Le directeur du Centre SKeyes, fondé à l'initiative de la Fondation Samir Kassir, un journaliste et historien libanais assassiné en 2005, dresse pour LPJ Beyrouth un bilan de la liberté de la presse au Liban en 2018.
Ces derniers mois, le Liban a connu une recrudescence des arrestations et des actions en justice contre les citoyens et les journalistes. Dernier d'une longue liste, le journaliste Fida’ Itani a été condamné par coutumace, en l'absence de l'accusé, à quatre mois de prison et une amende pour diffamation à l'encontre du ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil. D'autres poursuites judiciaires ont été menées contre Marcel Ghanem, présentateur télé vedette, pour avoir reçu deux journalistes saoudiens critiques envers les autorités libanaises.
Pour M. Mhanna, ces peines de prisons constituent des outils de pression. Les instruments de pression pour les journalistes sont légion : harcèlement, diffamation, interpellation et condamnation. Les journalistes sont poussés à une forme d'autocensure sur certains thèmes sensibles. "Il existe une ligne à ne pas dépasser […] au sujet du degré d'information" selon le directeur du Centre SKeyes.
De nombreux médias libanais sont liés aux partis politiques. « La presse libanaise est possédée par des partis et des hommes politiques qui veulent établir une situation sous contrôle. Cela constitue un premier frein à la liberté d'expression des journalistes », selon Ayman Mhanna.
Il pointe également la législation en la matière. Le code pénal libanais considère la diffamation, la calomnie ou encore la diffusion de fausses informations comme des infractions graves. « Les juges sont sensibles au climat politique et statuent de façon à ne pas déplaire aux responsables politiques », explique le directeur de SKeyes.
Au Liban, les journalistes peuvent être poursuivis devant le tribunal des imprimés, qui les condamne le plus souvent à payer des amendes. Pour M. Mhanna, ce tribunal est « une protection » car « il ne prononce pas de peines de prisons contre les journalistes, contrairement à d’autres instances juridiques ».
Ayman Mhanna refuse de se satisfaire d'une comparaison flatteuse par rapport aux pays voisins. « Ce n'est pas parce que les gens ne sont pas jetés en prison comme en Turquie ou en Egypte, voire assassinés comme en Syrie, que l'on doit accepter les pressions qui existent au Liban".