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Morreig : deux boulangers français réunis par l'amour du métier à Barcelone

En plein cœur du quartier Gràcia, les pâtisseries de chez Morreig rencontrent un vrai succès. Une adresse tenue par deux boulangers français, Matt Valette et Matthieu Atzenhoffer, réunis par une passion commune et leur talent à Barcelone, il y a plus de deux ans.

Matt Valette et Matthieu Atzenhoffer dans leur pâtisserie Morreig à Barcelone, le 11 juillet 2025. Matt Valette et Matthieu Atzenhoffer dans leur pâtisserie Morreig à Barcelone, le 11 juillet 2025.
Matt Valette et Matthieu Atzenhoffer dans leur pâtisserie Morreig à Barcelone, le 11 juillet 2025 © Milla Lanciego
Écrit par Milla Lanciego
Publié le 10 novembre 2025, mis à jour le 11 novembre 2025

Entre Matt Valette et Matthieu Atzenhoffer, c'est une histoire de talent et d'amitié. Originaire d'Alsace, Matthieu a toujours été fervent de bons produits. Au fil de nombreux concours internationaux, il se révèle en 2019 en devenant Meilleur Ouvrier de France Boulanger. Attaché à la région catalane, il lance sa propre maison quatre ans plus tard, avec son ex-compagne. Un défi demandant temps, travail et persévérance qui l'a poussé à faire appel à un ami rencontré quelques années plus tôt, Matt. Passionné de boulangerie et de nouvelles expériences, ce jeune Auvergnat devient alors son troisième associé. Récemment gagnante de la meilleure coca traditionnelle de la Sant Joan 2025, la boulangerie Morreig ne cesse aujourd'hui de gravir les échelons et s'encrer dans le cœur des Barcelonais.

 

 

Matthieu, entre voyages, apprentissages et grands concours, votre parcours a été riche en rebondissements. Racontez-nous ce qui vous a mené à Barcelone ?

Matthieu : J'ai grandi à la campagne avec le potager et les arbres fruitiers. Chez nous, en cuisine, il y avait un gâteau sur la table quasiment tous les week-ends. Je me suis vraiment lancé à mes 21 ans, lorsque j'ai raté les inscriptions pour la fac. Je me suis rendu compte que ce qui me plaisait, c'était la pâtisserie. J'ai eu la chance d'obtenir mon CAP boulangerie en un an, au lieu de deux. J'ai ensuite passé mon brevet professionnel à Sceaux, à la suite de quoi j'ai travaillé à Berlin quelques mois. Et, à partir de là, j'ai commencé les concours, le Mondial du Pain en 2015 où j'ai terminé deuxième et son best-off l'année d'après. Je voyageais beaucoup. Puis, je me suis dit que ce serait bien d'avoir quelque chose de plus stable, qui me permette de bouger moins.

Votre titre de Meilleur Ouvrier de France en poche, votre route croise celle de Matt à Nantes, en 2019. C'est d'ailleurs ici que tout a commencé pour vous, Matt ?

Matt : Mes parents étaient dans la restauration, donc j'ai toujours vécu là-dedans. En fin de seconde, je me suis orienté vers l'apprentissage en boulangerie. Je voulais ensuite continuer dans la pâtisserie, mais comme j'avais 18 ans, personne ne voulait me prendre. Au final, je me suis retrouvé à partir à Saragosse avec mon sac à dos, sans parler un mot d'espagnol. Là-bas, j'ai rencontré un grand boulanger, Yohan Ferrant, il faisait du consulting où je travaillais. Il m'a vu travailler deux minutes à peine à l'époque et, quelques mois après, je reçois un message de lui, me demandant si je voulais participer au Championnat du Monde avec lui. Là-bas, notre coach, c'était Matthieu.

 

"Deux semaines avant d'ouvrir, Matthieu s'est cassé la jambe"

 

Ensemble, vous avez obtenu la troisième place au Mondial du Pain 2019. Comment vous êtes-vous retrouvés ici, à Barcelone ?

Matt : Après les mondiaux, on s'est très peu vu pendant un an. De mon côté, j'étais professeur dans une école à Sabadell et Matthieu était concentré sur les travaux de la boulangerie. Deux semaines avant d'ouvrir, Matthieu s'est cassé la jambe. Ça fait pas mal de temps qu'il devait ouvrir donc il m'a appelé et m'a dit : "Il faut que tu m'aides". Je ne me suis pas posé la question, j'ai accepté directement. Je l'ai aidé à faire toute la production et je le ramenais chez lui, car il ne tenait pas debout. Pendant quatre mois, c'était un peu la folie. 

