Un tribunal italien a suspendu lundi l'examen du mandat d'arrêt européen et la demande d'extradition vers l'Espagne du leader catalan Carles Puigdemont, en attendant une décision de la justice européenne sur son immunité, a annoncé l'un de ses avocats.
Carles Puigdemont a comparu lundi devant des juges de la cour d'appel de Sassari, en Sardaigne, saisis du mandat d'arrêt européen émis par l'Espagne en vue de son extradition pour répondre de la tentative de sécession de 2017.
M. Puigdemont avait été arrêté le 23 septembre à son arrivée à l'aéroport sarde d'Alghero, la seule ville italienne de culture et de langue catalanes, pour participer à un festival culturel. Il avait été remis en liberté le lendemain, s'engageant à se présenter pour l'audience de lundi.
Celui qui est accusé par Madrid de sédition et de détournement de fonds est arrivé en fin de matinée, acclamé par plusieurs dizaines de militants indépendantistes catalans, sardes et corses qui scandaient "Liberté ! Liberté !".
Trois autres hauts responsables catalans étaient présents pour le soutenir : les eurodéputés Clara Ponsati et Toni Comin, eux aussi réclamés par Madrid, ainsi que Jordi Sanchez, le dirigeant d'une association indépendantiste au moment de la tentative de sécession de 2017, libéré en juin après avoir près de quatre ans passés en prison.
Les trois juges de la cour d'appel de Sassari ont donc décidé de ne rien décider et d'attendre que les pourvois formés par la défense de M. Puigdemont devant la justice européenne aboutissent.
"Le dossier n'est pas classé mais suspendu", a souligné Agostinangelo Marras, l'avocat italien de l'ex-président catalan, à la sortie de l'audience.
Eurodéputé depuis 2019, M. Puigdemont, 58 ans, exige de retrouver son immunité de député européen pour l'opposer à la demande d'extradition de l'Espagne. Une demande en ce sens a été récemment soumise en référé au Tribunal de l'UE qui avait rejeté une précédente requête en juillet.
Le Parlement européen l'avait privé de son immunité le 9 mars par un vote à une large majorité. Cette mesure avait été confirmée le 30 juillet par le Tribunal de l'Union européenne. Mais la décision du Parlement européen fait l'objet d'un recours et le jugement définitif sur le fond n'a pas encore été rendu.
- Double discours -
Le crime de sédition ne figure pas dans le code pénal italien, ce qui rendrait une éventuelle procédure d'extradition très complexe. Dans les affaires d'extradition, la justice italienne dispose pour se prononcer d'un délai de 60 jours, qui peut toutefois être prolongé plusieurs fois.
L'arrestation en Italie de M. Puigdemont a provoqué des remous, alors qu'une période de détente s'était ouverte entre Madrid et Barcelone, la capitale de la Catalogne, depuis l'élection en mai à la présidence de la région espagnole de Pere Aragonès, du parti séparatiste modéré Gauche républicaine de Catalogne (ERC).
La grâce accordée en juin aux neuf dirigeants séparatistes condamnés à la prison pour leur rôle dans la tentative de sécession de 2017 avait abouti en septembre à la reprise du dialogue avec Madrid.
L'un des plus fervents opposants à ce dialogue est justement Carles Puigdemont, qui était à la tête de la Catalogne au moment de la tentative de sécession de 2017 et s'était enfui en Belgique pour échapper aux poursuites judiciaires.
Malgré l'interdiction de la justice, son gouvernement avait organisé un référendum d'autodétermination le 1er octobre 2017, provoquant l'une des pires crises traversées par l'Espagne depuis la fin de la dictature franquiste en 1975.