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M. Haudot: “Il y a eu une vraie révolution dans la glace en Thaïlande”

Interview de Matthieu Haudot directeur de La Vanille sur le marche de la glace en ThailandeInterview de Matthieu Haudot directeur de La Vanille sur le marche de la glace en Thailande
courtoisie -
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 15 septembre 2020, mis à jour le 24 septembre 2020

En douze ans, La Vanille a réussi à s’imposer comme sur le marché des glaces haut de gamme en Thaïlande. Et si le Covid-19 a eu un impact sur les ventes, son fondateur en a profité pour lancer une nouvelle gamme disponible à la livraison à domicile et en supermarché. 

Depuis sa fondation en 2008 par Matthieu Haudot, La Vanille est la marque de glace qui fournit de nombreux hôtels 4 et 5 étoiles en Thaïlande.

De 10 employés à ses débuts, la PME franco-thaïlandaise a quintuplé son personnel en 12 ans pour produire aujourd'hui jusqu’à 2,5 tonnes de glace et sorbet par jour sur son usine de 750m2 située à Bangna, dans la banlieue de Bangkok.

Spécialisée jusqu'ici dans le B2B, La Vanille se positionne davantage sur le B2C en proposant des glaces artisanales livrées à domicile ou en supermarchés. Une orientation qui était déjà prévue avant la crise liée aux mesures pour lutter contre le Covid-19, mais que celle-ci a accélérée. 

Soucieux de produire des produits de qualité, Matthieu Haudot met un point d’honneur à maîtriser toute la production en important des gousses de vanille de Tahiti, du beurre de France ou du chocolat de Belgique, mais aussi en réalisant dans son usine le beurre de cacahuète, caramel salé ou brownies qui seront plus tard incorporés dans ses glaces. 

Pour revenir sur les ingrédients de ce succès, Lepetitjournal.com/bangkok a rencontré Matthieu Haudot. 

Peut-on dire qu’il y a une culture de la crème glacée en Thaïlande ?

Non, ce n’est pas comme en France ou en Italie où l’on sort pour aller manger une glace. En Thaïlande, il y a très peu de magasins de glace en comparaison à l’Europe, à part dans les centres commerciaux. Après la première boutique à Emporium que nous avons arrêtée au bout d’un an, nous avons décidé de ne pas continuer dans ce domaine, entre autres parce que les loyers coûtent cher, qu’il est difficile de trouver et de garder son personnel. 

Quand j’ai monté La Vanille, nous faisions de la trop bonne qualité et les Thaïlandais ne goûtaient pas vraiment la différence entre un sorbet à la fraise avec 60% de fruits et un sorbet à base de colorants et d’eau. Je pense que certains préféraient même la glace chimique parce qu’ils y étaient habitués! Il y a 10 ans, des hôtels m’ont refusé de la glace à vanille à cause des graines de vanille, parce qu’ils ne connaissaient pas. Dix ans plus tard, ils diront que ce n’est pas de la glace à la vanille s’il n’y a pas de graines!

Aujourd’hui, ils s’intéressent beaucoup plus à la nourriture, il y a eu une véritable révolution, il suffit de regarder le nombre de restaurants haut de gamme, l’arrivée du guide Michelin, etc. 

Quand j’ai démarré, je vendais trois gousses de vanille de Tahiti par mois, aujourd’hui, j’en vends des kilos. Il y a un vrai marché avec des chefs thaïlandais qui savent utiliser les produits et qui veulent vraiment de la qualité. Il y a aussi une clientèle plus exigeante.

Il y a aussi davantage de concurrence, on voit beaucoup de petites entreprises de glaces qui se sont montées, surtout depuis le Covid. Depuis le mois de mars, il y a eu entre 5 et 10 créations de petits commerces de glaces par mois. Des personnes se sont retrouvées sans emploi et se sont dit qu’ils allaient faire des glaces et ça marche, ils nous prennent un peu de part de marché. Après, cela ne veut pas dire qu’ils resteront longtemps sur le marché, mais il y aura forcément de belles histoires. 

Interview d'un glacier francais en Thailande
Photo publicitaire La Vanille

En 12 années d’existence, quelles sont les grandes évolutions qu’a connues La Vanille ? 

Nous avons démarré en 2008 dans un tout petit local en plein centre de Bangkok avec deux machines et où je faisais un peu tout moi-même. Nous avons commencé doucement en vendant nos produits dans quelques restaurants et hôtels. Depuis, nous avons déménagé trois fois et aujourd’hui, nous avons notre usine de production à Samut Prakan, à côté de l’aéroport de Suvarnabhumi et nous employons une cinquantaine de personnes.

En 2008, nous avions également ouvert un point de vente à Emporium à Bangkok, une aventure qui n’a duré qu’un an, c’était mon associé de l’époque qui voulait avoir une boutique, mais c’est un vrai métier et je n’avais pas vraiment le temps et j’ai préféré alors me consacrer au B2B. La Vanille s’est donc développée avec d’une part la vente de produits importés que nous distribuons tels que des gousses de vanille de Tahiti, la vanille la plus chère du monde, des fourrages pour pâtisseries, du beurre, des ganaches, etc. D’autre part, nos glaces sont servies dans 75% des hôtels 5 étoiles à Bangkok. 

Nous sommes devenus une référence en B2B, car nous avons un très bon service, nous maîtrisons toute la production de A à Z, et puis nous avons un bon rapport qualité-prix. Depuis quelques mois, nous attaquons le B2C. 

