes partagent leur histoire dans le film de Vibha Bakshi. Tous militent pour changer les comportements ancrés dans la société extrêmement patriarcale de l’état de l’Haryana qui mènent à des pratiques terribles : infanticide de bébés filles, non éducation des filles et violence contre les femmes qui augmente du fait du manque de femmes adultes dans la région.
Le documentaire a été filmé sur une période de deux ans et suit l’évolution de certains hommes dans différents villages de l’état. Jitender Chhatar, un fermier de l’état de l’Haryana, s'est marié avec Kusum, une jeune femme qui a survécu à des viols répétés par un gang. Il met sa vie en danger afin de faire accuser et incarcérer les criminels et obtenir réparation pour elle. Jitender est le premier “héros” de Vibha Bakshi, c’est son combat qui lui a donné l’idée d’aller à la rencontre d’hommes comme lui.
Le maire du village de Bibipur se bat pour faire entrer les femmes dans les instances de conseil et de décision du village. Un chanteur de balades populaires condamne l’infanticide pratiqué sur les petites filles et le chef d’un groupement de villages déclare à la fin du film que cette pratique doit cesser et est illégale.
Ce sont tous des hommes ordinaires qui se sont engagés dans un combat extraordinaire. La réalisatrice souligne : “Ils ont grandi dans un environnement patriarcal qui excluait les filles, mais leur mentalité a évolué au cours des années. Si, eux, évoluant dans un tel milieu, ont changé, je me dis que tout le monde peut changer. S’ils peuvent voir un espoir d’amélioration de la condition des femmes dans leur contexte profondément biaisé envers les hommes, alors on peut espérer que le monde peut changer.” Et elle ajoute : “J’ai vécu dans de grandes villes et à l’étranger, mais je n’ai jamais vu d’hommes comme eux. Je salue ces héros de l’Haryana parce qu’ils ont eu l’immense courage de parler et de dénoncer des pratiques ancestrales. L’inégalité des sexes est un problème qui n’est pas restreint à l’Haryana et à l’Inde, c’est un sujet mondial !”
Lors de l’introduction de la séance, Nishtha Satyam des Nations Unies Femmes pour l'Inde, le Bhoutan, les Maldives et le Sri Lanka a affirmé : “Le monde ne pourra pas s’améliorer si la condition des femmes dans la plus grande démocratie mondiale reste la même. Ce documentaire présente le combat extraordinaire d’hommes qui ont eu la force de changer de mentalité et de s’opposer à des coutumes et croyances ancrées dans leur société.”
Son Rise est un film qui ne laisse pas indifférent et qui, tout en montrant des images dérangeantes, fait passer un message d’espoir à ses spectateurs.
Fin 2018, le ratio filles/garçons dans l’Haryana a atteint 924 filles nées pour 1000 garçons (il était de 797 en 2012) ce qui laisse présager que le combat des hommes ordinaires filmés par Vibha Bakshi commencent à porter ses fruits.
Pour en savoir plus, Son Rise
Un musée à visiter à Bombay, le musée national du cinéma indien : Gulshan Mahal, 24, Pedder Rd, Cumballa Hill, Mumbai, Maharashtra 400026