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La Birmanie autorise l’importation d’alcools forts

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Le 100 Pipers, un des rares alcools étrangers vendu de manière légale en Birmanie
Écrit par Julia Guinamard
Publié le 3 juin 2020, mis à jour le 4 juin 2020

« Auparavant, l'importation d'alcool, de bière et de cigarettes était interdite. Il est maintenant permis d'importer de l'alcool », a déclaré le directeur-adjoint du ministère du Commerce, à la suite de l’assouplissement des règles d’importation d’alcool étranger. Attention, jusque maintenant, tous les alcools n’étaient pas interdits, et il était largement possible de s’en procurer… Mais pas toujours selon les règles les plus strictes… Car la fraude va bon train, et le marché de l’alcool de contrebande est aujourd’hui estimé à environ 70 millions d’euros par an, contre 9 millions d’euros pour le marché légal. Depuis 2015, certains hôtels, supermarchés et duty free vendent des bières et du vin importés, mais de manière en théorie très encadrée et surtout souvent à des prix assez élevés.

Pour de nombreux commerces, la nouvelle législation constitue donc un changement bienvenu dans un pays au long passé de restriction sur les importations d’alcool, puisque ces restrictions ont commencé dès 1962 et que la dernière interdiction en date était intervenue en 1995. Le 25 mai marque un nouveau pas dans cette direction, avec cette mesure qui ouvre le marché aux spiritueux étrangers … Les spiritueux importés doivent avoir une valeur minimum de 7€ le litre, en comprenant l’assurance et le fret. Une fois la frontière passée, d’autres coûts, taxes et frais de distribution s’ajoutent. Le coût de revient du litre importé s’élèvera donc au minimum à 18€.

 

De l’alcool légal à prix d’or pour réduire la contrebande, un pari risqué

En parallèle, la directive du 25 mai modifie les seuils de référence pour les taxes d’alcool. En 2019, les produits dont le prix était inférieur à 29 000 kyats (18€) étaient taxés à 20 - 25%. Pour les alcools plus chers, la taxe grimpait à 60 %. La nouvelle directive divise cette limite par deux. Les alcools dont le prix est inférieur à 15 000 kyats (9€) sont dorénavant taxés à 25 – 30% et pour ceux qui ont un prix supérieur la taxe s’élève à 60%. À cela s’ajoute un droit de douane de 50 % sur les 7€ du prix d’import ce qui signifie un montant minimal de 10,5€ et que donc la barre des 15 000 kyats (9€) sera forcément dépassée et que les alcools importés seront taxés à 60%. Selon l’avis des observateurs, ces manœuvres et changements ont avant tout pour but de protéger les industriels birmans du secteur, en particulier le patron de Grand Royal, millionnaire très influent dans les cercles du pouvoir et dont le lobbying a longtemps retardé tout changement dans le secteur, malgré ses dénégations. Ce protectionnisme déguisé est une constante du milieu des affaires en Birmanie, même si les choses changent peu à peu.

La directrice adjointe du ministère du Commerce reconnaît que « les importations d'alcool sont certes interdites mais les produits sont vendus dans de nombreuses régions du pays. Nous espérons que la création d'un canal légal d'importation réduira le commerce illicite ». La mesure a en effet été annoncée comme un moyen de freiner la vente illicite d’alcool, de renforcer la sécurité des consommateurs, car cet alcool de contrebande est souvent frelaté et parfois toxique, d’améliorer les recettes fiscales. Nul doute qu’en matière de fiscalité les bénéfices par bouteille vendue seront là ; pour le reste, les répercussions sont plus incertaines. Les taxes sur les importations doivent, en théorie, profiter aux producteurs locaux grâce à un contrôle de la concurrence étrangère. Mais dans la pratique, le prix minimum d’importation pénalise les investisseurs étrangers et rend le prix des contrebandiers beaucoup plus attrayant avec un litre vendu autour de 9€. Il n’est pas étonnant de voir des membres du ministère du Commerce hésitants face aux retombées de la directive, comme le déclare anonymement l’un d’entre eux au magazine Frontier : « Avec le texte actuel, je doute fort que le plan fonctionne réellement ». Le marché illégal de la vente d’alcool est majoritairement tenu par des groupes armés ethniques, ce qui double le problème.

 

Le groupe Pernod Ricard poursuit ses investissements en Birmanie

La directive du 25 mai est accueillie à bras ouverts par les groupes internationaux. Matthieu Glorieux, directeur exécutif de Seagram en Birmanie, une marque du groupe Pernod Ricard, nous confie que dans son entreprise « nous envisageons la fixation d’un prix minimum comme une mesure temporaire. La fixation d’un prix minimum raisonnable est nécessaire pour proposer au consommateur des marques internationales de qualité à un prix abordable, sans pour autant menacer les producteurs locaux qui opèrent dans une gamme de prix largement inférieure. Nous saluons le dialogue ouvert et constructif mené avec les autorités birmanes sur ce dossier et continuerons à collaborer avec les différents ministères concernés pour les prochaines étapes de la libéralisation du secteur ».

Seagram est aujourd’hui un producteur de whisky en Birmanie, et la marque compte poursuivre le développement de ses différentes activités : « Seagram Birmanie se consacre aujourd’hui au développement d’un portefeuille de whiskies locaux et internationaux, produits localement. Au niveau du groupe Pernod Ricard, une introduction progressive des marques de notre portefeuille se mettra en place au fur et à mesure de l’évolution de la réglementation ». Pour vendre de l’alcool importé, l’entreprise distributrice doit en effet être birmane et doit avoir un contrat exclusif avec un fournisseur étranger pour obtenir la licence de vente d’alcool étranger, la FL-11, distribuée par la Direction générale l’administration. La licence doit être renouvelée chaque année.

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