Qui n’a jamais regardé les mouches voler lors d’un cours interminable de physique ? C’est désormais fini, grâce à des initiatives innovantes comme celle d’Adrien Gontier, avec son application gratuite PuiSciences. Rencontre avec un prof pas comme les autres.
Après un parcours de recherche, puis d’expatriation aux Etats-Unis, Adrien Gontier a posé ses valises à Casablanca au Maroc, où il enseigne à l’École Française Internationale (EFI). Il a créé seul, de toutes pièces, l’application PuiSciences, et cherche aujourd’hui à faire fructifier son projet. Le but ? Accompagner les collégiens et lycéens dans l’apprentissage des matières scientifiques (à commencer avec la physique chimie), via de courtes vidéos pédagogiques et amusantes, ainsi que des quiz et autres activités.
Quel est le parcours d’expatriation qui vous a amené au Maroc ?
C’est le hasard qui m’a mené à l’expatriation. J’étais, avec ma compagne, en thèse à Strasbourg en biochimie. Les post-doctorants sont souvent incités à aller à l’étranger. Nous nous sommes donc retrouvés aux Etats-Unis et là bas, je n’ai pas fait de la recherche mais beaucoup de petites expériences jusqu’à postuler à l’école française Rochambeau à Washington, qui est une très bonne école. C’est comme cela que je me suis retrouvé à enseigner à l’étranger face à une classe.
Après des soucis de visa, j’ai dû quitter les Etats-Unis mais j’avais envie de continuer mon expérience d’expatriation et surtout de continuer à enseigner. Des collègues qui connaissaient le Maroc m’ont dit que le pays allait me plaire donc je m’y suis installé et cela fait aujourd’hui trois ans que je vis et j’enseigne à Casablanca.
Enseigne-t-on différemment à l’étranger ?
La particularité de l’enseignement français à l’étranger est le public, car ce sont généralement des écoles privées. Au-delà de la différence des moyens alloués, la population diffère selon les établissements. Aux Etats-Unis, j’avais environ la moitié des élèves qui étaient français et qui avaient beaucoup voyagé, alors qu’au Maroc, ce sont surtout des élèves marocains issus de la nouvelle bourgeoisie ayant les moyens d’offrir cette éducation à leurs enfants. Ici, les enfants n’ont pas autant voyagé dans le monde et n’ont pas forcément accès à beaucoup de musées. Ils n’ont pas une culture générale similaire à ceux des écoles américaines. Ils n’en sont néanmoins pas moins curieux !
Avez-vous senti une différence entre l’enseignement au Maroc et aux Etats-Unis ?
Oui en effet, au Maroc et en France, l’enseignement est très vertical : le professeur parle et les élèves écoutent. Aux Etats-Unis, les cours sont beaucoup plus participatifs, et le corps enseignant a plus tendance à la bienveillance et l’encouragement. Cela a ses bons côtés mais peut aussi mener à une certaine stagnation des élèves. Il y a du positif et du négatif des deux côtés et j’essaye de les allier : la rigueur française et la bienveillance américaine. Ce n’est pas toujours évident car dans les écoles privées, les parents ont des attentes de résultats, ce qui met une pression sur les élèves et les professeurs.
En revanche, il est très intéressant de s’adapter à la culture et l’environnement local pour enseigner. Les cahiers français sont très centrés sur la France métropolitaine et cela ne va pas toujours parler à un élève marocain. J’essaye alors d’utiliser ce qui existe autour de moi, comme du sable, pour les expériences en classe. Aux Etats-Unis, pour étudier la chute d’un corps, ils ont des vidéos et des technologies. Au Maroc, nous utilisons des œufs emballés dont nous filmons la chute, mesurons la vitesse etc.
Tiktok, Instagram, Linkedin, comment êtes-vous passé à l’enseignement virtuel ?
Le déclic a eu lieu au début du premier confinement. La distance était très difficile pour enseigner la physique chimie qui n’est pas la matière la plus sexy sur zoom. Dans ma classe, on peut faire des expériences pendant cinq heures d'affilée mais au travers d’un écran, c’est plus compliqué.
Je poste régulièrement sur les réseaux sociaux - pour les élèves, mais pas que ! Les vidéos et les partages permettent de faire savoir aussi aux parents ce qu’on fait en classe, mais cela permet surtout la communication entre professeurs, qui sont parfois un peu frileux à laisser entrer des collègues dans leur classe. Je partage mes idées d’expériences, je m’inspire de celles des autres et j’accepte avec plaisir les critiques constructives.
Pourquoi avez-vous eu l’idée de créer cette application ?
L’idée de l’application est venue à la suite de mes vidéos : je me suis rendu compte que j’utilisais beaucoup de moyens mnémotechniques et d’images pour faire comprendre des concepts. Pour faire retenir le nom des énergies, je parle de « Clément », car chacune des lettres du mot correspond à une forme d’énergie. Je ne suis pas un bon élève : j’ai raté une prépa, je sais ce que c'est de ne pas comprendre - donc je sais aussi qu’apprendre d’une autre manière est essentiel. J’avais une chaine YouTube mais je me suis rendu compte que les jeunes sont plutôt sur leurs téléphones et leurs tablettes - il fallait donc une application.
Que propose votre application PuiSciences ?
Cette application, Puisciences propose donc des courtes vidéos de vulgarisation de sujets de physique chimie. Je veux trouver le juste milieu entre Tiktok et la vulgarisation scientifique. Je donne un certain ton à mes vidéos, j’y mets de l’humour et beaucoup de pédagogie. J’aimerais beaucoup, à terme, proposer des vidéos en collaboration avec des professeurs de SVT et de maths.
Pour faire une application, le côté technique est très important. J’ai appris à coder en HTML puis en PHP pour un site puis un blog (Une année sans huile de palme, médiatisé à l’époque). J’ai bricolé l’application tout seul, ce qui fait qu’il manque un peu de technique, pour permettre de nouvelles fonctionnalités - ce ne sont pas les idées qui manquent. Certains professeurs m’ont déjà proposé de relire et vérifier mes scripts, c’est super ! En revanche, je rencontre pas mal de problèmes pour le financement, l’AEFE n’a, par exemple, pas de budget pour ce genre de projets.
Comment voyez-vous la suite ?
L’application est gratuite et je voudrais que cela reste le cas - et sans publicités, car les jeunes de nos jours y sont déjà trop confrontés. Je voudrais m’entourer - notamment sur l’aspect technique du codage, mais pour cela il faut des fonds que jusqu’à maintenant je n’ai pas. Le temps et les moyens me manquent - j’ai estimé plus de 800 heures de développement sur un an et demi déjà effectués ! J’ai encore beaucoup de bonnes idées à développer et malgré le soutien d’associations de parents d’élèves, il me manque encore du mécénat. J’aimerais aussi travailler avec des étudiants qui seraient enthousiasmés par mon idée et voudraient s’essayer au perfectionnement de l’application.
Si vous souhaitez contacter Adrien Gontier pour l’aider dans son projet, écrivez lui à adrien.gontier@gmail.com
Découvrez l’application PuiSciences :
Tiktok : TikTok PuiSciences (@puisciences)
Instagram : PuiSciences Collège & Lycée (@puisciences)
PuiSciences Lycée – Applications sur Google Play
PuiSciences Collège – Applications sur Google Play