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"La méconnaissance des codes artistiques amplifie l’écart des classes"

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Écrit par Thibault Bourru
Publié le 2 septembre 2019, mis à jour le 6 septembre 2019

Inès Ghanty, une danseuse classique franco-cambodgienne, souhaite promouvoir cet art dans son pays d’origine. Pour ce faire, elle veut créer une ONG pour permettre aux enfants pauvres de pratiquer la danse.

Âgée de 18 ans, Inès Ghanty souhaite réaliser un rêve qu’elle entretient depuis six ans maintenant : monter une ONG afin d'enseigner la danse classique au Cambodge, le pays de son père. Une terre qu’il a, comme beaucoup d’autres, fui afin d'échapper au régime de l'Angkar. La bachelière, native de Seine et Marne, pratique la danse classique depuis son plus jeune âge à un rythme effréné : six heures d’entraînement quotidien. Alors qu'elle est sur le point de décrocher un statut de danseuse professionnelle (ndlr : à compter d’octobre), Inès veut, en parallèle, travailler d’arrache-pied pour promouvoir cet art dans son pays d’origine. Elle est actuellement au Cambodge pour rencontrer d’autres associations, des sponsors, et acquérir de l’expérience dans le domaine humanitaire. L’occasion pour Lepetitjournal.com Cambodge de la rencontrer et d’échanger sur sa future association, l'Atelier des lotus, qui aura pour but d’enseigner la danse à des enfants issus de familles défavorisées de Phnom Penh.

Lepetitjournal.com Cambodge : Quel a été le déclic, il y a six ans, qui vous a donné envie de monter une ONG au Cambodge ?

Inès Ghanty : J’ai ressenti un choc quand je suis venue pour la première fois au Cambodge avec mon père. C’était en 2013, j’avais 12 ans, et j’ai vu des choses désastreuses que je n’ai jamais eu l’habitude de voir. Des enfants de mon âge se prostituaient dans la rue. Je me suis demandé comment cela était possible. Je dansais tous les jours en France quand eux étaient, chez eux, forcés de faire cela… C’est à ce moment-là que j’ai pensé pour la première fois à m’engager de façon humanitaire. Petit à petit, les choses devenaient claires dans mon esprit, c’était au début pour moi un rêve, un objectif, puis j’ai lancé les démarches pour créer l'Atelier des lotus il y a deux ans. Mais à 16 ans j’étais un peu perdue dans ce nouveau défi, j’ai depuis gagné en maturité et rencontré d’autres professionnels motivés par ce projet et prêts à me guider. Je sais où nous allons aujourd’hui.

Pouvez-vous dresser le portrait des enfants qui seront ciblés et considérés comme prioritaires au sein de votre ONG ?

J’aimerais me centrer sur les enfants pauvres issus des bidonvilles de Phnom Penh. Leur donner le choix. Aujourd’hui ils sont obligés de partir travailler très jeunes pour aider financièrement leur famille. Le but est de remettre l’art au centre de la culture dans ces zones, et d’y développer l’enseignement. Cela est très important car la méconnaissance des codes artistiques et des référents techniques amplifie l’écart entre les classes. Nous voulions au début nous concentrer sur les orphelinats, mais je me suis rendue compte que ces derniers sont largement exposés médiatiquement, ils sont très souvent mis en avant. Mais je ne dirai évidemment pas non à tel ou tel enfant motivé si tant est qu’il reste des places disponibles dans notre association.

Comment voulez-vous attirer ces enfants qui pensent avant tout à l’argent qu’il peuvent rapporter à la maison ?

Nous souhaitons pour démarrer nous associer avec d’autres ONG éducatives qui dispensent quotidiennement un enseignement scolaires aux enfants issus des bidonvilles. Le but est de leur proposer une activité extra-scolaire, en l’occurrence de la danse classique. Nous ciblons donc des enfants qui ont déjà l’habitude de collaborer avec un milieu associatif. Nous avons également besoin de fonds pour les soutenir financièrement, eux et leur famille. Cela passe par une mise en place d’un système de parrainage. Les parrains et marraines pourront avoir un contact permanent avec l’enfant qu’ils soutiennent par correspondance notamment.

Qu’y a-t-il à financer dans votre association, et comment souhaitez-vous le faire ?

Il nous faut des locaux, du matériel de danse, de quoi rémunérer les différents acteurs impliqués, ou encore soutenir les parents. Nous réalisons actuellement une recherche intelligente de sponsors, nous allons les rencontrer pour leur proposer de s’impliquer dans l’association. Quand je parle de « recherche intelligente » je pense que la réputation et les actions d’une marque sont à prendre en compte et doivent coller à notre association. J'aimerais également, à l'image des parrainages, que des particuliers s'impliquent dans l'association. J'ai donc créé une cagnotte pour aller dans ce sens.

La danse semble être pour vous un domaine fédérateur qui doit servir à la nouvelle génération cambodgienne…

La danse aide à canaliser les émotions, la population en a besoin pour se développer. Je veux qu’elle ouvre aux enfants une vision de la vie à laquelle ils n’auraient jamais pensé. Ce domaine n’est pour moi pas assez représenté au Cambodge, et cela est bien dommage, d’autant plus que le roi Norodom Sihamoni est un pur passionné. Il était d’ailleurs professeur de danse dans l’école parisienne où j’ai eu l’occasion d’apprendre : Éléphant de Paname. Les Cambodgiens ont envie de se réveiller après avoir été endormis trop longtemps sous le régime des Khmers rouges. Je pense sincèrement que cet art possède des valeurs allant dans ce sens. Je veux partager à ces enfants ce que j’ai appris.

Quelles seront exactement les activités que vous proposerez à ces enfants dans votre association ?

La danse classique type ballet sera l’activité principale de l'Atelier des lotus. Je l’enseignerai et serai accompagnée de Stephen Bimson qui est actuellement directeur de l’English Ballet Theater Cambodia de Phnom Penh, et de Mélissa Mora son assistante. Les bases de la danse classique sont inhérentes à l’apprentissage d’autres danses. Nous leur proposerons sûrement, de ce fait plus tard, du hip-hop, car c’est une discipline très appréciée des jeunes actuellement. Je donnerai également des cours de piano et nous intégrerons du sport dans le programme, très certainement du football.

 

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Thibault Bourru
Publié le 2 septembre 2019, mis à jour le 6 septembre 2019

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