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Catalogne : une semaine d'incendies et d'enfumages

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Francis Mateo
Écrit par Francis Mateo
Publié le 20 octobre 2019, mis à jour le 21 octobre 2019

Il est tentant de résumer une semaine de protestations en Catalogne aux seules violences. Mais attention à ne pas occulter une réalité bien plus complexe que des barricades en feu.


En ces jours de dissensions, il est au moins un consensus : tout le monde, d'un côté ou de l'autre du débat indépendantiste, s'accorde sur la nocivité des quelques 400 personnes violentes (selon le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska) qui ont embrasé les rues de Barcelone toute la semaine dernière. Ceux-là mêmes qui ont convergé vers la place Urquinaona vendredi dernier uniquement pour en découdre avec la police sur la Via Laïetana. Des jeunes (voire mineurs) facilement reconnaissables par leurs équipements (cagoules et masques à gaz), et sans la moindre agressivité d'ailleurs envers la masse tranquille des manifestants, dont ils se séparaient comme l'huile et le feu aux abords de la barricade enflammée. Tout le monde s'accorde sur la nécessité de neutraliser ces 400 perturbateurs agressifs et violents. Dont acte.

 

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Photo Francis Mateo

Mais que faire des 525.000 manifestants qui ont défilé ce même vendredi à Barcelone (chiffres de la Guardia Urbana), en provenance pour beaucoup des grandes villes périphériques de Catalogne, au terme d'une marche de trois jours ? Que faire de cette foule pacifique (pas le moindre débordement signalé dans le cadre de la manifestation) réunie à l'appel de syndicats indépendantistes pour protester contre la sentence du Tribunal Suprême ?
Pour toute réponse, on ne peut que constater le désarroi du gouvernement de Pedro Sanchez, qui a d'abord voulu minimiser l'ampleur de ce mouvement populaire par la voix de Fernando Grande-Marlaska, dès vendredi soir. 

 

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Photo Francis Mateo


La tentation du chaos

Mais un demi-million de personnes dans les rues de Barcelone pour une manifestation convoquée trois jours avant, ce n'est pas rien. Au désarroi se mêle l'incompréhension, dont témoigne le message pour le moins alarmiste émis le 16 octobre dernier par le ministère français des Affaires étrangères : "Des heurts avec les forces de sécurité intérieures ont éclaté à Barcelone, Lérida, Gérone et Tarragone[...]. D’autres actions sont possibles dans les jours à venir. Évitez tout rassemblement, respectez les consignes des autorités espagnoles et tenez-vous régulièrement informé de l’évolution de la situation". 

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Photo Francis Mateo

Désarroi et incompréhension conduisent au risque de résumer une semaine de protestations en Catalogne à travers le bilan des violences réellement lamentables (1). Mais il y a pire : c'est la tentation de tirer un profit électoraliste du chaos ; sur ce terrain, le trophée de l'outrance revient au leader du parti Ciudadanos, Albert Rivera, comparant dans un tweet Barcelone à Alep et Bagdad, avec l'image d'une voiture carbonisée à l'appui. Et l'absence de dialogue entre Pedro Sanchez et Quim Torra participe aussi de ce climat délétère. 

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Photo Francis Mateo

La solution viendra peut-être d'une part des partenaires sociaux (grands syndicats des salariés et du patronat), qui viennent de signer un texte unitaire pour en finir avec les violences, et d'autre part des manifestants pacifiques qui ont fait "tampon" samedi soir entre les perturbateurs agressifs et la police. À condition d'arrêter de jouer avec le feu, dans la rue comme au niveau politique.


(1) Le bilan se solde par plusieurs centaines de blessés, dont 283 représentants des forces de l'ordre (selon les Mossos), mais aussi 58 journalistes agressés par la police (selon le collectif Grup Barnils), 54 détentions (dont 21 emprisonnements), 12 voitures et 700 conteneurs à ordures brûlés, et 1,5 M€.

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