Depuis le début du mouvement populaire contre le pouvoir, la jeune génération est massivement mobilisée et elle a des revendications. LPJ Beyrouth a interrogé un panel représentatif de six étudiants venus de différents horizons sur cinq thèmes.
Pour les étudiants interrogés, la corruption est avant tout un système. « Le Liban reste encore aristocratique avec des réseaux opaques liant politiques, grandes familles libanaises et puissances étrangères », juge Ali, 22 ans, étudiant en informatique originaire des environs de Saïda, dans le Liban-Sud. Pour Khaled, 21 ans, sunnite, qui poursuit des études en ingénierie à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), « il y a un grand pourcentage de citoyens qui soutiennent les politiciens corrompus, principalement les partisans du Hezbollah, du mouvement Amal et du Courant patriotique libre ».
Pour Rym, 22 ans, étudiante à l’École de traducteurs et d'interprètes de l’Université Saint-Joseph (USJ) originaire du Kesrouan, « le système électoral a été mis en place pour garder les mêmes au pouvoir et perpétuer la corruption », notant qu’ « on achète des voix jusque dans les universités détenues par des hommes politiques, notamment à Tripoli et Saïda ». Elle estime que « la justice est aujourd’hui aussi corrompue que le gouvernement ». « Comment s’auto-juger ? Ils se connaissent tous et se protègent tous. Il faut donc changer ça », ajoute-elle.
Pour « changer ça », les propositions sont nombreuses. « Pour mettre fin à la corruption, il faudrait créer un gouvernement indépendant et technocrate. Ainsi, les citoyens verront à quoi ressemble une vraie nation », propose Khaled. « Il faut la bonne personne à la bonne place », abonde Rym.
Dans le processus de lutte contre la corruption « qui demande du temps et de la sensibilisation » selon Khaled, la justice a un rôle important à jouer. « Il y a plusieurs étapes pour en finir avec la corruption mais la plus importante est le vote d’une loi pour l’indépendance judiciaire. Le pouvoir judiciaire est le seul à pouvoir mener des enquêtes, identifier les responsables et juger les corrompus », souligne Taline, étudiante en droit public à l’USJ originaire de Choueifat, dans le caza d’Aley.
Zeinab, étudiante chiite en sciences politiques à l’American University of Science and Technology (AUST), propose une véritable feuille de route. « Il faut un système juridique plus indépendant qui puissent se saisir des affaires et forcer les hors la loi à passer devant la justice qu’importe leur niveau de pouvoir », dit-elle, réclamant que les journalistes « aient accès aux informations du domaine de la vie publique » et que les responsables publics ne puissent « posséder des entreprises privées ». « Le manque de transparence et leur immunité empêchent de prouver qu’ils avantagent leurs intérêts et de les traduire en justice », estime l’étudiante.
François, 22 ans, étudiant à l’école de traducteurs de l’USJ, également originaire du Kesrouan, va plus loin. « L’armée doit arrêter chaque homme politique et le juger. On doit leur demander de rendre tout l’argent volé et récupérer ce qu’on a perdu », explique le jeune homme, en référence à l’une des principales revendications des manifestants.
Pour l’étudiant, « la solution est aussi entre les mains du peuple ». « Il faut refuser le clientélisme. Les dirigeants corrompus vont tout faire pour revenir, et ce sera à nous de dire non et d’élire les bonnes personnes », a-t-il ajouté. Rym, elle, explique que « les mouvements de la société civile sont très importants ». « Si la société civile entrait au Parlement, ça nous permettrait d’avoir moins de corruption », estime-elle.
Ali, lui, pointe du doigt le risque de la défiance systématique envers les responsables. « C’est facile d’accuser tout le monde de corruption ». « Même une classe politique renouvelée finira, tôt ou tard, par être soupçonnée. Personne n’a confiance en personne, c’est ca aussi le problème », ajoute-il.