Des centaines de personnes se sont rassemblées mardi place Samir Kassir, dans le centre-ville de Beyrouth pour défendre la liberté d’expression au Liban après de multiples interpellations dans le pays.
Ces derniers mois, l’Etat libanais a interpelé plusieurs personnes en raison de leurs opinions politiques, notamment exprimées sur les réseaux sociaux. “Depuis quelques mois, il me semble que l’Etat libanais se rapproche de plus en plus d’un Etat policier.” assène Mazen Abou Hamdam, un jeune manifestant. « Les réseaux sociaux étaient notre seul refuge. Aujourd’hui, des personnes sont menacées et arrêtées pour des statuts Facebook, c’est ridicule”. Quelques jours avant, Elie Khoury, présent à la manifestation, a été arrêté pour avoir apostrophé sur Facebook le président Michel Aoun, appelant le chef de l’Etat à lutter contre la corruption, particulièrement au sein de son entourage.
“ Ce qui est choquant, c’est que toute forme de critiques contre le président et sa famille conduit à des convocations”, déplore Ayman Mhanna, directeur du Centre SKeyes pour la défense de la liberté d’expression et organisateur du sit-in. Il dresse un bilan alarmant. “La situation de la liberté d’expression au Liban est en nette détérioration depuis quelques années particulièrement depuis fin 2016. L’entente politique qui a accompagné l’élection de Michel Aoun à la tête de l’Etat a rendu les critiques difficiles.” Selon M. Mhanna, les différents partis politiques souhaitent contrôler et dissimuler toute critique sur les responsables politiques. Cela se traduit donc par une recrudescence des arrestations et des actions en justice.
Pour Ayman Mhanna, le conservatisme libanais gagne du terrain et condamne toute critique notamment des religions. Le cas de Charbel Khoury est un exemple : il a été violenté et interpellé pour avoir ironisé sur saint Charbel, saint patron du Liban. Tracy Chahwan, membre du collectif d’artiste Samandal, témoigne. “Mon collectif notamment a été censuré par un média chrétien […] la religion a beaucoup de pouvoir”, dénonçant l’emprise de certains dignitaires religieux sur la liberté d’expression.
Une jeune manifestante, Rawan Taha, conclut : “La liberté d’expression existe au Liban plus que dans les autres pays arabes mais nous avons encore un long chemin à parcourir.”
Photo : Aline Lafoy