Chaque année, les quartiers de Kreuzberg et Neukölln deviennent le théâtre de tensions politiques où s’entremêlent luttes sociales, revendications internationales et stratégies policières millimétrées.


Il est à peine dix-sept heures, mais le ciel de Kreuzberg s’assombrit déjà. Dans les rues, des chants résonnent, des fumigènes colorent l’air, et les pas martèlent l’asphalte avec la régularité d’un cœur battant trop vite. Le 1er mai à Berlin n’a rien d’une fête du travail apaisée. Ici, c’est un théâtre de revendications, d’histoire, de fractures sociales — et parfois, de dérapages.
Depuis plus de trente ans, les rues de Berlin s’embrasent le 1er mai
Historiquement, les manifestations du 1er mai à Berlin sont marquées par une intensité particulière. Depuis 1987, la « Révolutionäre 1. Mai Demonstration » rassemble chaque année plusieurs milliers de militants de gauche et d’extrême gauche. Kreuzberg, puis Neukölln, deviennent alors les scènes d’affrontements violents entre manifestants et forces de l’ordre, avec voitures incendiées et vitrines brisées. Entre les années 1980 et 2000, le 1er mai est associé à un climat quasi-insurrectionnel.
Une stratégie policière repensée
Depuis une dizaine d'années, un tournant s’opère dans la gestion de ces manifestations. L’Allemagne a misé sur une stratégie de désescalade. À Berlin, les forces de l’ordre privilégient la communication en amont et sur le terrain. La formation commence dès l’académie : on apprend à ne pas être provocant, explique un policier dans un entretien accordé à la RTS. Des "gestionnaires de conflit" patrouillent, les drones sont surveillés, et des canons à eau stationnés — moins pour intervenir que pour dissuader.
Des tensions latentes, des angles morts
En 2024, malgré une participation massive (plus de 12 000 personnes), aucune scène de destruction massive n’a été recensée. Pourtant, la tension demeure. Cette année encore, le parcours traverse la Sonnenallee, un quartier à forte population immigrée. La situation au Moyen-Orient, l’arrestation de figures politiques controversées comme Daniela Klette, ou encore les tensions sociales nourrissent les slogans cette année.
Si la menace d’émeutes d’extrême gauche monopolise les discours médiatiques, un autre angle reste étrangement absent : la montée des manifestations d’extrême droite. À Gera, en Thuringe, un cortège néo-nazi est annoncé pour le 1er mai 2025. Un paradoxe glaçant dans un pays où la fête du travail fut jadis instrumentalisée par le régime nazi. Pourquoi si peu de médias abordent cette présence ? Ce silence interroge, à l’heure où l’Allemagne est confrontée à une résurgence de l’extrême droite dans l’espace public et dans ses urnes.
Cette année les autorités ne prévoient pas d’émeutes massives ou trop destructrices à Berlin et en Allemagne. Mais entre radicalisation, instrumentalisation politique et oublis volontaires, le 1er mai reste un thermomètre des tensions allemandes. À chacun, alors, de rester vigilant.
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