Pour le tournage de son prochain film “Da 5 Bloods”, Spike Lee a investi Chiang Mai pendant presque deux mois. L’occasion pour les habitants de la Rose du Nord de croiser le réalisateur ou les acteurs dans les rues ou encore de prendre part activement au long métrage.
Le producteur et réalisateur américain Spike Lee vient de terminer ce 22 mai au Vietnam le tournage de son prochain film “Da 5 Bloods”. Produit par Netflix, “Da 5 Bloods” raconte l’histoire de quatre vétérans afro-américains de la guerre du Vietnam. Des années plus tard, ils retournent dans la jungle pour tenter de débusquer un trésor enfoui et retrouver le corps de leur chef d’équipe. Sur place, ils se rendront compte des ravages causés par la guerre. L'histoire se déroule donc au Vietnam, mais le film a été tourné en grande partie en Thaïlande et plus précisément à Chiang Mai. Du début du mois de mars jusqu’au 7 mai, les habitants de la "Rose du Nord" ont pu croiser certains des acteurs principaux tels que Chadwick Boseman, Delroy Lindo, Jean Reno ainsi que Giancarlo Esposito, Mélanie Thierry, Jasper Pääkkönen, Isiah Whitlock Jr., Clarke Peters et Norm Lewis.
Le tournage a également fait appel aux locaux et expatriés pour des rôles de figurants ou pour doubler les acteurs principaux. Ombeline Benoît du Rey a endossé le rôle de doublure de l’actrice française Mélanie Thierry. Originaire de Marseille et installée à Chiang Mai depuis deux ans où elle exerce le métier de professeur d’anglais dans une école maternelle, Ombeline avait à l’origine prévu de passer ses vacances d’été au Vietnam avant de se retrouver embarquée dans une aventure pour le moins originale. “Être là au bon moment et au bon endroit”, tel est le crédo de cette jeune femme de 31 ans.
Lepetitjournal.com Bangkok: Pouvez-vous nous expliquer comment vous vous êtes retrouvée à travailler sur le film de Spike Lee ?
Ombeline Benoît du Rey : Une agence de Phuket avait mis une annonce sur le groupe Facebook “Chiang Mai Expats” en disant qu’ils cherchaient des figurants et des extras pour le film “Da 5 Bloods” de Spike Lee. J’avais déjà fait de la figuration à Paris, c’était une expérience qui m’avait beaucoup amusée et je me suis dit : pourquoi ne pas le faire aussi à Chiang Mai ? J’ai donc envoyé ma photo, mes mensurations et quelques détails physiques.
Trois semaines plus tard, l’agent me rappelle et me dit qu’il a un rôle à me proposer pour une période de deux mois et il me donne rendez-vous le lendemain. Je ne savais même pas si j’allais à ce rendez-vous pour passer un casting ! Quand j’y suis arrivée, ils ont pris deux photos de moi, une de face et une de profil, et mes mesures pour savoir si j’avais la même taille, la même couleur de peau et de cheveux que Mélanie Thierry. Il faut croire qu’elle n’a pas un gabarit facile à trouver puisque le lendemain j’étais sur le tournage.
En quoi consiste le rôle de “doublure” ou “standing” dans le jargon du milieu du cinéma ?
Le rôle de doublure est assez vague, mais l’idée est de faire gagner du temps aux acteurs. Pour chaque scène, il faut installer les lumières, les accessoires, les caméras… dès lors, tous les réglages se font avec les doublures pour qu’à partir du moment où les acteurs arrivent pour jouer leur scène, tout le monde soit prêt. Parfois pour préparer une scène, il faut compter une heure. Après, ça dépend de l’environnement, du cadre du tournage, j’ai eu l’impression d’avoir été plus utile pour les scènes filmées en intérieur alors qu’à l’extérieur, ils avaient souvent moins besoin de la “deuxième équipe”, c’est comme cela que nous sommes appelés. Les acteurs, eux, font partie de la “première équipe”.
