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RDV JURIDIQUE - Détachements des travailleurs en France: les contrôles

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Écrit par Juridique
Publié le 22 juin 2018, mis à jour le 22 juin 2018

La préférence certaine des sociétés de l’Union Européenne pour les travailleurs détachés au lieu de travailleurs locaux a déjà fait couler beaucoup d’encre et a même poussé Bruxelles à prendre des initiatives pour une réforme dans le domaine. Le débat lancé dans tous les pays européens a aussi déterminé les autorités des pays membres à prendre des mesures plus strictes de contrôle des activités des sociétés étrangères, roumaines notamment, qui détachent des travailleurs.

 

 

 

Ci-après, nous avons choisi d’attirer votre attention sur la façon dont les autorités françaises entres autres, entendent interpréter la législation européenne dans le domaine lors des contrôles effectués auprès des sociétés de droit roumain.

 

l’exigence de l’activite significative dans le pays d’origine

 

La plupart des contrôles lancés par les autorités françaises reposent sur une disposition du Code du Travail français imposant à la société qui détache des ouvriers d’avoir une activité significative dans le pays d’origine, notamment en Roumanie.

 

En effet, le Code du Travail français prévoit qu’un employeur ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés lorsqu'il exerce, dans l'État dans lequel il est établi, des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue. Il ne peut notamment se prévaloir de ces dispositions lorsque son activité comporte la recherche et la prospection d'une clientèle ou le recrutement de salariés sur ce territoire.

 

Dans ces situations, l'employeur est assujetti aux dispositions du Code du Travail applicables aux entreprises établies en France. Autrement dit, il doit respecter toutes les obligations légales et fiscales applicables aux sociétés françaises, à savoir: être enregistré auprès des autorités françaises, payer ses impôts et charges sociales en France, etc.

 

Il faut noter que la législation française ou celle européenne ne prévoient pas de critères à analyser par les autorités compétentes pour pouvoir déterminer si une activité est réalisée de façon habituelle, stable et continue.

 

Cette évaluation est faite, en théorie aussi bien qu’en pratique, en vérifiant la condition opposée, à savoir si la société réalise une activité significative dans l’État d’origine. Ceci dit, on peut bien constater que le seul critère pris en considération par l’autorité est le pourcentage du chiffre d’affaires obtenu par la société soumise au contrôle dans le pays d’envoi, à savoir la France, par rapport au chiffre d’affaires total. Si le chiffre d’affaires est significatif, les autorités peuvent décider de requalifier la société et de l’obliger de s’enregistrer en France, de payer les impôts français etc., et ce rétroactivement, tenant compte des délais de prescription fiscale !

 

Cette interprétation de la loi a posé en pratique beaucoup de problèmes aux sociétés, qui, même si bien implémentées en Roumanie, obtenaient un chiffre d’affaires considéré par les autorités français comme significatif en France. Ainsi, ces sociétés se sont vues sur le point d’être requalifiées par les autorités françaises, obligées de s’enregistrer en France et de payer des montants importants (voir des millions d’Euros !) à titre d’impôt ou de TVA en France…

 

lES CRITERES D’EVALUATION PREVUS PAR LA LEGISLATION EUROPEENNE

 

Par rapport aux situations susmentionnées, il faut noter que les critères d’évaluation de l’activité significative dans le pays d’origine sont expressément prévus par la législation européenne (la Directive n° 2014/67/UE du 15 mai 2014 relative à l'exécution de la Directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs et modifiant le Règlement n° 1024/2012 ) et ne se limitent aucunement au seul critère du chiffre d’affaires le plus souvent utilisés par les autorités dans le cadre des contrôles.

 

Par conséquent, il est utile de rappeler que les critères énoncés par la Directive européenne et qui sont censés établir si une entreprise exerce réellement des activités substantielles, autres que celles relevant uniquement de la gestion interne ou administrative dans l’État d’origine sont les suivants :

 

  • le lieu où sont implantés le siège statutaire et l'administration centrale de l'entreprise, où elle a des bureaux, paye des impôts et des cotisations sociales et, le cas échéant, en conformité avec le droit national, est autorisée à exercer son activité ou est affiliée à la chambre de commerce ou à des organismes professionnels;
  • le lieu de recrutement des travailleurs détachés et le lieu d'où ils sont détachés;
  • le droit applicable aux contrats conclus par l'entreprise avec ses salariés, d'une part, et avec ses clients, d'autre part;
  • le lieu où l'entreprise exerce l'essentiel de son activité commerciale et où elle emploie du personnel administratif;
  • le nombre de contrats exécutés et/ou le montant du chiffre d'affaires réalisé dans l'État membre de l'établissement, tenant compte de la situation particulière que connaissent, entre autres, les entreprises nouvellement constituées et les PME.

La Directive prévoit aussi que ces critères sont indicatifs et ne sont pas exhaustifs.

 

Ainsi, lors d’une inspection, les autorités compétentes doivent faire une évaluation globale de tous les faits caractérisant les activités réalisées par une entreprise dans l’État membre de l’établissement et, lorsqu’il est nécessaire, dans l’État membre d’envoi et, lors de la réalisation de cette évaluation globale, appliquer les critères en tant que facteurs indicatifs.

 

De même, la Directive n° 2014/67/UE prévoit expressément que le non-respect d'un ou de plusieurs des éléments factuels ci-dessus établis n'entraîne pas automatiquement l'exclusion de la situation considérée de la qualification de détachement et que l’appréciation de ces éléments est adaptée à chaque cas particulier et ne tient pas compte des particularités de la situation.

 

Dès lors, un chiffre d’affaires élevé obtenu en France ne représente pas automatiquement l’argument absolu que la société concernée doit être requalifiée et obligée de s’enregistrer en France et d’y payer des impôts.

 

En conclusion, pour cadrer correctement la situation juridique d’une société qui détache des salariés en France, il faut évaluer la situation concrète et globale et tenir compte de tous les faits caractérisant les activités réalisées par ladite société en Roumanie, respectivement en France.

 

***

 

Nous espérons que ces informations vous ont été utiles et vous disons … à la semaine prochaine!

 

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Publié le 22 juin 2018, mis à jour le 22 juin 2018

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