Actuellement avec 1.900km au compteur, Sofiane Boubahlouli s’est lancé un défi de marcher 5.600km de Boulay à Alger, le lieu d’origine de son père, par les chemins de Compostelle. Rencontre avec cet aventurier trentenaire qui nous fait part de son projet hors du commun.
lepetitjournal.com : Qu'est-ce que vous pensez pouvoir apporter aux lecteurs avec votre projet ?
Sofiane Boubahlouli: Je souhaite montrer que l'on a tous des rêves, et que l'on a tous les moyens de les atteindre. Je le prouve par mes actions (dépassement de soi, positive attitude, rapport avec les autres)... Je pense également que l'on a tous des origines, des racines, et que de les atteindre permet de se trouver. Egalement, démontrer que malgré nos différences, on va tous dans la même direction.
Nous sommes le journal des expatriés français à Barcelone, vous sentez-vous un peu comme un expatrié partout où vous allez ?
En un sens oui, car un expatrié est un individu résidant dans un autre pays que le sien, et depuis 3 ans, c'est ce que je suis. Je me sens chez moi partout et je le dis en toute amitié. Néanmoins, je me définirais plus comme un pèlerin, du latin "peregrinus" qui signifie "voyageur, étranger". Je suis en voyage, donc en mouvement constant, dans une recherche intérieure, en rendant hommage à mon frère dans un premier temps, puis à mes origines, ce qui est la définition d'un pèlerinage.
Avez-vous d'autres projets après celui-là ?
Je pense qu'après avoir rejoint Alger, le lieu de naissance de mon père, en ayant traversé la France, l'Espagne, le Portugal, le Maroc et enfin l'Algerie, soit 5.600 km à pied, la boucle sera bouclée.
Il y a peu, un projet s'est greffé au mien ; celui d'un autre pèlerin, Miche Cerdan, qui va faire une exposition "CAMINO DE PIEDRAS", dans lequel il proposera une représentation cartographique minérale du Camino Mozarabe, dessinée par les cailloux collectés sur le Camino. J'irai récupérer une pierre dans le village où ses grands parents sont nés en Andalousie, pour la ramener sur la tombe de ses grands parents en Algérie à Sidi Bel Abbès, leur ville d'immigration.
Etre seul, à l'inconnu, loin de tout ce que vous connaissez, qu'est-ce que cela vous apporte ? Comment cela vous fait-il sentir ? Cela vous apprend des choses sur vous ? Sur l'humain en général ?
Etre en milieu inconnu développe votre adaptabilité (langage, culture, réactions face aux changements rapides) ainsi qu'une relativité sur la vie. Je trouve cela excitant, car j'apprends tous les jours.
Etre seul, affronter une nature sauvage et capricieuse, faire face à de nombreux accidents et terminer malgré tout (tombé d'une montagne, hypothermie, infection du pied, emporté par une rivière en crue...). Ma précédente marche (3.200 km en Nouvelle Zélande) m'a permis une profonde introspection ; ce qui a eu pour conséquence, avec le deuil de la mort de mon jeune frère de 12 ans, une acceptation de la vie et de soi, ainsi que de vivre chaque instant comme si c’était le dernier, profiter du moment présent.
Toutes les rencontres faites à travers les différents pays que j'ai traversés m'ont prouvé que l’être humain est bon et qu'il y a de la solidarité. A nous de le provoquer...
De tous les lieux que vous avez pu voir dans vos périples, pourriez-vous choisir une meilleure expérience ? Quelque chose qui vous a marqué ?
J'ai eu tellement d'expériences extraordinaires, des paysages splendides, de lieux inoubliables, que j'ai du mal à choisir. Par contre, sans hésitation, ce qui m'a le plus marqué fut les rencontres et les relations humaines. Quel que soit le pays traversé, mes meilleures histoires proviennent de rencontres improbables mais surtout à l'improviste : un chef de gang maori, un millionnaire français, un poète, un sculpteur, un présentateur TV, un écrivain, une dame en chaise roulante, des retraités, des jeunes hippies, des maires, députés...
Comment vous sentez-vous à ce stade de votre projet Boulay-Alger ? Y a-t-il eu des imprévus ?
Lors de mon départ de Boulay le 24 septembre, 20 personnes ont marché avec moi les 30 premiers kilomètres de manière symbolique, notamment mon père en tête de cortège. Dès le premier jour, j'étais déjà au delà de mes espérances.
J'ai marché 200 km en plus de mes 1.700 km initiaux jusqu'à la frontière espagnole, pour aller vers des villes telles que Rocamandour, Lourdes et Saint-Cyr-Lapopie.
J'ai une tendinite au pied, à l'heure où je vous réponds, donc je suis immobilisé, environ 3 jours, ce qui est normal après 2 mois de marche, pour .1900 km. Je suis hébergé par la kiné qui m'a soigné, ce qui rejoint ma précédente réponse : encore une expérience extraordinaire.
Si vous aviez des conseils à donner aux gens qui souhaitent se lancer dans une aventure comme la vôtre mais qui n'osent pas, quels seraient-ils ?
Lancez-vous, quel que soit votre projet : le plus important n'est pas d'atteindre l'objectif que vous vous êtes fixé, mais de vivre pleinement le chemin pour atteindre cet objectif. En partant de ce principe, l'échec ou la réussite de l'objectif n'est plus que secondaire, ce qui vous délivrera de toutes vos peurs.
Et puis, faites vous confiance, on est tous capable de faire de grandes choses, il suffit juste de le vouloir : j'ai fait un marathon sans entrainement, j'ai terminé un des trails les plus durs au monde (TE ARAROA) sans entrainement, j'ai repris mes études à 25 ans pour occuper un poste d'ingénieur commercial.
Comment vous sont venus à l'idée ce projet et la force de le réaliser ?
Lors de ma marche précédente en Nouvelle Zélande, j'ai eu une image de moi serrant dans mes bras ma tante en Algérie que je n'ai jamais vu. Puis, j'ai vu le film "The way" qui parle du chemin de Saint Jacques de Compostelle. N'ayant jamais été en Algérie, et ne connaissant pas vraiment mon pays LA FRANCE, je me suis dis que j'allais suivre la voie de Compostelle pour un double retour aux sources.
Je fais également un reportage avec ma "Go pro" sur la solidarité en France et compare les différents pays (France, Espagne, Portugal, Maroc, Algérie) que je traverse, pour montrer ce point commun : la bonté. Il aura pour titre "Sur les chemins de la bienveillance". Le soutien ainsi que l'engouement des gens pour mon projet, sont mes moteurs.
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