En tant que doublure, nous sommes habillés comme les comédiens et parfois nous pouvons même les remplacer. Je ne me suis pas retrouvée dans cette situation, mais un jour mon collègue “standing” a dû jouer à la place de l’acteur parce que ce dernier était malade. Il a donc été maquillé, coiffé… Là, il a vraiment doublé face à la caméra, mais c’est plutôt dans les situations d’urgence et pour des plans éloignés.
Comment se déroule une journée type ?
Nous commençons à 5 heures du matin avec le petit-déjeuner ensuite vers 5h30, les différentes équipes s’installent : caméras, lumière, son, décors… et nous, l’équipe des standings, nous devons toujours rester à proximité, même quand les acteurs arrivent pour jouer leur scène. En fait, ce sont beaucoup d’heures d’attente et d’observation pour connaître les déplacements. Un jour en discutant avec Jean Reno, il m’a dit que “le cinéma, c’est l’art de trouver une chaise”. C’est plutôt vrai ! Tu ne sais jamais quand ils vont avoir besoin de toi et pour combien de temps, combien de prises il va falloir avant de passer à la scène suivante et les journées peuvent s’étendre jusqu’à 16, 17 ou 18 heures. Du coup, j’ai eu l’occasion de rencontrer plein de gens, d’échanger avec eux sur leur profession dans le cinéma, j’y ai réellement découvert les coulisses de tournage d’un film.
Combien y avait-il de personnes dans la deuxième équipe ?
La règle c’est un acteur principal = une doublure. Parmi mes collègues, certains n’avaient aucune expérience, d’autres avaient déjà fait de la figuration ou du cinéma, le point commun entre nous, c’est que nous habitons tous à Chiang Mai.
Avez-vous eu l’occasion de discuter avec Mélanie Thierry ?
Nous nous croisions sur chaque scène puisqu’elle prenait ma place après avoir fait toutes les mises au point techniques, nous avons souvent échangé quelques mots, elle est très sympathique. J’ai été surprise le jour où elle m’a demandée ce que je faisais en Thaïlande, comment j’étais arrivée ici, elle avait l’air très intéressée que des Français aient fait le choix de vivre en Thaïlande.
Aviez-vous déjà visionné des films de Mélanie Thierry ?
J’avais vu son film “Ombline”, qui est aussi mon prénom. Cela a d'ailleurs été le prétexte pour en discuter ensemble, elle a partagé avec moi des souvenirs de tournage et j’ai pu échanger avec elle sur mon expérience. À la base, je suis éducatrice spécialisée et j’ai travaillé il y a quelques années pendant trois mois dans le milieu carcéral à Manille. J’avais vu ce film pour avoir une vision de ce milieu en France, c’est un film très intense que je n’ai même pas pu visionner jusqu’au bout parce qu’il me renvoyait à mes propres souvenirs à Manille.
Justement de l’avoir vu jouer dans des films et ensuite de se retrouver à être sa doublure sur un film de Spike Lee, quel a été votre sentiment ?
J’étais super impressionnée ! Surtout que, sur le film “Da 5 Bloods”, c’est une grosse équipe de production avec des personnes qui ont un curriculum incroyable. Au total, j’ai travaillé 14 jours, avec le temps, la chaleur, la fatigue, on apprend à se connaître et donc j’étais moins intimidée.
Avez-vous eu l’occasion de rencontrer Spike Lee ?
Il était tous les jours sur le plateau mais je n’ai pas eu l’opportunité de lui parler.
Quelles sont vos autres expériences dans le milieu du cinéma ?
À Paris, j’avais fait de la figuration dans le film de Luc Besson “3 Days to Kill” (2014) avec Kevin Costner, c’était juste magique. J’ai eu aussi un petit rôle dans le premier épisode d’une web-série française “C’est marrant la vie” (2013).
Quels sont vos projets pour la suite ?
Je retourne à l’école, mais je vais essayer de garder un pied dans le milieu du cinéma que ce soit pour de la figuration, du mannequinat et pourquoi pas pour jouer devant la caméra ! Quand tu as vécu une aventure sur un film avec de telles célébrités, tu veux juste réitérer l’expérience !
Propos recueillis par Catherine Vanesse