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CHRONIQUE ECO - Une guerre contre-productive entre la BNR et l'état

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Écrit par Anghel Iulian
Publié le 12 avril 2018, mis à jour le 12 avril 2018

Une guerre entre la Banque Nationale Roumaine et le gouvernement est la dernière chose dont l’économie a besoin. L’aversion de Liviu Dragnea, leader de PSD, le parti au pouvoir, contre Mugur Isărescu, le gouverneur de la Banque Nationale de la Roumanie (BNR) n’est plus le vrai sujet. Les choses ont pris une mauvaise tournure au moment où le parti au pouvoir et le gouvernement s’apprêtent à rejeter la faute sur le gouverneur et la Banque Nationale pour un éventuel échec de la « révolution fiscale », commencée il y a un an.

 

Les germes du conflit PSD-BNR ont commencé en 2016 lorsque le Parlement, contrôlé par le PSD (même si le chef du gouvernement était le « technocrate » Dacian Cioloș), a décidé de réduire considérablement les taxes et d’augmenter les salaires. En 2017, après que le PSD ait remporté les élections avec le même programme de relaxation fiscale et d’augmentation des salaires, les différences de philosophie économique entre les économistes de la BNR et ceux du gouvernement sont devenues publiques, mais personne n’aurait pensé que la situation se serait à ce point détériorée.


Au cours de deux dernières années, 2016 et 2017, la TVA pour les produits alimentaires a été réduite de 24% à 9%, et la TVA générale de 24% à 19%. Beaucoup d’autres taxes ont été réduites ou éliminées – par exemple l’impôt sur les dividendes a été réduit de 16% à 5% et, à compter du 1er janvier 2018, l’impôt sur le revenu a été réduit de 16% à 10%. En même temps, les salaires de l’administration publique ont été augmentés de façon considérable, de plus de 25%, le salaire minimum (dont le niveau est établi par la loi) a, lui aussi, été augmenté en plusieurs étapes, et les pensions de retraite ont été augmentées au-delà de l’obligation légale concernant leur augmentation en fonction de l’indice de l’inflation et de 50% de la croissance économique.


Dans l’ensemble, les dépenses de l’état ont fortement grimpé – avec plus de 13% entre 2015 et 2017, tandis que les revenus n’ont augmenté que de 7,8% et, par conséquent, l’état a dû emprunter de plus en plus. En 2017, le déficit budgétaire a atteint la limite de 3% du PIB et une croissance économique record après la crise, de 6,9%. La Banque Nationale et ses économistes ont constamment critiqué cette solution économique en affirmant qu’il est impossible de réduire les taxes et, en même temps, d’augmenter les salaires.


A présent, deux ans après le début du programme de réduction des taxes, une main invisible commence à agiter l’addition.
A cause du fait que le gouvernement a fortement réduit les taxes, les revenus sont significativement inférieurs au niveau requis pour couvrir les majorations salariales.
Par conséquent, le gouvernement a réduit le budget pour les investissements, dont le niveau de l’année dernière a été le plus bas de ces 15 dernières années.
En mème temps, l’augmentation des salaires par voie administrative a fortement stimulé la demande des consommateurs, qui a enregistré une hausse de plus de 10% au cours de l’année précédente.


Or l’économie interne n’a pas été en mesure de faire face à la demande excédentaire, par conséquent, les importations ont fortement augmenté et le déficit commercial pour le commerce international des biens s’est creusé en 2017 pour atteindre 30% par rapport à l’année précédente.
L’augmentation du déficit commercial a déterminé l’augmentation du déficit de compte courant (la différence entre les entrées et les sorties de devises du pays) de 75% en 2017 par rapport à 2016. Cette situation a sans doute influencé le taux d’échange. En 2017, le leu s’est déprécié de 1,7% par rapport à l’euro, le plus haut niveau annuel de dépréciation des huit dernières années.  

 
Comme toujours, lorsque la demande excède l’offre, les prix augmentent. Ceci est la situation actuelle de la Roumanie et la phase à laquelle se trouve le conflit entre le PSD et le gouvernement d’une part, et la BNR de l’autre part. Après une période de deux ans pendant laquelle la Roumanie a expérimenté la déflation, suite à la forte réduction de la TVA, elle enregistre à présent une forte inflation de 4,7% (en février). Tout d’abord, à cause du fait qu’il y a plus d’argent sur le marché suite aux augmentations des salaires, mais une offre plus basse dû au fait que le marché ne s’est pas adapté à la forte croissance (sur le plan externe, le rôle de la hausse du prix du pétrole n’est pas encore majeur). Il s’agit de ce que les économistes appellent une croissance supérieure au potentiel, qui entraîne des déséquilibres majeurs au niveau de l’économie.


Par conséquent, la Banque Nationale a pris les mesures usuelles dans ce types de cas : en début d’année, elle a augmenté le taux de « l’intérêt – clé » (celui des prêts accordés par les banques commerciales), ce qui entraînera la hausse du prix du crédit et, par conséquent, la réduction de la demande des consommateurs, car une grande partie de cette demande est alimentée par les crédits. La réduction de la demande des consommateurs diminue l’inflation, ce qui est à la fois positif et négatif. Il y a quelques jours, lorsqu’un officiel américain a affirmé que Fed devra augmenter l’intérêt d’intervention afin de ralentir l’inflation réapparue aux Etats-Unis, cette simple déclaration a eu un effet immédiat sur le prix des actions. En Roumanie, avec un marché boursier minuscule, ce type de décisions n’a pas d’effet sur la bourse, mais un fort effet sur le plan politique et sur la relation des gens avec les banques. Car l’augmentation du taux d’intérêt de référence de la BNR entraîne l’augmentation des intérêts perçus par les banques pour les clients et personnes physiques. Et personne ne veut payer aux banques des intérêts plus hauts – car la règle affirme « l’augmentation des intérêts réduit l’inflation ».


Il y a un proverbe qui souligne la relation difficile entre le désir et le pouvoir : « Il a évité le diable, mais a rencontré son père ! ». C’est à peu près la situation actuelle.
La générosité de la politique fiscale du gouvernement a permis d’augmenter les revenus très bas de beaucoup de gens. Mais les « effets secondaires » étaient connus et annoncés. La politique fiscale du gouvernement a réactivé une politique monétaire de la BNR, relative à l’augmentation des taux d'intérêts qui n’avait pas été utilisée depuis la crise. Mais, à présent, personne ne veut assumer « les effets secondaires », ni « le médecin », ni « le patient ».


Une politique pour contenir l’inflation, l’obligation principale de la BNR, est obligatoire. En même temps, il serait stupide d’entraver l’inflation seulement pour retrouver le taux ciblé, sans réfléchir aux conséquences.


C’est pour cela qu’une guerre entre la BNR et le gouvernement serait, à présent, la dernière chose souhaitable pour la Roumanie.

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Publié le 12 avril 2018, mis à jour le 12 avril 2018

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