Le roi de Thaïlande a renouvelé samedi devant ses fidèles son appel à l’unité lors de l’inauguration d'une ligne de métro, quelques minutes après que des centaines de manifestants ont tourné le dos à son cortège.
Environ 2.500 manifestants étaient rassemblés samedi au Monument de la démocratie, dans le quartier historique de la capitale thaïlandaise, pour réitérer les demandes du mouvement anti-gouvernemental qui appelle depuis plusieurs mois à la destitution du Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha, à des modifications de la Constitution ainsi qu’à des réformes de la monarchie.
En début de soirée, les manifestants ont enveloppé le monument, principal point de ralliement du mouvement, d’un vaste drap sur lequel les uns et les autres avaient durant l’après-midi inscrit leurs griefs. "Que la dictature soit détruite, la démocratie prospérera", clamaient des militants en escaladant la structure haute de plusieurs mètres.
Au moment où le cortège transportant le roi et la reine Suthida est passé au Monument de la démocratie pour aller inaugurer la "ligne bleue" du métro de Bangkok depuis la station de Sanam Chai, toute proche, les manifestants ont tourné le dos et fait le salut révolutionnaire à trois doigts des "Hunger Games" tout en chantant l'hymne national.
A son arrivée à la station de Sanam Chai, située près du Grand Palais et du Wat Pho, le couple royal a été accueilli par une foule de quelques milliers de fidèles vêtus de jaune, sa couleur, agitant des drapeaux nationaux et scandant "vive le roi".
"Il m'a dit de montrer aux enfants à quel point l'unité du pays est importante", a déclaré Donnapha Kladbupha, 48 ans, une enseignante qui a eu le privilège de pouvoir faire un selfie avec le roi.
Le Palais Royal ne s’est jamais exprimé sur les manifestations depuis qu’elles ont débutées en février, mais le roi a déclaré il y a deux semaines qu’il aimait malgré tout ceux qui le critiquent soulignant que la Thaïlande était une terre de compromis.
"Réfléchissez bien, faites le bien, ayez espoir, tenez bon. Soyez unis en tant que Thaïlandais", a écrit le roi au dos d'une photo de lui-même et de la reine qu’un partisan venait de brandir.
Parties de revendications à l’encontre du gouvernement, les manifestations anti-establishment redémarrées en juillet après avoir été interrompues par la crise du Covid-19, ont pris un tour tout à fait inédit en août, ajoutant des demandes visant à réduire les pouvoirs de la monarchie.
Les militants pro-démocratie reprochent à cette dernière d’avoir permis la domination militaire depuis plusieurs décennies, de s’être arroger récemment une autorité jugée excessive, de dépenser beaucoup et d'autoriser la répression de ceux qui la critiquent – même si la loi de lèse-majesté n’a pas été invoquée ces derniers mois à la demande du roi lui-même, d'autres formes d'accusations sont utilisées contre les détracteurs.
"Sans le peuple, le gouvernement et la monarchie n'auront aucun pouvoir", souligne Panusaya Sithijirawattanakul, l'une des figures de la contestation.
"Sont-ils prêts à mettre un peu d’eau dans leur vin ou à trouver un consensus sur lequel nous pouvons nous entendre?"
En osant inclure la monarchie dans leurs revendications, les manifestants ont brisé un vieux tabou ouvrant pour des milliers de Thaïlandais la voie à l'expression d'opinions qui leur étaient jusqu’ici inimaginable de formuler publiquement. Un changement radical dans ce pays de 70 millions d'habitants dont il est encore difficile d'évaluer l'ampleur. Si les manifestations anti-establishment dans les rues et sur les réseaux sociaux sont sans aucun doute plus importantes que celles en soutien au roi, un sondage récent révèle que 60% des personnes interrogées disent estimer que les manifestants ne devraient pas attaquer la monarchie - sans toutefois expliquer pourquoi.