La perception du monde par l’Europe dès les débuts de l’époque moderne est un thème clé pour comprendre l'histoire et la construction du monde actuel. L'exposition BERLIN GLOBAL en propose une analyse au travers de la grille de lecture berlinoise.
L’entrée de l’exposition BERLIN GLOBAL, que nous avons déjà évoquée, est insolite. Une gigantesque fresque murale dans le style art urbain accueille les visiteurs et visiteuses. Ces dessins en noir et blanc, façon bande dessinée, complètent un panorama du monde représentant des vagues maritimes, des chaînes de montagnes, des nuages et des continents sur un fond orange, rouge et violet. Il a fallu trois semaines aux artistes How et Nosm, deux frères jumeaux originaires d’Espagne et d’Allemagne, vivant à New York depuis 1999, pour dessiner et peindre au spray cette grande fresque murale de 375 mètres carrés.
Cette fresque thématise l’histoire de la perception et de l’appropriation du monde par l’Europe dès les débuts de l’époque moderne : les premières expéditions européennes, qui étaient des conquêtes, mais ont aussi conduit à l’exploitation et à l’esclavage d’hommes et de femmes ; les vastes intérêts de recherche des frères Humboldt qui considéraient comme égales toutes cultures ; l’attitude des grandes puissances européennes poussées par la convoitise et l’intérêt à travers le monde au XIXe siècle et se partageant les continents comme un gâteau. Enfin, un globe lumineux symbolise l’espoir d’un monde vivant en paix et d’échanges égalitaires entre tous les pays.
Le colonialisme, l’un des principaux sujets de l’exposition BERLIN GLOBAL, transparaît sur la peinture murale. L’interdépendance du monde, illustrée ici à travers la ville de Berlin, s’est opérée à l’orée de l’expansion européenne dans un contexte colonial. Le colonialisme a marqué, et marque aujourd’hui encore, les relations mondiales dans lesquelles Berlin s’inscrit dans le passé comme dans le présent.
Chaque salle thématique de l’exposition met en lumière le colonialisme à travers différentes perspectives en lien avec Berlin. Une grande peinture murale de l’artiste d’origine égyptienne Hanaa El Degham est présentée dans la salle « Révolution ». Les images renvoient également aux conditions postcoloniales qui ont une nouvelle fois ouvert la voie aux révolutions. Là aussi, un lien est établi avec la reconstruction du Berliner Stadtschloss (le château de Berlin), jadis résidence principale des maîtres coloniaux prussiens et allemands.
La salle « Frontières » fait en partie référence à la Conférence de l’Afrique de l’Ouest qui s’est déroulée entre 1884 et 1885 et durant laquelle les représentants des grandes puissances coloniales européennes ont décidé du partage de l’Afrique et de la mise en œuvre de la colonisation. Ces types de négociations sont illustrés à travers une carte géographique coloniale qui servira à la France et à l’Allemagne à tracer en 1911 la délimitation des frontières en Afrique centrale. Par ailleurs, la salle « Frontières » met en avant l’actualité des frontières à Berlin. Des stations multimédias interactives permettent d’évoquer les différentes formes de racisme quotidien et structurel, telles que le déni du racisme, le contrôle au faciès ou la difficulté d’accès aux soins pour les personnes ‘illégalisées’.
Dans la salle thématique « Divertissement », le film « Entertain Berlin » de Jermain Raffington aborde l’exotisation de pays et d’individus. À travers des interviews, quatre Afro-Allemands témoignent du racisme dans l’industrie du divertissement : Theodor Wonja Michael, né en 1925, était présenté, enfant, dans des expositions d’ethnographie coloniale. Lui et Marie Nejar, née en 1930, évoquent leur expérience en tant que figurant·e·s dans les films de divertissement sous le régime nazi. Langston Uibel, né en 1998, et Aminata Belli, née en 1992, décrivent les formes de racisme auxquelles leur jeune génération se retrouve confrontée, mais aussi quelles libertés elle a réussi à acquérir dans le secteur du divertissement et comment le rapport au racisme a évolué dans la société.
Dans la salle « Guerre », Philip Kojo Metz souligne dans son œuvre SORRYFORNOTHING l’absence de commémoration publique envers les victimes des guerres coloniales. Son œuvre avait déjà pris la forme d’une action artistique avant l’ouverture de l’exposition, notamment avec le transport à l’Humboldt Forum de caisses en bois grand format. Lors de l’inauguration, la surprise a été de taille : les caisses étaient vides, la sculpture SORRYFORNOTHING, invisible. Ce mémorial invisible, sans socle ni inscription, constitue un paradoxe : il n’honore pas sa promesse. Le transport fastidieux et les étapes complexes de l’installation des caisses sont filmés et photographiés. Ces photographies sont exposées dans le musée. Le monument invisible trône dans la salle, rendu visible par une bordure et une délimitation. L’artiste réclame ainsi une approche critique de la politique coloniale de l’Empire allemand.
Avec ces œuvres d’art, ces objets, ces stations multimédias et autres, BERLIN GLOBAL contribue à nous rappeler le colonialisme allemand et nous incite à émettre une analyse critique de la perpétuation de structures de pouvoirs et de pensées coloniales qui se traduisent souvent par une forme de racisme. Compte tenu des débats sociaux et politiques, l’exposition permettra d’apporter aux visiteurs et visiteuses des informations et perspectives éventuellement nouvelles de diverses manières.
De plus amples informations se trouvent sur le site Internet de l’exposition qui comprend également une rubrique en français.
Billets :
• jusqu’au 12 novembre, l’entrée à l’exposition BERLIN GLOBAL est gratuite pour tous ;
• à partir du 13 novembre, l’entrée sera de 7 euros. Mais un tarif solidaire sera aussi en vigueur. L’entrée à l’exposition BERLIN GLOBAL restera gratuite pour de nombreux groupes : les moins de 18 ans, étudiants, apprentis/stagiaires, participants au FSJ/BFD, bénéficiaires de l’ALG, détenteurs du Berlin Pass, personnes en situation de handicap, etc.
En raison du grand intérêt du public, il est recommandé de réserver ses billets le plus tôt possible. BERLIN GLOBAL se situe au Forum Humboldt. Par conséquent, les billets d’entrée peuvent être réservés directement sur le site Internet de l’institution.
Pour visiter l’exposition sans réservation, il est conseillé de se rendre au guichet du Foyer du Forum Humboldt, car des billets d’entrée y sont presque toujours disponibles.
Horaires de visite :
Lundi, mercredi, jeudi, dimanche : 10 h – 20 h
Vendredi, samedi : 10 h – 22 h
Mardi : fermé
Tous les contenus de l’exposition sont disponibles en allemand et en anglais. L’application BERLIN GLOBAL du guide médias du Forum Humboldt contient des traductions en plusieurs langues, des audio-descriptions pour les personnes aveugles ou malvoyantes et des vidéos en langue des signes allemande (DSG). Les informations sont également disponibles en arabe, chinois, espagnol, français, italien, japonais, polonais, russe et turc . Le guide médias est disponible au point d'information dans le foyer principal du Humboldt Forum au rez-de-chaussée. Un aperçu du peut être consulté en ligne. Cliquez ici pour découvrir le circuit en français de BERLIN GLOBAL.