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Polémique sur les intérêts du général Soe Htut dans les mines de jade

Le général Soe Htut, ministre de l'intérieur en BirmanieLe général Soe Htut, ministre de l'intérieur en Birmanie
Le général Soe Htut, ministre de l'intérieur en Birmanie
Écrit par Rédaction lepetitjournal.com Birmanie
Publié le 9 juillet 2020, mis à jour le 9 juillet 2020

Est-ce parce qu’une bonne commission d’enquête doit comporter au moins un expert reconnu du sujet ? En tout cas le bureau du Président ne s’est pas trompé en incluant le général Soe Htut, ministre de l’Intérieur, dans l’équipe de six personnes chargées de faire toute la lumière sur le drame de la mine de Wai Khar, proche de la ville de Hpakant, où plus de 170 personnes ont trouvé la mort dans un glissement de terrain le 1er juillet dernier. Le général est en effet « l’un des principaux actionnaires individuels de la Myanma Economic Holdings Limited (MEHL) », dénonce plusieurs Organisations Non-Gouvernementales (ONG) ou Organisations de la Société Civile (OSC) qui se consacrent depuis des années à surveiller les malversations, la corruption et la situation de non-droit qui règnent dans les zones minières du Kachin.

Or, MEHL, le conglomérat militaire qui est entre autres supposé gérer les intérêts des anciens militaires afin de leur payer leur retraite, « possède plus de licences d’exploitation de mines de jade – 397 ! - qu’aucun autre organisme dans le pays », relève le journal en ligne Myanmar Now. Qui précise quand même que la mine de Wai Khar ne figure pas parmi celles supervisées par MEHL. Mais qui note aussi que l’essentiel des revenus - une estimation de 90 % - de la production de jade en Birmanie échappe à toutes taxes et ne rapporte rien à l’état birman. Difficile de croire dans ce cas-là que la production liée aux 397 licences se fait intégralement selon les règles…

Les Nations Unies dénoncent les liens entre des militaires et des entreprises du jade

Pour Hanna Hindstrom, directrice de campagne de l’ONG britannique Global Witness, « il est grotesque d’inclure un actionnaire de MEHL dans une commission d’enquête sur le désastre minier de la semaine dernière alors qu’il est notoire que les intérêts des entreprises appartenant à l’armée constituent l’un des obstacles majeurs aux réformes dans le secteur du jade et plus largement au processus de paix dans la région ». D’ailleurs, selon un rapport des Nations-Unies paru en 2019, « les liens entre la MEHL et des trafics en tout genre sont avérés ».

Il semble cependant assez clair que le gouvernement n’a pas trop eu le choix au moment de nommer sa commission, et que la présence du général Soe Htut s’est probablement imposée, ne serait-ce que parce qu’en tant que ministre de l’Intérieur la sécurité est de son ressort. Reste une question que beaucoup se pose : pourquoi en cinq ans au pouvoir le gouvernement de la LND ne s’est-il pas attaqué à ce problème des mines de jade, dont les bénéfices lui auraient assuré une meilleure marge de manœuvre budgétaire et plus de moyen pour mener sa politique ?  

Selon un élu fédéral de la région, c’est déjà parce que l’information n’est pas disponible : « Nous recevons souvent des rapports de Myanma Gems Enterprise [l’organisme de surveillance et de régulation du secteur du jade (entre autres…), qui dépend du ministère des Ressources naturelles et de la Conservation de l’environnement] indiquant que des visites de sites ont été effectuées mais lorsque nous autres, députés locaux, nous vérifions la réalité de ces enquêtes, nous constatons qu’elles n’ont pas vraiment eu lieu ». Et ce député de conclure par euphémisme que « ce secteur industriel est très faible en matière de contrôles et qu’il est très difficile pour les élus de vérifier ce qu’il s’y passe ».

Trop compliqué pour que le gouvernement puisse agir…

Un représentant de la société civile pour l’Initiative de la Transparence des Industries Extractives (ITIE) partage cette opinion. Il confie ainsi, toujours à Myanmar Now, que « le nombre de lois, décrets, déclaration sur ce sujet importe peu : tant qu’il n’y aura pas la volonté de les faire appliquer, cela ne servira à rien ». De fait, la mine de Wai Khar était officiellement fermée au moment de l’accident et il est difficile de croire que la présence de centaines de mineurs soit passée inaperçue…

La commission nationale birmane des droits humains a d’ailleurs déclaré « que cela dépassait l’entendement que les compagnies minières ne se donnent pas la peine de faire la moindre évaluation de la situation en matière de droits humains et qu’elles ne procèdent pas plus à une évaluation des risques alors qu’elles engrangent des milliards de dollars chaque année ».

Mais de son côté, Thein Swe, le président de la commission parlementaire sur les garanties, les engagements et les enquêtes de vérification du gouvernement, estime que « c’est trop facile de tout mettre sur le dos du gouvernement. Il doit faire face à beaucoup de difficultés, et la région est connue pour tous les intérêts particuliers qui y sont en jeu. Il y a beaucoup d’obstacles au respect de la loi, au maintien de l’ordre et au contrôle de la région ». Alors si c'est trop difficile pour le gouvernement...

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