Matthieu : Moi, j'étais ses mains. Et lui, mes pieds. Le problème qu'on avait aussi, c'est qu'on n'avait pas assez de puissance électrique au local et c'était beaucoup plus petit que prévu. On n'avait pas non plus de clim. En plus, tous les jours, il fallait que j'aille faire de la réhabilitation. En avril suivant, Matt a finalement pris la troisième part de l'entreprise.

 

 

Matthieu, vous avez justement connu des difficultés au moment de créer Morreig ?

Matthieu : Oui, ça a été très compliqué. Avec ma conjointe de l'époque, il nous fallait faire une demande de licence. Nous, on habitait à Sabadell, mais les locaux étaient hors de prix là-bas. Ensuite, on a cherché à Barcelone et on a trouvé ce local malgré les gros travaux à faire. Sauf qu'ici, ils sont très exigeants. Déjà, dans le quartier de Gràcia, on ne peut pas avoir d'espace dégustation. Ils considèrent qu'il y en a déjà trop. Que ce soit au niveau de l'État ou au niveau des communes, il n'y a rien qui est fait pour nous aider... C'est tout le contraire. 

 

En Espagne, beaucoup de boulangeries achètent des viennoiseries congelées déjà toutes faites"

 

Aujourd'hui, que ce soit au niveau personnel et professionnel, comment vivez-vous l'expérience de boulanger à Barcelone ?

Matthieu : Je me sens chanceux. Dès qu'on cherchait, on a toujours trouvé, très rapidement. Même au niveau des clients, pour être honnête, ils sont quand même plus tranquilles qu'on le pense. Je trouve que les gens sont moins râleurs qu'en France. Au niveau matières premières, on essaie de travailler un maximum en local. Les glaces, le lait, la crème, tout ce qui est fruits secs comme la pistache, les noisettes et même les fruits. Sur la partie viennoiserie par contre, les farines et le beurre sont français. Chez nous, les farines sont certifiées et il y a un cahier de charges plus strict. Déjà, il n'y a pas de gluten qui est ajouté et au moment du stockage des blés, on n'a pas le droit d'utiliser de produits chimiques. C'est pareil pour les fromages et la brioche, il y a des appellations d'origine protégée. Ici, les labels, ça n'existe pas.

 

 

Qu’est-ce que l'on ne trouve pas dans la viennoiserie espagnole, mais que l’on retrouve en France ?

Matthieu : Ici, la viennoiserie est assez limitée. Les croissants, le flan ou les traditions, ce sont des produits qui viennent de France. Il y en a qui le font, mais c'est nouveau, on commence à en voir un petit peu à droite à gauche. C'est vrai que le standard ici n'est pas terrible. Il y a énormément de chaînes donc ça ne fait pas du bien à la qualité, ils achètent des viennoiseries congelées et déjà toutes faites. Donc, on a beaucoup de clients français qui viennent chercher un petit coup de France, tout simplement. 

Matt : Même si on mélange un peu, si on regarde juste notre viennoiserie, cela reste totalement français. On essaie quand même de jouer sur les fêtes catalanes. La coca de Sant Joan, le roscón, le panettone, même si c'est italien. Mais, ce qui est traditionnel à Barcelone, c'est plutôt la partie pâtisserie.

 

"Ici, les apprentis doivent parfois payer pour faire un stage"

 

Ces problèmes sont-ils dus à un manque d'apprentissage dans le milieu de la boulangerie en Espagne ?

Matthieu : Tout ce qu'on a appris, tout le savoir qu'on a, c'est ce qu'on nous a enseigné en France. Très clairement. Ici par exemple, la formation est payante. Les apprentis qui viennent d'écoles doivent parfois payer pour faire un stage, ce qui nous paraît assez incroyable. Alors qu'en France, il y a un contrat de travail en tant qu'apprenti, donc on est rémunéré. Il y a aussi les concours pour les jeunes. On a les meilleurs apprentis de France et les meilleurs jeunes boulangers. Ce qu'on cherche dans ces métiers-là, c'est aussi l'innovation, que ce soit sur l'organisation, la technique, l'hygiène. Ces points-là sont vachement travaillés pendant les concours. C'est pour ça qu'ici, trouver de la main d'œuvre qualifiée, c'est déjà plus compliqué.

 

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