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Les résultats du scrutin du 8 novembre 2020 officiellement annulés

Le parlement birmanLe parlement birman
Le parlement birman à Nay Pyi Taw
Écrit par Rédaction lepetitjournal.com Birmanie
Publié le 29 juillet 2021, mis à jour le 30 juillet 2021

La Commission électorale nationale, une instance nommée par le gouvernement en place et pas du tout indépendante, a annulé lundi 26 juillet les résultats des élections générales de novembre 2020 remportées par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Aung San Suu Kyi.

Selon le président de la Commission, Thein Soe, durant la campagne et le scrutin, « la LND a tenté de soustraire le pouvoir de l'État aux partis et candidats non membres de la LND en abusant des restrictions imposées par la loi sur la Covid-19. Ce n'était pas libre et équitable, c'est pourquoi le résultat des élections de 2020 est annulé ». En outre, la Commission affirme avoir relevé « plus de 11 millions de cas de fraude lors de ces élections », pour 37 millions de votants potentiels. Thein Soe n’a fourni aucune preuve de ses affirmations et n'a pas non plus précisé si un nouveau scrutin sera organisé prochainement alors que les militaires au pouvoir ont déjà déclaré qu'ils organiseraient de nouvelles élections dans les deux ans.

Dans un rapport sur le scrutin de 2020 intitulé « Birmanie : la démocratie attaqué » en référence à la Constitution de 2008 jugée « très éloignée des normes internationales sur la démocratie », l’organisation Asian Network for Free Elections (Anfrel) reconnaît des fraudes, des abus, de la censure de la part de la LND, et même des achats de voix (de la part de plusieurs partis différents en l’occurrence), mais estime surtout que cela n’a pas été massif et que le résultat des élections de novembre 2020 sont « dans l'ensemble représentatifs de la volonté du peuple ».

Une prise de pouvoir militaire « illégale » selon l’Anfrel

L’Anfrel qualifie aussi « d’illégale » la prise de pouvoir par l’armée le 1er février 2021 et soulève surtout la question de l’indépendance des pouvoirs en Birmanie, notant que la Commission électorale nationale n’est pas indépendante alors qu’elle devrait l’être dans un fonctionnement démocratique. L’Anfrel considère clairement que l’ancienne Commission, nommée par la LND, a bel et bien favorisé la LND, notamment en refusant de regarder les plaintes pour infractions au code électoral déposées par plusieurs partis contre des élus LND alors que le recours électoral est l’une des bases de la démocratie. Et il ne fait de même aucun doute que la décision d’annuler le scrutin de 2020 a été prise par le pouvoir militaire, la nouvelle Commission n’étant qu’une chambre d’enregistrement.

Une réforme de cette Constitution « loin des normes démocratiques internationales » a bel et bien été essayée par la LND durant 4 ans mais sur aucun des points clefs relevés par l’Anfrel. C’est même la LND qui s’est opposée à certains changements comme donner un vrai poids législatif aux parlements locaux, avec par exemple l’élection des Premiers ministres locaux par ces Parlements alors qu’ils sont aujourd’hui nommés par l’exécutif de Nay Pyi Taw.

« Ceux qui ont gagné équitablement sont aussi sanctionnés. C'est injuste »

La LND a bien sûr rejeté l’annulation du scrutin, la considérant comme « illégale et sans fondements ». Plusieurs autres partis politiques du pays ont également annoncé leur désaccord avec cette décision de la Commission électorale nationale. Presqu’une vingtaine de partis politiques différents ont remporté des sièges aux Parlements lors de l'élection de 2020. Dans divers médias locaux birmans, des responsables de ces partis se sont donc exprimés. Sai Nyunt Lwin, président de la Ligue des nationalités Shan pour la démocratie (SNLD), qui a remporté 15 sièges nationaux et 27 locaux en 2020, s’indigne du discours de la nouvelle Commission : « Nous n'avions aucun lien avec les membres de la commission électorale ou les autorités locales. Nous n'avions aucun lien avec les personnes en charge des bureaux de vote. Les seules personnes avec lesquelles nous communiquions étaient nos électeurs. Ceux qui n'aimaient pas notre parti ont voté pour d'autres. Nous sommes désolés que les résultats des élections sont annulés alors que nous avions obtenu le troisième plus grand nombre de sièges au Parlement parmi tous les partis politiques. Nous nous sentons mal et nous désapprouvons cette décision ».

Quant à Phae Than, un dirigeant du Parti national d'Arakan (ANP), qui a remporté huit sièges nationaux et sept locaux, il estime que « le gouvernement militaire veut dissoudre la LND et cette annulation est donc une étape de ce processus. Je ne me prononce pas sur ce point. Néanmoins, invalider l’ensemble des résultats dans toutes les circonscriptions du pays n'est pas raisonnable. Si la Commission dispose réellement des preuves de fraude électorale dans certaines circonscriptions, seuls les résultats de ces circonscriptions auraient dû être cassés. Maintenant, les candidats qui ont gagné l'élection équitablement sont aussi sanctionnés. C'est complètement injuste ».

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