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HERVE SABOURIN – « La langue française doit prendre toute sa place à côté des autres »

HERVE SABOURIN  AUFHERVE SABOURIN  AUF
Photo : Hervé Sabourin @AUF 
Écrit par Hélène Boyé
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 27 février 2018

Le directeur régional de l'Agence universitaire francophone (AUF) au Moyen-Orient est un voyageur qui a posé ses valises à Beyrouth en 2014. Pour LPJ Beyrouth, Hervé Sabourin décrit l'action de l'organisme au Liban, dans la région et parle de la francophonie.

 

LPJ Beyrouth : Comment débute votre parcours ?

Hervé Sabourin :J'ai passé mon enfance en en Iran, au Liban puis en Indonésie. J'ai très vite acquis une culture internationale. Je me suis toujours considéré comme un citoyen du monde.

Après être entré en France pour faire des études en mathématiques à Paris, je suis devenu professeur agrégé à l'université. Après avoir passé une dizaine d'années en Tunisie comme professeur d'université, j'ai obtenu un poste d'enseignant chercheur à l'Université de Poitiers. M'y sentant à l'étroit, je suis très vite entré dans l'administration. Je suis devenu vice-président de l'université chargé des relations internationales.

À ce poste-là, où je suis resté de nombreuses années, j'ai passé mon temps à parcourir le monde. Mon travail consistait à nouer des contacts avec d'autres universités pour permettre des collaborations en termes de mobilité d'étudiants, de recherches, d'échange et de formations. J'avais envie d'aller à la rencontre des peuples, de découvrir les civilisations et les cultures.  

 

Par quel biais l'AUF et le Liban entrent ou reviennent-ils dans votre parcours ?

C'est à l'occasion de mes différents voyages à l'international que j'ai renoué des liens avec le Liban. Le Liban trottait dans ma tête depuis que j'y avais passé une partie de mon enfance. Et puis, une de mes amies, Salwa Nacouzi, une collègue professeur à Poitiers, était la directrice de l'AUF Moyen-Orient. C'est donc comme cela que j'en suis venu à m'intéresser à l'AUF. Nous avons donc monté des projets entre Poitiers et le Liban.

Et lorsque le poste de directeur de l'AUF Moyen-Orient  était à pourvoir, j'ai posé ma candidature. Je suis en poste à Beyrouth depuis 2014. En plus de mes fonctions au sein de l'AUF, je suis expert européen depuis 2012 pour les programmes internationaux de formation et de recherche.

 

Qu'est-ce que l'AUF ?

C'est un réseau, c'est une association d'universités composée de 850 établissements membres dans 110 pays. Comme toute association, elle est gérée par un conseil d'administration élu par l'assemblée générale de ses membres qui se réunit tous les quatre ans pour élire son président.

L'AUF est divisée en 10 directions régionales qui couvrent le monde entier. L'AUF Moyen-Orient couvre 14 pays de la région que je considère comme très riche et complexe dans laquelle je me sens relativement à l'aise sans parler la langue ! Mais je n'ai pas abandonné l'idée d'apprendre l'arabe.

 

Quels sont ses principes ?

L'action de l'AUF se fonde sur trois principes. Le premier, la solidarité active. Il y a des universités mieux loties que d'autres pour des raisons diverses. La solidarité, c'est de faire en sorte que l'expertise des uns serve aux autres. Nous voulons faire progresser les universités qui ont trois grandes missions essentielles : la formation, la recherche et le service à la société.

Le deuxième, c'est le partage de la langue française comme vecteur d'intelligence collective. La francophonie, c'est le partage d'une langue mais aussi l'espace d'un partage des savoirs et des savoir-faire. Nous avons à proposer au monde un ensemble de compétences, d'expertises et de valeurs humanistes, intellectuelles et sociétales. Tout cela, nous le partageons à travers le français mais par seulement.

Le troisième principe, sacrée, c'est celui de l'acceptation de la diversité culturelle et linguistique. C'est cela, ma vision de la francophonie. Je ne dis pas ?apprenez le français', mais ?venez chez nous et partagez nos valeurs, nos expériences et à travers ce partage, on va vous apprendre le français'.

 

Quels types d'action mènent l'AUF Moyen-Orient ?

On n'enseigne plus à l'université en 2017 comme on le faisait il y a 15 ans. Il faut apprendre aux universités à réformer leur méthode pédagogique. Nous avons pour cela lancé le projet européen ADIP (Apprentissage à distance et Innovation pédagogique) à destination de plusieurs universités, notamment au Liban et en Egypte, auxquels participent des chambres de commerces et d'autres acteurs sociaux économiques.

L'université a fortement besoin de renforcer les liens avec le monde socioéconomique pour favoriser l'employabilité et l'ascension professionnelle. Pour cela, nous avons mis en place des cycles de conférences réunissant professeurs, étudiants, chefs d'entreprises, associations.

Nous sommes également très attachés au dialogue interculturel, à la médiation, la non-violence, la paix. Depuis trois ans, nous organisons des séminaires de formation sur divers thèmes comme les migrations ou les  réfugiés. Nous travaillons notamment avec le centre professionnel de médiation de l'USJ.

 

Quels sont ses projets ?

Nous réfléchissons à un projet de développement de la culture entrepreneuriale dans les universités, afin notamment d'orienter les étudiants vers des incubateurs.

Nous aimerions également créer un concours d'idées à l'issue duquel les lauréats iraient en France pour effectuer un stage d'un mois dans le programme Pépites. Nous aimerions développer cette idée en Egypte et en Jordanie.

Enfin, j'aimerais qu'un observatoire du dialogue interculturel du Moyen-Orient, basé sur la formation et la recherche, soit crée.

 

Comment jugez-vous la situation de la francophonie au Liban et dans la région ?

Le bilan de la propagation de la langue française au Moyen-Orient n'est pas très positif. Au Liban, on nous dit qu'un Libanais sur deux parle le français mais, en réalité, il n'y a pas de statistiques précises sur ce sujet. Les jeunes générations libanaises ont un peu moins d'appétit pour apprendre la langue française qu'avant. Ce n'est pas lié au Liban mais à la mondialisation.

Je ne dis pas que la langue française doit être primordiale mais qu'elle doit prendre toute sa place à côté des autres. Nous défendons la diversité. Sur ce point, on note une demande très forte de francophonie en termes de valeur, d'expertise et de savoir-faire.

En Iran, il n'y avait qu'une seule université membre de l'AUF. L'an dernier, il y en avait quatre et peut-être qu'à la fin de l'année, il y en aura 10. On sent une véritable demande, encouragée par la situation géopolitique. Les pays du Golfe nous disent qu'ils veulent aller vers d'autres cultures, sortir de l'axe préférentiel avec les Etats-Unis.

Le nombre de membres de l'AUF a augmenté en trois ans. Il y avait 52 universités en 2014. Aujourd'hui, il y en a 66 et on pourrait arriver à plus de 70 à la fin de mon mandat en 2018. Je tiens, à ce titre, à saluer mon équipe assez exceptionnelle qui a travaillé dans un esprit de cohésion, d'enthousiasme et d'efficacité.


 

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