« La politique économique en 12 points du gouvernement actuel de Birmanie reconnaît un rôle stratégique à l’Initiative de la Transparence des Industries Extractives (ITIE) dans le processus de réforme du pays, en particulier concernant la gouvernance des ressources naturelles. En exprimant dans un cadre politique sa volonté de bonne gouvernance de ses ressources naturelles, le pays met l’accent sur la transparence. La Birmanie devient un exemple unique d'un régime autrefois opaque ouvrant ses portes et s'engageant pour une plus grande transparence », a déclaré Helen Clark, présidente de l'ITIE.
C’est lors de la dernière réunion de ses 48 pays membres, les 16 et 17 octobre dernier à Addis-Abeba, en Ethiopie, que le conseil d'administration de l’Initiative de la Transparence des Industries Extractives a salué les améliorations que la Birmanie a mises en place, en « introduisant des réformes politiques, en améliorant la transparence des données extractives, en stimulant un solide débat public et en créant une plate-forme de dialogue entre les parties prenantes ».
L’ITIE est l’organisme mondial de référence dans l’établissement de normes en matière de transparence et de responsabilité dans les industries pétrolière, gazière et minière. En être membre donne un accès facile aux principaux marchés planétaires, assure un bon prix de vente de ses produits, facilite les transferts ou les achats de technologies, donc permet une meilleure rentabilité des exploitations.
Mais si elle reconnaît des « progrès significatifs » depuis juillet 2014, date du dépôt de candidature de la Birmanie à l’organisation, l’ITIE n’en donne pas pour autant un blanc-seing à Nay Pyi Taw, bien au contraire. L’évaluation conduite depuis juillet 2019 montre que la situation birmane est encore loin d’être satisfaisante : manque de clarté de sa communication publique, en particulier en ce qui concerne l'attribution des licences d’exploitation, manque de transparence dans les chiffres de production de pierres précieuses, opacité au sein des entreprises gérées par l’Etat, entre autres, constituent toujours des écueils majeurs, et pour que l’adhésion de la Birmanie soit acceptée, le pays va devoir corriger tout cela d’ici à avril 2021.
L’ITIE relève par exemple qu’une mission d'enquête des Nations-Unies cette année a décrit des sociétés d'État telles que la Myanmar Oil and Gas Enterprise ou les trois entreprises « sœurs » Myanmar Mining Enterprises, Myanmar Gems Enterprise et Myanmar Timber Enterprise comme présentant des comptes « en grande partie obscurs ». Le gouvernement birman a rejeté les conclusions du rapport, mais l’ITIE considère que les ventes de pierres précieuses et de jade, par exemple, demeure bien supérieures aux chiffres officiels. Ainsi pour 2016-2017, la Birmanie a récupéré officiellement 676 millions d’euros des ventes de pierres précieuses et de jade, soit entre 60 et 80% de moins que les estimations de l’ITIE. La question de la gestion des entreprises d’états est donc épineuse car manifestement, des détournements de fonds s’y opèrent. Or, ces entreprises génèrent environ la moitié des revenus du gouvernement, pèsent lourdement sur son budget et sont présentes dans tous les secteurs majeurs de l’économie nationale, que ce soit dans le bois, les télécommunications ou l’exploitation minière. Les experts en gouvernance estiment donc qu’il faut davantage de surveillance et de transparence pour assurer plus de redevabilité.
Le conseil d'administration de l'ITIE a également exhorté la Birmanie à dissiper toute confusion concernant le statut des sociétés extractives affiliées à l'armée, et à veiller à ce que leurs activités soient traitées conformément aux normes ITIE. Les Nations-Unies mettaient en effet aussi en cause deux entités dépendant du ministère de la Défense, et appartenant donc de fait à l'armée birmane, la Myanmar Economic Holdings Limited (MEHL) et la Myanmar Economic Corporation (MEC). Deux compagnies qui possèdent au moins 120 entreprises actives dans divers secteurs du pays, de la construction aux produits pharmaceutiques, en passant par les assurances, le tourisme et la banque et dont au moins 26 de leurs filiales bénéficient de licences d'exploitation de jade et de rubis dans les États de Kachin et Shan… où l'armée birmane a été accusée d'avoir commis des violations des droits Humains, notamment par du travail forcé et des violences sexuelles.
Autre secteur à améliorer, la liberté d’expression et la liberté d’association. « Il y a des preuves que la liberté de la société civile à s’associer avec d’autres membres au sein de leur circonscription est restreinte, dans les régions riches en ressources et où le secteur de l’extraction est un domaine controversé et dominé par des organisations armées ethniques », a averti le Conseil. La société civile doit pouvoir soulever des questions sur l’exploitation des ressources naturelles sans pour autant subir représailles, menaces et intimidations, officielles ou pas.
En 2016, le gouvernement birman a officiellement lancé le Comité directeur de l'ITIE de Birmanie, présidé par le ministre de la Planification et des Finances et avec pour membres le ministre des Ressources naturelles et de la Conservation et celui de l’Energie et de l’Electricité. Ce dernier est sous le coup d’une enquête pour corruption, et le ministre de l’Industrie a lui dû démissionner cet été pour des soupçons de malversation…
La Birmanie est riche en ressources naturelles, notamment en pétrole, gaz, minéraux et gemmes. En 2016-2017, le secteur extractif représentait officiellement 4,4% de son produit intérieur brut, 14% des recettes de l'État et 20,4% des exportations totales, selon les données du quatrième rapport de l'ITIE publié en mars. A noter cependant que ce n’est pas parce qu’un pays est conforme à la norme imposée par l’ITIE qu’il est exempt de corruption. La conformité signifie que l’information nécessaire est bien transmise et que des améliorations sont en cours, et le statut de conformité peut être retiré après l’une des évaluations régulières mises en place.