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INTERVIEW - Thierry Noir : "L'art du mur continue"

Écrit par Lepetitjournal Berlin
Publié le 26 février 2009, mis à jour le 13 novembre 2012
Qui n'a jamais vu ces têtes aux contours naïfs, aux couleurs éclatantes? L'?uvre du peintre Thierry Noir est gravée dans le béton du mur de Berlin qu'il a assailli de couleurs au milieu des années 1980. Aujourd'hui "le peintre du mur"continue sur toile son oeuvre éclatante et poétique. 20 ans après la chute du mur la galerie Anyway et Peugeot Avenue mettent dos-à-dos les figures colorées de Noir et les photographies documentaires noir et blanc de Günther Schaefer sur la chute du mur. A l'occasion de cette exposition "De l'art au mur", l'artiste français se souvient de la ville divisée et parcourt le chemin jusqu'au Berlin d'aujourd'hui

Les célèbres peintures de Thierry Noir sur l'East Side Gallery (photo. T. Noir)

Pourquoi avoir fait cette exposition en commun avec Günther Schaefer?

C'est Maud Piquion (galerie Anyway, ndlr) qui a eu l'idée de réunir ses photos et mes peintures. Günther et moi on se connait depuis 18 ans, par l'East Side Galerie. En 1989, Günther habitait à New York. Il est venu à Berlin dès qu'il a entendu la nouvelle. Il a mitraillé la chute du mur.

Cette exposition s'appelle "Du mur à l'art". Considérez-vous que le mur vous a fait artiste?
J'ai peint sur le mur parce que j'habitais juste devant, c'est par hasard... et par nécessité aussi. Je ne me suis jamais dit que je venais à Berlin pour ça. Il se trouve que j'ai habité 20 ans dans cette maison, ce squat installé dans un l'hôpital de Bethanien qui avait été fermé parce qu'il était trop près du mur. Moi j'avais entendu les paroles de Lou Reed "Berlin by the wall... it was so nice, it was paradise", je me disais que j'avais trouvé la maison dont il parlait. J'étais naïf.

Comment vos peintures étaient-elles accueillies?
Au début les voisins me traitaient de capitaliste. Ils pensaient que j'étais payé par la ville de Berlin pour décorer la ville. C'était nouveau, ça dérangeait. Puis il y a eu le film de Wenders, les Ailes du désir, en 1987. Cela a été un tel succès que ça a ouvert les yeux des gens. Des jeunes ont commencé à faire des tags. Ça a été accepté comme une mutation de l'art et de la culture à Berlin. Un peu comme les lapins qui gambadaient entre les deux murs de Potsdamer Platz étaient une mutation de la nature.

Thierry Noir "Berlin à l'époque c'était plutôt 'Bonjour tristesse!'"(photo. T. Noir)

Quand le mur est tombé avez-vous eu peur de perdre votre ?uvre?

Le mur est tombé. L'art du mur continue. Le style a survécu à la chute du mur. Tout de suite après, il y a eu la période de U2 avec les Trabant (pochette de l'album Achtung Baby). J'en fait deux, dix, quinze. A partir de là on m'a demandé sans arrêt des trucs. J'ai pris le parti pris de dire oui à tout, comme Andy Wahrol. J'ai continué mes peintures dans les toilettes, les bus à Londres, dans les salles de bain.

Cela fait 20 ans que le mur est tombé. C'est important pour vous de commémorer ça?
Oui, pour rappeler que beaucoup de gens sont morts à cause du mur, qu'ils ont été blessés ou emprisonnés. Il ne faut pas tout oublier.

C'est pour ça que vous tenez à rénover l'East Side Gallery ?
C'est un symbole, le symbole du mur. C'est le seul morceau long qui reste, à part deux ou trois bouts éparpillés. Il permet de mieux se rendre compte de ce qu'était la ville à l'époque.

Vous auriez préféré qu'on laisse plus de bouts de mur dans la ville?
Non. Le mur, c'était une machine de mort. C'est difficile de se dire qu'on aurait dû en garder des kilomètres.

Avez-vous une nostalgie de cette époque?
Non, parce que c'était vraiment pas drôle, il ne se passait rien. Berlin était une île. On avait l'impression d'être abandonné parfois. Je me suis souvent demandé "mais qu'est-ce que je fais là...?"Ça n'était pas aussi drôle que dans la chanson de Lou Reed. Le mot d'ordre c'était plutôt "bonjour tristesse".

Vos premiers souvenirs de Berlin Est?
C'était à la mi-novembre 1989. Je suis passé à Checkpoint Charlie. Ça a été un choc, tout était gris, même les arbres. Il n'y avait aucune pub, des façades délabrées. C'était comme passer sur une autre planète. Après, tout le monde voulait faire quelque chose à l'Est. C'était la ruée vers l'or. Ça a duré jusqu'à l'arrivée du gouvernement à Berlin. D'un seul coup il fallait avoir des permissions. Cela a marqué la fin de cette époque exceptionnelle.
Propos recueillis par Stéphanie PICHON (www.lepetitjournal.com/berlin.html) jeudi 26 février 2009

"Du mur à l'art"jusqu'au 20 mars 2009, Peugeot Avenue, Unter der Linden, entrée libre.
Pour en savoir plus sur Thierry Noir www.galerie-noir.de
Et sur l'expo www.anywayberlin.com/

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lepetitjournal.com Berlin
Publié le 26 février 2009, mis à jour le 13 novembre 2012

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