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LÉGENDES ÉPISODE 5/7- Le rite de danser jusqu'à épuisement

Tout folklore digne de ce nom a son lot de mythes autour de femmes pouvant accomplir des miracles. En Argentine, il s’agit de la Telesita. Découverte de cette légende du nord de l’Argentine, et de sa célébration, quelque peu mouvementée.

Fresque de la Telesita à la station Bulnes du métro de Buenos Aires. @Clara MonteiroFresque de la Telesita à la station Bulnes du métro de Buenos Aires. @Clara Monteiro
Fresque de la Telesita à la station Bulnes du métro de Buenos Aires. @Clara Monteiro
Écrit par Clara Monteiro
Publié le 26 mai 2025, mis à jour le 30 mai 2025

En attendant le métro à la station Bulnes, sur la ligne D du subte porteño, une fresque attire le regard. On y voit une femme triste, entourée d’un halo blanc, à côté d’un temple où l’on joue de la guitare et l’on boit du vin. La légende de la Telesita, est partout : mais d’où vient-elle ? 

 

La danseuse au cœur d’or

Le mythe est inspiré de Teresita del Barco, une jeune fille de bonne famille qui vivait à Santiago del Estero, dans le nord du pays. Très belle, elle est repérable facilement au village par ses yeux bleus qui contrastent avec ses cheveux noirs. Et surtout, celle que l’on appellera ensuite La Telesita est connue pour son don : la danse. Elle le pratiquait de manière intense, étant à chaque fois la première arrivée et la dernière à quitter la piste. L’histoire est triste : ses parents meurent du choléra. Elle se marie alors avec un jeune fermier, Eumelio Ahumada, qui meurt suite à un duel au couteau. Elle devient veuve. C’est là qu’elle se consacre entièrement à sa passion pour la danse. Elle passe toutes ses soirées à danser dans les bars, dans les fêtes, ou dans les rues. Quand elle ne danse pas, elle aide les plus démunis, jusqu’à donner ses propres effets personnels à autrui.

Mais, un soir, les habitants ne la voient pas au village. Elle avait pourtant l’habitude de danser tous les jours dans un endroit différent. Ils la cherchent alors, la pensant disparue. La réalité est tout autre. Les habitants la retrouvent morte, brûlée, chez elle. On raconte qu’en voulant se rapprocher de la cheminée pour se réchauffer, elle serait tombée dedans.

Une autre théorie avance qu’elle serait restée chez elle à cause du froid, mais qu’elle continuait à danser chez elle. En tourbillonnant dans la pièce, sa robe aurait effleuré le feu de la cheminée.

 

Un rite d’abondance argentin

Les Argentins et surtout les habitants de Santiago del Estero, croient qu’après sa mort, la Telesita serait devenue une âme tourmentée. Elle rôderait en peine dans le village, observant avec tristesse les jeunes filles qui dansent avec leurs partenaires. Tous pensent également qu’elle est désormais une âme miraculeuse : elle peut faire des prodiges si on l’invoque correctement. Et notamment si on a perdu un objet ou si on nous l’a volé. On raconte qu’un jour, un paysan désespéré a décidé de demander à la Telesita de l'aider à retrouver un cochon qui lui avait été volé. Pour y parvenir, la personne a organisé une soirée dansante. Il a bu sept verres d'alcool, puis a dansé au rythme de sept chacareras, (ndlr : une danse originaire de Santiago del Estero) le préféré de la Telesita. Lorsque le paysan s'est effondré au sol, fatigué, le cochon volé est réapparu.

Après cet évènement miraculeux, les “telesiadas” deviennent alors un rituel officiel. Et cela ne concerne pas que la perte d’un bien : on peut l’invoquer pour trouver de l’eau, provoquer la pluie et autres nécessités. Encore aujourd’hui, à Santiago del Estero, on organise des telesiadas. Pendant une journée entière, on boit du vin ou du sirop de canne et on danse la chacarera, sur de la guitare, du violon. On n’a pas le droit de s’arrêter de danser. La fête prend fin avec l’effondrement des danseurs fatigués au sol. On brûle aussi une poupée en demandant un miracle à la Telesita. De nombreux poèmes, chansons et livres sont dédiés à la jeune fille, qui veillerait encore aujourd’hui sur les habitants de Santiago del Estero.

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