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"Manque de main d’œuvre qualifiée, un problème récurrent en Thaïlande"

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Écrit par La rédaction de Bangkok
Publié le 3 juillet 2013, mis à jour le 31 décembre 2019

Arnauld de Nadaillac est consultant en ressources humaines, basé depuis 17 ans en Thaïlande. Il analyse les forces et les faiblesses de la main d'oeuvre locale. Il évoque aussi les attentes du patronat en la matière.

Le Petit Journal.com : Comment devient-on spécialiste des ressources humaines en Thaïlande ?

Arnaud de Nadaillac : J'ai travaillé pendant 10 ans sur des projets de coopération entre la France et la Thaïlande, en lien avec l'ambassade de France à Bangkok. J'étais déjà spécialisé dans les ressources humaines. Ensuite, au regard des besoins en la matière aussi bien en Thaïlande que dans le sud-est asiatique, j'ai fondé en 2005 ma société ANC Consulting. En raison, notamment, du dynamisme de la région et du réseau que j'ai réussi à me constituer au fil des ans, j'avais toutes les raisons de rester ici. 

En quoi consiste votre travail ?

Lorsqu'un chef d'entreprise se dit : "mon personnel n'est pas bien formé", "je n'ai pas de réelle évaluation de ses compétences", etc. Je peux lui venir en aide. Je travaille alors avec son service de ressources humaines afin de mettre en place des formations professionnelles, améliorer le système d'évaluation des salariés, etc.

Qui sont vos clients ?

Les deux-tiers sont des grandes entreprises thaïlandaises. J'interviens aussi auprès de plusieurs groupes français basés en Thaïlande : Michelin, Bouygues, Essilor, etc. L'une des richesses de notre métier est que je travaille pour des sociétés aux activités très variées : secteurs pétrolier, bancaire, énergétique? Je monte aussi des projets de formation professionnelle au niveau de ministères dans différents pays d'Asie (Cambodge, Laos, Sri Lanka, etc.)

Quelles caractéristiques communes observez-vous au niveau de la main d'oeuvre thaïlandaise ?

Il existe un problème récurrent : le manque de main d'oeuvre qualifiée au niveau des ouvriers, des techniciens, du management. Avec 1% de taux de chômage dans le royaume, les entreprises ont clairement des soucis pour recruter.

Vous aidez de plus en plus les Thaïlandais à se préparer à l'expatriation?

Cette demande commence à apparaître : former les Thaïlandais qui partent travailler à l'étranger, en Asie, et en Europe. Il y des appréhensions chez les personnes concernées par l'expatriation, notamment lorsqu'elles ont des enfants. D'une façon générale, il y a beaucoup plus d'étrangers qui veulent venir s'installer en Thaïlande que l'inverse.

Comment les salariés thaïlandais se comportent-ils dans le monde du travail ?

Il faut se méfier des stéréotypes. Chacun à son propre caractère. Mais, il est vrai que nous pouvons retrouver des points communs : difficulté à exprimer un "non" franc et clair, manque de prise d'initiative. Une des raisons de ce manque d'expression et d'autonomie est clairement à rechercher dans le système éducatif thaïlandais. Celui-ci ne favorise pas la capacité d'analyse, le développement personnel. Les réformes se succèdent mais sans réelle continuité. Ceci dit, certains groupes réussissent très bien : j'ai une entreprise cliente avec 20.000 salariés, dont pas un seul étranger, qui réussit très bien à l'export. Je remarque que lorsque les directives sont claires, le "process" bien compris de tous, les Thaïlandais sont très efficaces dans leur travail.

Quelles sont les attentes des chefs d'entreprise en matière de ressources humaines ?

Face à la concurrence accrue de certains pays asiatiques, l'ouverture programmée en 2015 du marché économique au sein de l'Asean, l'augmentation des salaires, les patrons expriment le besoin d'optimiser les ressources. Il existe une pression sur l'efficacité et la productivité demandées aux personnels. Les décideurs économiques sont à la recherche de talents, de leaders, susceptibles de porter le développement des entreprises aussi bien en interne qu'en externe. La culture thaïlandaise évolue énormément. Les chocs culturels existent entre les Thaïlandais formés à l'étranger, et ceux restés au pays. Un patron m'a même dit préférer ne pas embaucher de Thaïlandais ayant suivi une formation en dehors du royaume afin de préserver la paix sociale dans son entreprise. L'ouverture économique de 2015 inquiète aussi. Certains patrons ont peur qu'à partir de cette date, leurs meilleurs éléments migrent à Singapour, en Indonésie, ou aux Philippines. Ils craignent en retour d'assister à un afflux de main d'oeuvre sous-qualifiée en Thaïlande. Le futur marché unique de l'Asean est un sujet sensible ici. Même si je pense qu'il faut le relativiser : la communauté économique ne va pas se faire du jour au lendemain.

Propos recueillis par LB jeudi 4 juillet 2013

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