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Sacro-sainte street food ou normes d'hygiène ?

Si l’on me demandait mon bilan après mes trois premiers mois passés à Bangalore, je laisserais parler mon estomac et, sans hésiter, il dirait ma joie devant la diversité, l’opulence et la qualité de la street food.

Stand de street food en IndeStand de street food en Inde
Écrit par Dominique Fieux
Publié le 7 septembre 2023, mis à jour le 8 avril 2024

La street food fait entièrement partie de la vie économique, gastronomique et culturelle de la ville. Sans street food, où serait la population et que ferait-elle ? Que ce soit le matin de très bonne heure, au moment du déjeuner, ou à partir de 17 heures et jusque tard dans la nuit, combien de regroupements de personnes se forment pour déguster, avec plaisir, ce qui fait l’authenticité de la cuisine de rue ? Mais attention, il y a street food et street food, et la clientèle avertie ne s’y trompe pas. Les adresses se transmettent de bouche à oreille et un bon endroit se reconnaît à la queue qui se forme devant le comptoir et qui peut s’allonger sur plusieurs mètres sur le trottoir. Pas de chichis, pas besoin de nappe ni de musique d’ambiance, le seul son du receveur de paiement électronique PayTM suffit. On ne vient pas manger de la street food parce qu’on a faim, mais parce qu’on a envie d’une saveur bien spécifique, d’un plat qui nous appelle à ce moment donné. La street food est plus qu’un repas, c’est une expérience. L’envie de sabudana vada, d’idli ou encore de dosa peut se faire ressentir à toute heure, et on salive d’avance en pensant à la bonne adresse de street food qui promet ce plaisir.

 

 

Manger de la street food en Inde

 

Mais où en est notre street food dans l’hexagone ? Inexistante, non ? D’autant que si je lance sur Google une recherche “street food France”, les premiers résultats qui apparaissent sont McDonalds, Burger King ou autre Pizza Hut, puis vient ensuite le mot croque-monsieur ! Laissez-moi vous dire que ma demande en termes de cuisine de rue aujourd’hui est toute autre. Autant la gastronomie française est classée au patrimoine culturel de l’UNESCO, autant la street food est, elle, aux abonnés absents. Comment un pays reconnu comme ayant l'une des meilleures cultures culinaires peut-il être à la rue en matière de street food ? Déguster des escargots de Bourgogne, des cuisses de grenouilles en persillade sur le bord d’un trottoir, ou encore un fromage mont d’Or chaud sur des pommes de terre et une belle tranche de jambon fumé vous paraît-il impossible ? 

Mais le Français est-il prêt à manger sur le pouce, debout, à la vue de tous ? Est-ce le fait de perdre notre petit confort d’une place assise au restaurant ou à une table de café avec service, ou la peur d’être jugé en train de manger dans la rue qui nous empêche d’accepter la street food ?

 

Vendeur de street food en Inde

 

Pendant mes 47 années de vie professionnelle au sein d’établissements variés, j’ai vu évoluer la cuisine dans tous les sens, que ce soit dans les techniques de cuisson, les produits, les normes d’hygiène et les réglementations. Notre corporation n’a cessé de s'ordonner, ne laissant pas de place aux petites structures, obligées sans cesse de se modifier ou de disparaître. Les goûts de nos produits se sont modifiés à cause de normes toujours plus sévères et restrictives. Où est le temps où un restaurateur pouvait aller à la ferme acheter ses lapins ou ses poulets directement ? Aujourd’hui, n’est-il pas plus facile d’acheter un filet de poisson qu’un poisson entier ? Et combien de jeunes cuisiniers ne sauraient pas différencier un Saint-Pierre d’un turbot ?

Lors de mon dernier retour en France, j’ai eu l’occasion de discuter avec un restaurateur indien installé dans la ville bourguignonne de Mâcon et qui me racontait ses déboires avec les services vétérinaires français. Ses premières demandes portaient sur la mise en place d’un stand de street food devant son établissement, dans le but d’attirer une clientèle qui n’avait pas obligatoirement envie de manger au restaurant, mais qui aurait été ravie de manger un en-cas authentiquement indien devant chez lui. La réponse fût un non catégorique, argumenté de maintes et maintes normes d’hygiène rendant quasiment impossible la préparation, la cuisson et la vente de produits en pleine rue. Son deuxième projet, qui consistait à mettre un four tandoor dans un coin de sa salle pour promouvoir une cuisine typique, fût encore un échec et se heurta cette fois à des normes de sécurité. Finalement, ce brave homme parlait de sa vie de restaurateur en Inde avec beaucoup de nostalgie et se demandait comment il allait faire ressentir le goût de sa vraie cuisine à l’intérieur de son restaurant. Quelque chose manquerait toujours à l’expérience.

 

Cuisinier d'un stand de street food en Inde

 

Dominique Fieux_Le Petit Journal Bombay
Publié le 7 septembre 2023, mis à jour le 8 avril 2024

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