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Les différends commerciaux devraient dominer le sommet ASEAN à Bangkok

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Pierre QUEFFELEC

Les dirigeants de l'Asie du Sud-Est vont passer au crible l'impact de la guerre tarifaire entre les États-Unis et la Chine ce week-end lors du sommet de l’ASEAN à Bangkok, Pékin étant déterminé à aller de l’avant avec un pacte commercial couvrant 40% du commerce mondial – mais excluant des États-Unis.

Les sujets explosifs que sont les conflits territoriaux en mer de Chine méridionale et le traitement des Musulmans Rohingya en Birmanie devraient également figurer à l'ordre du jour de la réunion de deux jours de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) qui aura lieu samedi dans la capitale thaïlandaise.

Mais le commerce dominera sans nul doute, la guerre commerciale qui oppose les deux plus grandes économies mondiales poussant certains grands industriels à fuir la Chine vers l'Asie du Sud-Est et mettant en doute l'avenir du libre-échange.

Le président américain Donald Trump a imposé des droits de douane sur 200 milliards de dollars de marchandises chinoises, allant des baskets aux chaussettes en passant par les machines à laver et le mobilier, poussant Beijing à répondre par des taxes sur 60 milliards de dollars d'importations américaines.

"L’un des plus gros bénéficiaires est l’ASEAN", estime Drew Thompson, chercheur à la Lee Kuan Yew School of Public Policy de Singapour, en référence aux gains que les pays asiatiques offrant de faibles coûts de fabrication peuvent tirer des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis. 

Des entreprises telles que Brooks Running Company et le fabricant de machines à laver Haier ont déjà commencé à délocaliser depuis la Chine, à la recherche de marchés plus conviviaux et moins chers au Vietnam, en Thaïlande ou encore en Indonésie.

Alors que la dispute bat son plein, Pékin intensifie sa volonté de signer un pacte commercial massif destiné à ratisser large en Asie du Sud-Est.

Le Partenariat économique global régional (RCEP) comprend les 10 économies de l'ASEAN, ainsi que l'Inde, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Il concerne près de la moitié de la population mondiale et est perçu comme un moyen pour la Chine d’esquisser l'architecture du commerce entre l'Asie et le Pacifique, à la suite du retrait américain de la région. Peu de temps après son élection, Trump avait retiré les États-Unis du Partenariat transpacifique (TPP) - qui aurait été l'accord commercial le plus important au monde - le qualifiant de "tueur de l’emploi" américain.

"Mauvaise nouvelle pour tout le monde"

Les partisans espéraient signer l’accord RCEP d’ici la fin de l’année. Mais les négociations se sont compliquées avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui pressent pour une protection "de haute qualité" de l'environnement et des travailleurs.

L’Inde cherche de son côté à obtenir des garanties que l’accord n’ouvrira pas son marché aux produits exempts de droits de douane de son principal rival économique, la Chine, via l’Asie du Sud-Est.

En cherchant à délimiter son propre périmètre, New Delhi est "l’opposant évident" à cet accord de libre-échange, ajoute Drew Thompson.

Les espoirs de progrès concrets à Bangkok se sont évaporés, même si les négociateurs du RCEP doivent se réunir samedi.

En l'absence d'un accord, les observateurs craignent que les gains à court terme pour l'ASEAN de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine ne soient bientôt consumés par la baisse globale des taux de croissance.

"Si la Chine et les Etats-Unis continuent et que l'économie mondiale souffre... alors c'est une mauvaise nouvelle pour tout le monde", a déclaré à l'AFP Fred Burke, associé directeur du cabinet d'avocats Baker McKenzie au Vietnam, spécialisé dans l'investissement.

Conflits maritimes et retour des Rohingya

Comme d'habitude, les conflits sur des revendications territoriales en mer de Chine du Sud devraient probablement émerger à Bangkok après une collision entre un navire philippin et un navire chinois sur cette axe maritime riche en ressources.

Certains responsables à Manille ont d'abord reproché aux marins chinois d'avoir délibérément percuté le bateau et d'avoir laissé des pêcheurs philippins bloqués en mer.

Mais le président philippin, Rodrigo Duterte, a minimisé l’incident cette semaine, affirmant qu’il s’agissait "juste d’une collision".

L’incident souligne la nécessité urgente d’un code de conduite renforcé pour les disputes entre pêcheurs en mer, estime Richard Heydarian, analyste en matière de sécurité à Manille. "Si les Chinois ne maitrisent pas ces pêcheurs ... cela ne fera qu'empirer", a-t-il déclaré.

La Birmanie pourrait également faire l’objet de pressions concernant le processus bloqué de rapatriement de musulmans Rohingya, entassés dans des camps au Bangladesh, après que plus de 740.000 membres de cette minorité persécutée ont fui la répression violente par l'armée en 2017 dans l'État Rakhine.

La dirigeante de facto du pays, Aung San Suu Kyi, est attendue à Bangkok, de même que le Premier ministre malaisien, Mahathir Mohamad, qui avait transgressé le sacro-saint principe de non-ingérence dans les affaires internes des membres en critiquant un autre dirigeant de l'ASEAN.

Un rapport optimiste de l'ASEAN divulgué à l'AFP ce mois-ci a été critiqué pour avoir prédit qu'un demi-million de Rohingya reviendraient prochainement, évitant d'utiliser pas le mot "Rohingya" et passant sous silence la violence ayant cours dans l’Etat Rakhine appelé aussi Arakan.

"L’ASEAN doit cesser de fermer les yeux sur les atrocités commises par la Birmanie contre les Rohingya", a déclaré Eva Sundari, parlementaire indonésienne et membre du conseil d’administration de l’Association des droits de l’homme de l’ASEAN.

Les militants exhortent également les dirigeants de l'ASEAN à s'attaquer au problème croissant des déchets plastiques et électroniques - une grande partie de ceux-ci sont importés des pays occidentaux et s'accumulent en Asie du Sud-Est.

Greenpeace a déclaré cette semaine que la région était devenue "la nouvelle décharge du monde".
 

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