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LÉGENDES EPISODE 6/7 - Le meurtre de la femme la plus riche d’Argentine

En se promenant dans le quartier de Barracas, une grande église au style gothique se détache des bâtiments gris. Les Argentins du coin passent devant, pressés, sans même lui jeter un regard. Savent-ils que cet édifice a été construit en l’honneur de la femme la plus belle d’Argentine, tragiquement assassinée par un amant jaloux ?

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Écrit par Clara Monteiro
Publié le 2 juin 2025, mis à jour le 3 juin 2025

C’est l’histoire d’une tragédie devenue légende. Celle d’un féminicide du XIXe siècle. Et celle d’une église, située en plein cœur du quartier de Barracas, au sud-ouest de Buenos Aires. Qui était celle qui a donné son nom à la Iglesia San Felicitas ?

 

La riche et belle veuve 

C’est d’abord l’histoire de Felicitas Guerrero de Álzaga. A 18 ans, elle est mariée à Martin de Alzaga, de trente ans son aîné. Ce dernier meurt cinq ans après et lui laisse une fortune considérable. Elle devient alors la veuve la plus convoitée de l’époque. La première raison est qu’elle possédait l’une des plus grandes fortunes du pays à la fin du XIXe siècle. La deuxième, c’est qu’elle était connue comme la plus belle femme d’Argentine dans les cours de la haute société. Beaucoup de prétendants se pressaient devant elle, et notamment un jeune homme, Enrique Ocampo. Fou amoureux, il la couvre de cadeaux et de lettres. Mais Felicitas se fiance avec Samuel Sáenz Valiente, un jeune propriétaire terrien. Arrive la fête de fiançailles. Ocampo, le rival de Samuel, est présent, annonçant vouloir parler avec elle. Il a beaucoup bu. Felicitas supplie sa tante de lui trouver une excuse pour qu’elle n’aille pas lui parler. Son amie, Albina, lui a proposé de l'accompagner, sans succès. Son frère Antonio et son cousin l'escortent secrètement et écoutent à travers la fenêtre du jardin pour la protéger.

La discussion est violente. Ocampo hurle : "Pourquoi ne te maries-tu pas avec moi ?" Il sort un revolver de sa poche, et tire deux fois sur la pauvre Felicitas, qui tentait de s’échapper.  Elle repose aujourd’hui dans le cimetière de la Recoleta. Quant à Ocampo, deux théories se font face, un suicide ou un meurtre par la famille de Felicitas.

 

Une Église construite en son honneur 

Suite à la mort de la jeune fille, les parents héritent de sa fortune puisqu’elle n’avait pas d’enfants. Ils font alors construire, en 1879, l'église de Santa Felicitas, en face de la Plaza Colombia, à Barracas. Jorge Vivras, 63 ans, s’est arrêté sur le trottoir pour observer l’édifice. "J’habite à côté de l'église, je la vois depuis ma fenêtre. Aujourd’hui les gens connaissent de moins en moins l’histoire, elle très belle pourtant." Il évoque une tradition née après le meurtre de Felicitas : personne n'aurait voulu, après le drame, marier ou baptiser ses enfants dans cette église. Dans les faits, l’Église n’est simplement pas une paroisse et n’est donc pas autorisée à administrer les sacrements. Mais, des rumeurs circulent autour du bâtiment. On pourrait la voir près de l'église le jour de l’anniversaire de sa mort. La légende raconte que les femmes qui désirent se marier doivent attacher un mouchoir sur les barreaux de l’Eglise. Si ce dernier est mouillé le lendemain matin, c'est à cause des larmes de Felicitas. Comme l’explique Jorge, "Désormais, elle bénit les mariages depuis le paradis."


 

cathédrale
©Clara Monteiro
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©Clara Monteiro

 

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