On raconte souvent que l’histoire de Bombay / Mumbai a commencé lorsque les Portugais donnèrent sept îles en dot aux Anglais pour le mariage de la princesse portugaise Catherine de Braganza avec Charles II. Mais, il semblerait que Bombay ait existé bien avant cela et on a retrouvé récemment des traces d’un passé moyenâgeux de la ville.
Plusieurs siècles avant l’arrivée des Européens, Bombay aurait fait partie d’un royaume dynamique. Certains indices de cette histoire ancienne ont été retrouvés, mais la plupart sont indiqués dans le recueil de balades, Bimbakhyan ou "La légende de la dynastie Bimba”, encore appelé Mahikavatichi Bakhar ou "Chroniques de Mahim”, qui a été compilé pendant plus de 200 ans et retracerait l’histoire de la région entre le XIe et le XVIe siècle.
Un “Bakhar” est une histoire écrite en Marathi et le “Mahikavatichi Bakhar” serait la plus ancienne de toutes.
Au nord de Bombay, Sopara, un port actif du temps des Romains
Au temps de l’Empire romain, la côte du Maharashtra était connue pour le port de Sopara, très actif (actuelle ville de Nala Sopara au nord de Mumbai). Il comprenait un site bouddhiste important et une stupa. Sopara est encore mentionné dans les écrits des commerçants arabes au IXe et XIe siècle, mais comme un centre de commerce et plus comme un port. À l’arrivée des Portugais, la ville déclina totalement, mais les historiens manquent d’informations concernant la zone couverte aujourd’hui par la ville de Mumbai.
Le Bimbakhyan ou Mahikavatichi Bakhar, le seul témoignage de l'existence de Bombay au Moyen-Âge
Seul un recueil de balades, Bimbakhyan ou Mahikavatichi Bakhar, décrit les événements ayant eu lieu dans la région de Bombay pendant la période que nous appelons le Moyen-Âge et parle des différentes dynasties qui y ont régné et des communautés qui y vivaient.
La légende raconte que les balades furent compilées dans ce recueil lorsque l’administrateur du district de Malad à Bombay vît en songe la déesse Jogeshwari qui lui recommanda de mettre par écrit les histoires de la région afin qu’elles puissent être connues plus tard.
Il rassembla alors 3.655 personnes provenant des diverses communautés et un érudit installé près du temple de la déesse Jogeshwari, rédigea tous les textes et constitua le “Bimbakhyan”.
Les balades racontent la montée en puissance puis le déclin du royaume de Mahikawati ou Mahim.
Selon la chronique, en 1138, Raja Pratap Bimba d’une maison royale dans le Gujarat conquit le territoire s’étendant de Daman (sur la côte Gujarati) à Bombay. Son fils établit sa première capitale à Kelwe Mahim (actuellement Thane) et y fit venir des gens de plusieurs parties du Gujarat. Le nom de Mahim proviendrait de son nom, Mahi Bimba.
Mais, après avoir été attaqué plusieurs fois, il déplaça sa capitale plus au sud dans une île qu’il appela Mahim ou Mahikawati et où se trouve actuellement le quartier de Mahim. À l’époque, le royaume était connu sous le nom de royaume de Bimba, "Bimbastana".
Les rois de Bimba construisirent un temple en hommage à leur déesse, Prabhavati ou Prabhadevi à côté de leur palais. Le temple a été reconstruit plusieurs fois mais existe toujours dans le quartier de Prabhadevi à côté du temple Siddhivinayak. La cour de justice du royaume se situait à Dadar.
Le recueil de balades, le “Bakhar”, raconte aussi la chute du royaume de Bimba lorsqu’il fut envahi par l’armée du sultanat de Delhi en 1348, mais le récit enchaine sur les années suivantes jusqu’à l’arrivée des Portugais à Vasai, au nord de Mumbai.
Les villages du royaume de Bimba, des quartiers de l'actuelle Mumbai
De nombreux noms d’emplacements actuels à Bombay sont cités dans le “Bakhar” comme les villages de Juhu, Khar, Mulund, Bhandup et Chembur.
On y entend aussi parler du temple de Walukeshwar (Walkeshwar), Prabahvati (Prabhadevi) et Muteshwara (sur l’île de Madh).
Les noms de ces endroits indiquent l’activité qui y était pratiquée : on produisait du sel à Khar (qui signifie littéralement terre saline). Mahim était un port très actif et Gobhandar (actuellement Thane), un centre de commerce des chevaux. Malad et Marol étaient des provinces dynamiques sous l’administration de gouverneurs appelés “Desai” ou “Desala”.
Pendant de longues années, les historiens ne s’intéressèrent pas au “Bakhar” le considérant comme un simple recueil de légendes folkloriques. Mais, des découvertes récentes sembleraient prouver que les faits qui y sont relatés ont bien eu lieu. On a, par exemple, trouvé en 2016 des restes d’un temple qui daterait du XIe siècle dans le fort de Mahim.
Des étudiants de l’université de Mumbai ont aussi découvert une inscription dans le campus de Deonar (au nord-est de Bombay) qui daterait de 1368 et qui ferait référence à la région comme le “Mahim Bimbasta", "la terre de Bimba”, comme dans le “Bakhar”.
Aujourd’hui encore, peu de personnes se sont penchés sur le “Bakhar” et il n’est pas traduit en anglais. Sandeep Dahisarkar, spécialiste en histoire de l’art, est un des rares à l’avoir étudié et à avoir cherché des preuves matérielles qui corroboreraient les faits qui y sont rapportés. Selon lui :
Le Bakhar est extrêmement important pour comprendre la structure socio-économique de la région avant l’arrivée des Européens et la découverte de l’inscription dans le campus de Deonar tend à prouver la véracité des événements qui sont relatés.