Lors des derniers Jeux olympiques, à Rio en 2016, la péninsule a remporté 17 médailles, neuf d'entres-elles ont été décrochées par des femmes. Pour autant, leur visibilité n'en a pas été supérieure. Monde encore dominé par les hommes, que ce soit en terme de répercussion médiatique comme pour les postes à hautes responsabilités, le sport reste encore un sujet sensible pour une véritable égalité entre les genres. Zoom sur la situation espagnole et sur les mesures prises pour changer progressivement la donne.
(photo domaine public) Conscient du plafond de verre que connaissent les femmes pour atteindre les postes de gestion ou à hautes responsabilités dans le domaine du sport, le parti espagnol Ciudadanos a présenté à l'Assemblée de Madrid un projet visant à augmenter la présence féminine dans le secteur de l'arbitrage ou comme juges dans le cadre des compétitions professionnelles. En effet, pour Ignacio Aguado, porte-voix du parti et ancien joueur de waterpolo, "Au jour d'aujourd'hui, il continue d'exister une asymétrie de genre en faveur des hommes concernant l'activité physique et sportive", puisque sur les 3,5 millions de licenciés sportifs en Espagne en 2016, seuls 21,5% sont des femmes. De même cette discrimination touche aussi les aides auxquelles peuvent prétendre les sportifs espagnols : le plan ADO (Association du Sport Olympique) cherche à développer et encourager les sportifs nationaux au niveau olympique en leur fournissant des bourses ou des aides financières suivant leurs résultats, en prenant en charge la rémunération de leurs entraineurs, ou encore les frais de transports liés aux différentes compétitions. Toutefois, seuls 37% de ces aides sont destinées aux femmes, chiffre encore plus bas si l'on s'intéresse aux sportives paralympiques (25%). De ce fait, même si les femmes sont moins nombreuses à pratiquer un sport que les hommes d'un point de vue général (59,8% contre 47,5% selon l'enquête sur les habitudes sportives en Espagne de 2015), elles souffrent d'inégalités contre lesquelles il convient de lutter.
Des difficultés à s'imposer dans le monde du sport
Concernant les postes à responsabilités, les fonctions arbitrales ou encore celles d'entraineurs, les femmes sont moins nombreuses que les hommes, et doivent sans cesse justifier leur place. En effet, même si les possibilités d'être arbitres existent, notamment dans le football, faire carrière et la poursuivre dans le monde arbitral est plus compliqué. Face à ce constat, un projet est actuellement en marche pour former une élite arbitrale féminine afin que le championnat d'Espagne féminin soit presque exclusivement arbitré par des femmes. Actuellement, elles sont peu nombreuses, mais surtout le sont à des divisions peu élevées. Seule Judith Romano est assistante en seconde division et il faut revenir à la troisième division pour voir les six premières femmes espagnoles arbitres. Une des difficultés des femmes est notamment de s'imposer dans les épreuves et tests physiques face aux hommes. On peut toutefois faire écho aux noms de Marta Frías, arbitre internationale dans des compétitions féminines depuis 2011 et à Mara Huerta, qui l'est elle depuis 2016. Autre sujet délicat, le cas des femmes entraineurs d'équipes masculines. Pour le sociologue Gilles Vieille Marchiset, un des problèmes qui peut se poser est la relation d'autorité ou encore le fait que les hommes n'auraient pas confiance dans les connaissances techniques de leur coach. Toutefois, on peut mentionner le cas de Conchita Martinez, capitaine de l'équipe de tennis espagnole de Coupe Davis, et première femme à accéder à ce poste. En France, on peut penser à Audrey Zitter, première femme à prendre la tête de l'équipe masculine de rugby à XIII de Montpellier ou encore à Elena Groposila, coach de l'équipe de handball de Dijon jusqu'en 2014, rares femmes à avoir pris la casquette d'entraineur d'équipes masculines. De même, Stéphanie Frappart est la première arbitre française à arbitrer un match de Ligue 2. Responsable de quinze matchs par saison, elle espère aujourd'hui gravir un échelon supplémentaire et atteindre la Ligue 1.
Une discrimination concernant la couverture médiatique
En janvier dernier, Serena Williams a battu le record de 22 tournois du Grand Chelem gagné par Steffi Graff en remportant son vingt-troisième titre du Grand Chelem, bien loin devant le record masculin (18 détenu par Roger Federer). Toutefois, cette prouesse sportive a été totalement occultée face au choc de la finale masculine du même tournoi, Roger Federer contre Rafael Nadal, un remake des plus belles années de confrontation des deux champions. On s'aperçoit donc que le sport masculin continue d'être plus suivi. Ce constat tient aussi au fait que la couverture médiatique du sport féminin est bien moindre. En effet, alors que 45% des athlètes des Jeux Olympiques de Rio étaient des femmes, les médias ont accordé trois fois plus d'espace et de temps aux informations relatives au sport masculin. De même, même si le sport féminin s'améliore année après année, les sportives espagnoles sont certes médiatisées lorsqu'elles remportent une médaille ou réalisent une performance historique, mais dans les autres cas, elles sont pour la majorité d'entres-elles oubliées. Lucila Pascua, pivot de l'équipe de basket d'Espagne, a ainsi déclaré après l'obtention de leur médaille de bronze aux championnats d'Europe de 2015: "La reconnaissance, quand on gagne une médaille dans un championnat, on l'a toujours, mais ce qui manque au sport féminin, c'est la constance". À ce titre, on peut également mentionner une étude réalisée par la Direction de la Jeunesse et du Sport du gouvernement basque en 2015 qui montre que les médias ne reflètent ni la quantité ni la qualité du sport féminin. En effet, après avoir étudié les articles de presses de journaux sur une période de quatre semaines, le rapport a montré que moins de 5% des articles faisait écho au sport féminin. Enfin, par effet boule de neige, on s'aperçoit que cette faible visibilité des femmes dans les médias a un impact sur les aides et les sponsors auxquels elles peuvent prétendre. L'étude sur l'état des patronages sportifs en Espagne montre ainsi que 14% des Grandes Entreprises et 10% des PME reconnaissent préférer sponsoriser le sport masculin car il dispose d'une place et d'une visibilité supérieure dans les médias.
Les politiques mises en place pour réguler ce problème
Avec ces quelques chiffres, on s'aperçoit que les inégalités sont réelles entre sport féminin et sport masculin. Pour tenter d'y remédier, le gouvernement espagnol, par le biais du ministère de l'Éducation, de la Culture et du Sport met en place des mesures au sein de son programme "Unité de l'égalité des genres". Ainsi, des aides aux différentes fédérations sportives d'Espagne sont organisées pour faire la promotion, faciliter et augmenter la participation des femmes dans le domaine sportif, que ce soit en pratiquant un sport comme en s'impliquant dans une association sportive. De même, un bulletin électronique a été mis en place pour donner une visibilité plus grande aux résultats des équipes féminines. Dans une même optique, le ministère publie régulièrement des dossiers sur le sport féminin comme celui sur "Sport féminin dans les Jeux Olympiques". Enfin, avec son Plan intégral pour l'activité physique et le sport, le Conseil Supérieur du Sport, en collaboration avec les communautés autonomes, développe des mesures différentes pour une plus grande visibilité du sport féminin, via des campagnes publicitaires, des expositions ou encore des recherches scientifiques.
Clémentine COUZI (www.lepetitjournal.com - Espagne) Jeudi 9 mars 2017
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