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Ibrahim Maalouf : « Le public libanais est le plus exigeant »

Ibrahim Maalouf LibanIbrahim Maalouf Liban
Ibrahim Maalouf © Paul Chigioni
Écrit par Paul Chigioni
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 24 juin 2018

En vue de son concert au Festival International de Batroun, le 11 août prochain, le trompettiste-compositeur de 37 ans nous a accordé un entretien. Il nous parle de son Liban et de sa musique.

 

 

Lepetitjournal.com : Cette année au Liban, vous vous produirez dans le cadre du festival de Batroun. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

 

Ibrahim Maalouf : Je suis content car j’ai déjà joué à Beiteddine, Baalbeck, Byblos et pour le festival Al-Bustan quand j’avais 14-15 ans. J’ai une histoire avec les festivals libanais.

Je n’ai jamais joué à Batroun. Cette ville a une identité que j’aime beaucoup. Elle a su rester humble et n’a pas cherché à ce que ça brille. Batroun a gardé une certaine tradition dans l’architecture. Son vieux souk existe toujours.  En même temps, c’est une ville tournée vers l’avenir. La programmation du festival est éclectique. Il y aura du cinéma, du sport, avec une touche d’écologie avec le projet des 1000 vélos, une visite touristique à vélo de la vieille ville. Le festival est assez à l’image de cette ville.



Y-a-t-il une ambiance particulière quand vous jouez au Liban? Le public libanais a-t-il une particularité?


Le public libanais est le plus difficile du monde. Il peut sembler un peu blasé mais je pense que c’est parce qu’il est très exigeant. Le public libanais aime le derbakeh, aime quand ça bouge. Mais, en tant qu’artiste, on a envie de proposer quelque chose et que les gens soient sensibles à cette proposition. 

 

Venir au Liban, c’est une manière pour vous de vous ressourcer ?


Clairement. Je viens ici pour me poser, voir ma famille, passer du temps avec les gens que j’aime et faire de la musique quand j’en ai l’occasion. Je passe une bonne partie de mon temps ici à inventer, à composer. J’ai mon ordinateur, ma trompette et je crée. C’est très inspirant.


 

Comment avez-vous créé ce lien fort avec le Liban ?


Je suis né ici. J’y ai passé beaucoup de temps mais n’y ai jamais vécu. Mes parents tenaient beaucoup à ce qu’on vienne tous les ans au Liban. On y venait tous les étés, même pendant la guerre. On jonglait entre les bombardements. On venait en bateau quand les aéroports étaient fermés. J’avais moins de 10 ans. On se rappelle de ces choses-là. A la fin de la guerre civile, Beyrouth était en ruines. C’était la Syrie d’aujourd’hui.
 


Ces souvenirs douloureux auraient pu vous dissuader d’y revenir…


C’est comme si un membre de votre famille tombait gravement malade et souffrait. Que feriez-vous ? Vous laisseriez tomber ou vous l’aideriez ? Je reviens au Liban malgré les drames. Je pense que c’est très important. C’est faire preuve d’humanité que de rester soudé avec le pays et les gens qu’on aime. Avoir grandi en France m’a aidé à ne pas être dégoûté par certaines choses au Liban.

 

 On venait au Liban tous les étés, même pendant la guerre. 

 

 

Comment gérez-vous votre envie de Liban au quotidien?


Dès que j’ai du temps libre, je viens, parfois pour 3 jours simplement. Cette année, j’ai dû venir 10 fois au Liban. Je vais chez ma mère ou ma grand-mère qui me font à manger. Quand je ne peux pas venir, je suis frustré.

 

 

Avez-vous envisagé de venir y vivre?


Bien que j’aie acheté la maison de mon arrière-grand-père, il y a 4 ans, ça n’aurait pas de sens. Ma fille vit en France et je veux être avec elle dès que je peux. L’essentiel de mon travail est basé en France. J’ai ma maison de production qui emploie sept personnes à plein temps. J’ai beaucoup de projets, notamment aux Etats-Unis. C’est la vie parfaite d’être en France.



Vous êtes un artiste prolifique. Comment décririez-vous votre processus de création ?


Je ne sais pas si c’est une névrose chez moi mais depuis que je suis tout petit, je ne fais qu’inventer. J’ai l’inverse du syndrome de la feuille blanche. C’est comme un besoin de m’exprimer.


 

Un peu comme le Liban qui est en perpétuel mouvement…


Oui, sinon le pays n’aurait pas survécu à tous les drames qu’il a traversés jusqu’à aujourd’hui. C’est sa capacité de résilience. Le Liban a été à genoux mais il n’est jamais tombé. C’est une force. Peut-être grâce à la diaspora, aux Libanais vivant au Liban qui n’ont jamais baissé les bras et au fait qu’il y ait une créativité incessante ici. En juillet 2006, il y a eu 33 jours de bombardements et chaque soir, les gens étaient dans les cafés. Il y a une soif de vie, ici, qui est extraordinaire. Lorsque des Libanais me demandent pourquoi je m’investis au Liban qui n’est pas un pays stable, je leur réponds justement que quoi qu’il se passe, c’est un pays qui restera toujours sur ses pattes.

Paul stagiaire
Publié le 18 juin 2018, mis à jour le 24 juin 2018

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