Interview d'un glacier francais en Thailande
La Vanille emploie une cinquantaine de personnes sur son laboratoire de 750m2 à Bang Na, dans la périphérie de Bangkok. Photo courtoisie La Vanille

Toucher le client directement, c’était une stratégie planifiée ou est-ce une réponse à la crise liée aux mesures pour lutter contre le Covid-19 ? 

Le Covid-19 a accéléré le développement du B2C. À la fin de l’année 2019, nous avons commencé à développer et réaliser de nouveaux emballages pour être présents dans les supermarchés et pour pouvoir livrer nos glaces à domicile. Nous avions souvent des gens qui nous demandaient où ils pouvaient trouver nos glaces et nous les envoyions chez Dean&Delucca, dans des cafés ou hôtels. C’était un peu compliqué de dire que nous ne pouvions pas livrer. Nous avions donc cela dans les tuyaux, mais on manquait de temps, il fallait que j’engage du personnel et j’attendais un peu.

Avec la fermeture des hôtels, nous avons perdu 90% de notre chiffre d’affaires, ça a été dur! Finalement, tout le monde dans l’équipe s’est mis sur le projet de livrer des glaces à domicile. En trois semaines, nous avons mis en place le site de vente en ligne, assuré la livraison via les applications comme Grab, lancé le marketing, etc. En temps normal, il nous aurait fallu trois ou quatre mois!

Les ventes en ligne ont démarré au mois d’avril, et après 4 mois, le chiffre n’est pas négligeable et je pense que cela va encore monter. En comptant l’hôtellerie, la distribution de produits importés et la livraison de glace, nous sommes quasiment revenus à 60% de notre chiffre d’affaires de l’année dernière. 

En plus de la livraison en ligne, nous sommes présents dans les supermarchés Gourmets et d’autres devraient suivre. Pour le moment, les parts de marchés sur ce secteur sont encore minimes et nous nous retrouvons en concurrence avec des marques bien implantées comme Häagen-Dazs et Ben & Jerry's.

Quelles sont les glaces que vous proposez directement aux particuliers? 

Nous proposons une gamme de 9 parfums en “pinte” de 100ml et 480ml et nous allons sortir chaque mois des parfums temporaires. Pour le mois d’août, il y a une glace “Greek Yoghurt”. Nous avons trouvé un petit fermier à Khao Yai qui fait du yaourt avec une sauce au miel et sel marin, l’autre saveur c’est une glace au chocolat noir que nous importons de France et que nous mélangeons avec du beurre de cacahuète organique que nous faisons nous-mêmes. Tous les mois, nous aurons de nouveaux parfums et ceux qui marchent vraiment deviendront peut-être des classiques dans notre gamme. 

Quand on fait de la glace pour le B2B, ce sont surtout des parfums classiques qui plaisent : vanille, mangue, chocolat, fraise, etc. Les hôtels ne prennent pas beaucoup de risque. Si nous sommes très bons sur ces parfums, parfois nous sommes aussi un peu frustrés de ne pas pouvoir faire des saveurs plus rigolotes, très visuelles pour Instagram, avec des sauces au caramel, des morceaux de brownies, etc. 

Pour le moment, nous livrons directement à Bangkok, Pattaya et Hua Hin, nous avons aussi un distributeur à Phuket. Au niveau de la publicité, nous sommes vraiment axés sur Bangkok parce qu’aujourd’hui, c’est là qu’il y a le plus de clients. 

Interview d'un glacier francais en Thailande
Depuis fin 2019, La Vanille propose ses glaces directement aux particuliers. Photo courtoisie La Vanille

Au niveau des saveurs, quels sont les goûts qui plaisent le plus ? 

Notre glace n’est pas un produit de masse, nous sommes plutôt dans le haut de gamme. Donc, notre clientèle pour les bacs de glace ce sont des clients étrangers et thaïlandais qui ont des moyens, qui voyagent, qui sont beaucoup sur les réseaux sociaux, qui sont curieux, etc. C’est un public qui prend plus de risque. 

Nous avons une gamme de huit parfums réguliers : vanilles, chocolat, caramel salé, matcha, fraise, mangue, passion et coco. Ensuite, nous produisons en quantité limitée et temporaire que nous changeons tous les mois, et ceux qui marcheront bien pourraient devenir permanents. En ce moment, nous travaillons sur une gamme de glace à base de thé, ce genre de goût, par exemple, n’attire que les Asiatiques tout comme notre glace matcha qui est l’un de nos best-sellers, mais qui ne séduit pas les clients européens. 

Est-ce que La Vanille prévoit de s’exporter à l’international ?

Nous ne sommes pas un produit industriel. C’est de la glace, c’est délicat à moins de trouver un producteur local. Depuis le lancement, nous avons failli nous lancer trois fois dans trois pays différents, mais à chaque fois le projet n’est pas allé jusqu’au bout, du moins pour le B2B. 

Aujourd’hui, du fait que nous avons les licences et des certifications comme HACCP (NDLR - Hazard Analysis Critical Control point, certification internationale sur la qualité et les standards au niveau de l’hygiène des produits alimentaires), nous sommes démarchés par des chaînes commerciales à l’étranger, au Japon par exemple, où ils aimeraient voir nos bacs de glace dans les supermarchés. Je pense que c’est plus dans ce secteur-là que nous allons nous diriger. 

Nous avons fait du B2B pendant 10 ans et dans les 10 prochaines années, nous allons vraiment développer le B2C. Nous prévoyons également d’ouvrir de nouveau des échoppes dans certains centres commerciaux et d’avoir des boutiques ‘pop up’ sur certains marchés. 

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