Les correspondants de presse français sont une dizaine en Argentine. Ils couvrent l'actualité du territoire, et souvent des pays voisins. Et ce toute l'année au rythme des événements plus ou moins intenses et pertinents pour le public français.
À la différence d'un envoyé spécial, le correspondant vit toute l'année sur place, dans le pays qu'il couvre. Partir de France et pratiquer son métier de journaliste à l'étranger, c'est ce qu'a fait Antoine Raux, 37 ans, qui travaille depuis 2006 pour la chaîne France 24. Correspondant à Marseille pendant cinq ans pour TF1-LCI "tous les sujets se ressemblent un peu au bout d'un moment, il fallait mettre les voiles". Même chose pour Olivier Ubertalli, qui à 36 ans collabore avec de nombreux médias dont Le Point, Les Échos, Ouest-France, BFM TV et Europe 1, "j'étais un peu fatigué de Paris et de la presse parisienne". Après six ans passés au sein du quotidien Les Échos, il démissionne et vient s'installer en free-lance à Buenos Aires.
Mais on ne devient pas correspondant en un claquement de doigt, tous ont démarché les médias en France pour se faire connaître, pour proposer leur travail en Argentine. Ils ont parfois passé des tests, comme Antoine Raux qui a couvert l'élection présidentielle au Vénézuela "à blanc", sans que le sujet soit diffusé. Une fois la confiance installée, la collaboration devient concrète.
"Je suis mon propre patron"

Les correspondants ont à charge de trouver et de traiter des sujets avec des angles pertinents pour un public français. "Dans 80% des cas, c'est moi qui propose des articles à la rédaction en France, les 20% restants sont des demandes spécifiques de leur part" explique Florent Torchut, 28 ans, correspondant pour L'Équipe, France Football et So Foot entre autres. Il faut donc toujours faire preuve de réactivité et lire la presse argentine.
Si la profession de correspondant a l'avantage de ne pas contraindre le journaliste à des horaires de bureau, "si je veux partir une semaine, je peux, je suis mon propre patron en quelques sorte" précise Florent Torchut, elle a aussi l'inconvénient d'obliger à travailler seul. "C'est une gymnastique. Au début tu as tendance à te laisser aller" ajoute le correspondant spécialisé en publications sportives. "Je m'impose un rythme, je me motive" affirme Antoine Raux qui confie également manquer de regard extérieur. "Quand tu baignes dans la culture d'un pays depuis sept ans, parfois tu oublies que ton public, lui, il n'y connaît rien et qu'il faut donc toujours recontextualiser". Florent Torchut, pourtant en Argentine depuis moins longtemps, vit la même chose "mes rédacteurs en chef m'incitent par exemple à décrire le maté, à montrer sa dimension sociale à chaque fois que j'en parle dans un article, chose auquel je ne pense plus systématiquement" parce que l'Argentine devient un pays de plus en plus familier pour ces Français installés à l'étranger.
Travail et joie personnelle
"Il y a des jours avec beaucoup de travail et d'autres très calmes" reconnaît Olivier Ubertalli. "Souvent, je fais le même sujet pour différents médias sous divers angles", ajoute-t-il. Une manière de rentabiliser et de rendre fructueux un déplacement, une prise de contact, etc. Lorsque les articles ne sont pas publiés, les correspondants ne sont généralement pas payés. Même si tous vivent de leur métier de journaliste, ils doivent multiplier les collaborations avec les médias, voire se diversifier en faisant des documentaires ou en donnant des cours à l'université.
La prise d'initiatives et l'autonomie sont indispensables à cette profession plutôt incertaine, qui apporte néanmoins son lot d'émotion et d'intensité. Olivier Ubertalli cite pêle-mêle les directs à la télévision sur la place de Mai pour l'élection de Cristina Kirchner en 2007, suivre l'équipe argentine de foot de Diego Maradona, le sauvetage des mineurs au Chili, la libération d'Ingrid Betancourt en Colombie "j'ai été avec elle et sa famille le jour de sa libération. Un grand moment où se lie travail et joie personnelle..."
Photo : Antoine Raux en reportage au champ de bataille de Port Stanley, îles Malouines
Chloe Wallut (www.lepetitjournal.com - Buenos Aires) mercredi 8 août 2012
