Koh Pich, à l'extrémité est de Phnom Penh, est l’île de tous les fantasmes. Des pêcheurs aux investisseurs chinois, elle est devenue la parcelle de terrain cambodgienne la plus convoitée du royaume.
L’île Diamant, traduction de son nom khmer, alimente tous les fantasmes des connaisseurs du Cambodge. Cette île, adjacente à Phnom Penh, est devenue depuis une dizaine d’année le terrain d’expérimentation de grand investisseurs étrangers décidés à faire de cet ancien îlot de pêcheurs le nouveau quartier résidentiel haut de gamme de la capitale du royaume.
Courant 2006, un contrat a été signé entre l’Overseas Cambodian Investment Company et le gouverneur de Phnom Penh pour l’exploitation du terrain pour un montant de 700 millions de dollars, budget auquel a également participé Jixiang Investment, une entreprise chinoise.
Imitation contre innovation
Le chantier, qui aurait dû s’achever en 2017, a vu sortir de terre un quartier d’inspiration haussmannienne, sobrement nommé Elysée. Point d’orgue de ce projet, la construction d’une réplique de l’arc de Triomphe de l’Etoile, aux proportions exactement similaires à l’édifice parisien. Comble de la ressemblance, les architectes ont opté pour des toits directement peints de la couleur vert-de-gris, dont beaucoup de bâtiments parisiens ont pris la teinte après l'oxydation de leur cuivre d'origine.
Ce “faux Paris” accueillera à terme un complexe résidentiel de 226 appartements.. La majorité des constructeurs affirment que ces constructions permettront de décongestionner les quartiers centraux de Phnom Penh, notamment le trio des BKK, où les expatriés ont pris leurs habitudes dans des condominiums qui se dressent au dessus des rues les plus branchées de la capitale. En réalité, la population expatriée de Phnom Penh est loin d’augmenter proportionnellement à la dynamique d’érection de bâtiments actuellement en marche au Cambodge. La réalité est donc moins rose que ce que les tracts de Diamond Island veulent laisser paraître. Certains architectes cambodgiens déplorent notamment cet excès de construction qui, à terme, laisse des immeubles complètement vides puisque leurs standards sont largement au-dessus de la moyenne des revenus des Cambodgiens.
Une ambition étrangère
Les noms de rues de l'île, Princeton Street, Elite Road, Columbia Street, ne rappelle que très peu le passé cambodgien. L'ambition est définitivement tournée vers un public étranger. Mais à quel prix? Lorsque l’on se balade sur l’île actuellement, entre les grues et les échafaudages, une vision inquiète. Les chantiers de Koh Pich rappellent étrangement ce qu’a vécu Sihanoukville il y a quelques années. De nombreuses enseignes sont inscrites en mandarin et ont déjà ciblé leur future clientèle. La présence d’entreprises chinoises au budget de construction de nombreux immeubles de l’île est loin d’être anodine. L’Empire du milieu exploite ici encore son influence sur le royaume. Et, comme la cité portuaire du sud du pays, Koh Pich pourrait prendre des airs de ville chinoise. Sa proximité avec l’immense casino et complexe de divertissement de Nagaworld expliquerait en partie l’intérêt des investisseurs pour l’île.
Le calme au coeur de la capitale
Malgré tout, Koh Pich a encore le potentiel de devenir l’un des rares espaces préservés de la capitale. La présence d’un étang et d’un parc au milieu de ces tours de 30 étages laisse présager un renouveau de l'urbanisme phnompenhois. Il n’y a pas beaucoup à parier que les touristes et expatriés du Cambodge réclament de plus en plus de confort, et que cela passe par une augmentation du nombre d’espaces verts et de trottoirs praticables. Si l’espoir est mince de la voir un jour devenir un oasis de verdure, Koh Pich deviendra probablement une des rares zones de Phnom Penh à être considérée comme propre et entretenue, caractéristique primordiale d’une cité qui désire se développer pour arriver au niveau de ses voisines du sud-est asiatique.