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L’électricité, un défi pour la Birmanie

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Écrit par Julia Guinamard
Publié le 28 mai 2020, mis à jour le 29 mai 2020

En juillet 2019, le prix de l’électricité en Birmanie a quasiment triplé. Or, la qualité des services, elle n'augmente pas, loin de là. Coupures de courant et disparités territoriales, de nombreux défis restent à relever pour le pays s’il veut devenir réellement attractif pour les investisseurs et participer au développement économique mondial. En effet, bien qu’officiellement un peu plus de la moitié de la population a accès à une source d’électricité, seulement 38% est relié au réseau national. Parmi les solutions hors de ce réseau national, 11% des foyers possèdent des panneaux solaires suffisamment puissants pour alimenter une télévision ou un ventilateur et 20% des ménages s’alimentent avec des kits de système d’éclairage solaire qui fournissent de l’énergie pour une source de lumière ou pour la recharge d’un portable. Les villes ont un bien meilleur accès au réseau – la consommation de Yangon représente environ la moitié de la consommation de tout le pays – mais même ainsi les disparités sont fortes, les coupures de courant épargnant en priorité les zones résidentielles les plus riches et de nombreux foyers n’étant eux pas raccordés. Les solutions hors réseaux sont en effet utilisées par 11,4% des foyers urbains et 61,1 % des ménages ruraux.

L’électricité, chère et pourtant toujours en deçà du coût réel

La question énergétique est centrale au développement. Elle figure dans les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies (ONU). Pour l’ONU, « l’énergie durable est une opportunité pour transformer les vies, les économies et la planète ». Les ODD soutiennent une « énergie propre et d’un coût abordable ». En Birmanie, si l’électricité est toujours vendue en deçà de son coût réel total et donc de fait subventionnée, elle reste aujourd’hui chère pour beaucoup de personnes. Et de faible qualité, ce qui suppose des installations pour protéger les appareils électriques branchés en permanence.

Approvisionnement, prix, qualité…De nombreux foyers n’ont donc pas l’électricité, ce qui se traduit par « pas de réfrigérateurs » et par des moyens de cuisson peu développés. Cela pose des problèmes évidents sur la conservation des aliments et donc la santé globale mais aussi sur la pollution de l’air intérieur, une forte source de mortalité par maladies pulmonaires. En Birmanie, 45,6 % des ménages utilisent pour cuisiner des foyers alimentés par du feu de bois ou de charbon de bois, dont la fumée dégagée est meurtrière. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 4,3 millions de personnes dans le monde meurent chaque année à cause de la pollution intérieure. Ces méthodes de cuisson accentuent en outre la déforestation et ont un coût social. En effet, il faut prendre en compte le temps de ramassage du bois, une tâche majoritairement faite par les enfants et les femmes et qui s’effectue au détriment de la scolarité et d’une indépendance financière.

Outre l’aspect social, l’aspect économique de l’électricité est évidemment majeur. sans électricité aujourd’hui, pas de chaîne du froid, pas d’industrie, pas d’investissements… Aussi, dans le contexte où la Birmanie cherche à attirer le plus possible d’investissements étrangers, l’instabilité énergétique est un frein à leur arrivée. Le manque total de fiabilité de l’approvisionnement en électricité dans le pays est régulièrement cité par tous les analystes économiques comme une limite majeure à son développement. Construire une usine en sachant que la chaîne de production sera soumise à des coupures de courant est un risque pour les investisseurs et entraîne leur réticence.

Un manque de concurrence au détriment des consommateurs

Parmi les freins à la transformation du secteur figure l’équilibre entre acteurs privés et publics. Un ingénieur familier du secteur énergétique juge ainsi qu’en Birmanie, « les technologies sont là, se sont donc les décisions politiques qui sont importantes. Il doit y avoir une privatisation. Le ministère doit s'occuper seulement du budget, du contrôle de la corruption et de la main-d'œuvre. Il est plus facile pour les entreprises privées d’utiliser efficacement les nouvelles technologies ». Un constat pour lequel il ne donne malheureusement pas d’exemples.

Malgré l’ouverture du marché, la concurrence n’est pas parfaite et les partenaires historiques s’emparent des contrats. Première raison, la durée de réponse aux appels d’offres. En mai, un appel d’offres a été lancé pour un projet de 1 060 MW d’installation de panneaux solaires. Les entreprises voulant répondre ont un délai d’un mois : du 18 mai au 18 juin. Ce délai est critiqué. « En plein milieu de l'épidémie de Sars-CoV-2, il est extrêmement difficile de respecter ce délai très court d'un mois. {…} Même en temps normal, les appels d'offres de ce type ont besoin de deux à trois mois pour des propositions de qualité », explique le PDG de l’entreprise birmane Quasar Resources. En plus de ce délai d’un mois, les sociétés qui souhaitent répondre aux appels d’offres doivent justifier la possession de terrains. Actuellement, pour les investisseurs étrangers et même pour ceux qui ne sont pas dans la région du projet convoité il est difficile, voire impossible, de visiter ou d’acheter des terrains. Les acteurs déjà présents sont donc favorisés. Ce délai d’un mois, source de projets bancals, mal ficelés et donc qui tiennent rarement leurs engagements de délais et de qualité, est pourtant courant. L’année dernière, c’était déjà un mois pour les cinq projets de centrales à gaz naturel liquéfié. Cela avait limité les réponses. Les deux entreprises qui ont emporté les appels d’offre - la China National Technical Import and Export Cooperation et la société hongkongaise Vpower – ont été incapables d’achever un seul projet dans les délais… d’où les coupures à répétition actuelle.

Ces problématiques entraînent un manque de concurrence qui offre plus de libertés aux entreprises quant à leurs prix. En avril, l’État de Mon a diminué le prix du kilowattheure (kWh) de 400 kyats (0,24 €) à 300 kyats (0,18 €) sur son territoire. Mais face à un gouvernement peu influent, les entreprises n’ont pas appliqué cette réduction et les habitants subissent. « Le gouvernement a ordonné la réduction des tarifs d'électricité dans notre région. Mais l'entreprise n'a pas suivi et a collecté 400 kyats pour 1 kWh. Nous ne pouvons pas accepter ce tarif. {…} On ne peut pas du tout avoir confiance. {…} Si l'entreprise ne suit pas la directive, nous organiserons une manifestation ». L’ouverture du marché énergétique s’accompagne d’un bras de fer entre intérêts publics et privés.

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