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Thoo Mwe Khee, l’école des migrants Karen victime de son succès

Thoo Mwe Khee Thoo Mwe Khee
Activité pédagogique à l’école Thoo Mwe Khee
Écrit par Juliette Verlin
Publié le 19 décembre 2019, mis à jour le 23 décembre 2019

Submergé par les demandes d’inscriptions, l’école communautaire de Thoo Mwe Khee cherche par tous les bons moyens à éduquer les enfants et à leur ouvrir un avenir qui bénéficiera à tous. 

 

Pour certains, l’école est perçue comme une corvée ; pour d’autres, comme un moyen d’accès à une carrière ; pour le millier d’enfants de l’école Thoo Mwe Khee (TMK), il s’agit avant tout d’une chance exceptionnelle car pouvoir accéder à ce lieu éducatif hors-normes n’est pas évident. Située au sud de Mae Sot, à la frontière entre la Birmanie et la Thaïlande, l’école Thoo Mwe Khee est aujourd’hui victime de son succès, avec plus de 1 000 élèves de niveaux très différents à gérer malgré ses moyens humains, pédagogiques et financiers limités. « Nous aimerions restreindre un peu le nombre d'élèves que nous admettons à l'école », reconnaît Saw Bway Doh, le directeur de Thoo Mwe Khee, « mais il est difficile de rejeter les jeunes qui souhaitent venir y étudier. Si nous refusons leur admission, ce sera encore plus difficile pour eux car ils devront trouver une autre école, et il n’y en a guère. Pour les admettre, nous tenons compte des opportunités, de l’enthousiasme des candidats, de leurs envies. »

Et aussi en grande partie de leur appartenance ethnique… Car l’école, dans la province de Tak, en Thaïlande, a été fondée en 2002 pour répondre aux besoins des jeunes réfugiés karens, la plupart en provenance de l'état de Kayin en Birmanie, poussés hors de chez eux par la guerre civile, et aussi afin d’accueillir les enfants des nombreux migrants karens travaillant dans la région. Selon le Rapporteur spécial des Nations-Unies en Birmanie pour les droits Humains, en Janvier 2019 environ 162 000 personnes déplacées vivaient dans cette zone frontalière, dans des camps de fortune ou dispersées dans des communautés rurales. Alors dans ce contexte où accéder à un enseignement primaire ou secondaire s’avère particulièrement difficile, la perspective de refuser des élèves n’est pas acceptable aux yeux des dirigeants de TMK.

Une école pour tous

L'école enseigne à partir du primaire et propose quelques programmes d’enseignement post-secondaire. Les médias, le sport, la musique, la mécanique, la danse, l'agriculture et l'élevage sont enseignés, avec les langues thaïe, birmane et karen. La plupart des élèves de TMK viennent de ces communautés déplacées à l'intérieur de l'état de Kayin, avec pour objectif de continuer à apprendre et de fuir les ravages de l’une des plus longues guerres civiles du monde, opposant la Karen National Liberation Army (KNLA) et l’armée régulière birmane (Tatmadaw), depuis 1949. La frontière est à quinze minutes en voiture de l'école, et un grand nombre des enfants ne possèdent pas de papiers d’identité, ni de documents légaux les autorisant à rester en Thaïlande.

Naw Paw Wah Wah, une étudiante de deuxième année du programme post-secondaire de TMK confie pouvoir faire face aux difficultés inhérentes à la précarité de l’école si le résultat est une éducation de qualité : « Étudier à TMK nous a rendu suffisamment confiants pour monter sur scène ou prononcer des discours en public. Nous apprenons l'anglais ici. Alors bien sûr, la salle de classe pose parfois problème, mais nous sommes heureux d'apprendre à l'extérieur si nous le devons. Je veux m'occuper des enfants orphelins après avoir fini l'école. Je veux construire un orphelinat pour permettre aux enfants de vivre et leur fournir une éducation - c'est mon rêve ».

Saw Bway Doh, le directeur de l'établissement, ajoute que malgré les conditions difficiles, l’école fonctionne grâce à son personnel, ses amis, les parents. « C’est certain que nous avons plus d'élèves que ce que nous devrions raisonnablement accepter et nous avons besoin d'infrastructures et de salles de classe », explique-t-il, mais « même si les dortoirs sont pleins et que nous avons du mal à fournir suffisamment de rations alimentaires et d'abris, aucun des jeunes ne meurt de faim. C’est le résultat des efforts combinés de nos professeurs, de nos amis étrangers, et des parents d’élèves ».

Quelques étudiants, comme Saw Ta Eh, un diplômé du programme post-secondaire qui travaille aujourd’hui pour un média Karen, sont des exemples de la réussite professionnelle que peuvent apporter des études à TMK. « J'ai acquis un large éventail de compétences de base et de connaissances grâce à l'école. Je peux les utiliser pour mon avenir. Cela m'ouvre l'esprit et m'aide à voir mon futur dans la société. »

Une reconnaissance internationale ? 

Saw Bway Doh aussi fait preuve d’optimisme : « Notre objectif est d'obtenir une reconnaissance internationale. Et nos chances d’y parvenir s'améliorent. Nous voulons que nos diplômés du secondaire et du programme BLA (Bachelor of Liberal Art) puissent bénéficier en retour à nos communautés, s’ils le souhaitent. Certains travaillent comme enseignants, d’autres pour des organisations de la société civile karen, d'autres encore pour des organisations non-gouvernementales ou pour des entreprises familiales. Si nous prenons tout cela en compte, nous constatons que les diplômés de Thoo Mwe Khee sont plus que capables de se débrouiller et de profiter à leurs communautés. »

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