Pour cette semaine, Grégory Rateau vous recommande le nouveau film «indé» des frères Safdie, Good Time. Passionnés du cinéma en liberté, les Safdie entraînent la star Robert Pattinson dans une fuite désespérée pour échapper à son image lisse et désincarnée, loin, très loin, d’un Hollywood des plus aseptisés.
Les frères Safdie signent aujourd’hui leur plus beau film avec Good Time et se retrouvent pour la première fois parachutés sur la croisette. Ce film reste un produit du cinéma indépendant (filmage à l’arrache, distribution aléatoire, faux raccords...) mais son ambition esthétique est plus élevée, sans pour autant perdre ce qui fait la singularité de leur cinéma, la liberté, s'affranchir des règles du bon produit mainstream. Ils abandonnent les acteurs non professionnels qui répondaient présent à cette économie de budget pour travailler avec une star repentie du cinéma d’Hollywood, Robert Pattinson, et lui confient le rôle un peu déjanté de Connie, le type qui a toujours des idées foireuses et attire des embrouilles à son frère adoré, Nick (Ben Safdie). Robert Pattinson réalise sa mue sur nos écrans, arborant les yeux hagards et explosés du toxico, un corps sec et nerveux, presque maladif, et n’hésitant pas à cramer ses cheveux en les teignant pour la seconde partie du film. Sa fougue est communicative et incarnée dans chaque plan, vrai moteur de l’action, il devient le chef d’orchestre du film, celui qui entraîne les autres malgré eux. On suit donc sa course folle et totalement chaotique, l’enfant sage de Londres à la gueule proprette se transforme en délinquant du Queens et on y croit. Pattinson mène sa carrière avec une intelligence qui n’est pas sans rappeler celle d’un autre jeune premier, Leonardo Dicaprio, qui a su, comme lui, en son temps, sortir des films de l'entertainment pour travailler avec les plus grands cinéastes du moment. Le film explore des univers croisés. Les Safdie filment, comme Cassavetes, les corps à taille humaine, les dépouillant pour leur extirper les émotions, mitraillant les mots pour créer une nouvelle poétique du langage urbain comme Scorsese à ses débuts. Ils tournent en dérision leur héros ainsi que le cinéma de genre, car il s’agit ici d’un polar, en trouvant des gags visuels des plus burlesques. Le tout nous plonge donc dans un New York by night épileptique, où les lumières implosent littéralement et offrent aux spectateurs "à bout de souffle", un tout autre éclairage sur l’envers de «l’American Dream».
Fiche du film:
2017 (1h 41min)
De Ben Safdie, Joshua Safdie
Avec Robert Pattinson, Ben Safdie, Buddy Duress...
Genres Thriller, Policier
Nationalités américain, luxembourgeois
Séances:
Cinema PRO, București
Samedi, 14 Octobre 2017 / 20:45
Cinema Elvire Popesco, București
Dimanche, 15 Octobre 2017 / 15:00
Critiques:
Les Cahiers du Cinéma: "Good Time est un film efficace, franc et direct, un geste ramassé et tendu, mais aussi une œuvre à plusieurs facettes."
Les Inrockuptibles: "Tout ceci paraît arbitraire, improvisé, mais procède en réalité d’une grande précision d’écriture et de mise en scène, permettant l’éclosion d’un drôle d’actionner, bizarre, indécidable, mi-haletant mi-burlesque."
Culturopoing.com: "Scénario, mise en scène et partition musicale composent ce que les frères Safdie appellent un « opéra de la rue » à l'esthétique à la fois violente et sensuelle, évocation artistique et contemporaine du Queens, leur quartier natal."
Synopsis:
Un braquage qui tourne mal… Connie réussit à s'enfuir mais son frère Nick est arrêté.
Alors que Connie tente de réunir la caution pour libérer son frère, une autre option s'offre à lui : le faire évader. Commence alors dans les bas-fonds de New York, une longue nuit sous adrénaline.