Le nord de la Thaïlande et notamment Chiang Mai, deuxième ville du royaume, subissent un épisode de pollution inégalé depuis plusieurs semaines, causé par l'agriculture sur brûlis mais aussi par l'explosion du trafic routier et les centrales à charbon.
Avec un indice de qualité de l'air de 364, considéré comme "très risqué", Chiang Mai, destination très prisée des touristes, était une fois encore mardi l'agglomération la plus polluée du monde, devant New Delhi, d'après le site Air Visual.
Et les niveaux de particules fines PM 2,5, les plus nocives car elles pénètrent en profondeur dans les poumons, flirtent depuis trois semaines autour de 250-350 microgrammes par endroits dans la région. Un taux plus de 10 fois supérieur aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
"Ces seuils n'ont jamais été égalés dans le nord du pays. A part peut-être en 2007, mais il n'existait pas à l'époque de capteurs indépendants", a déclaré à l'AFP Olivier Evrard, spécialiste de la Thaïlande à l'Institut de recherche pour le développement (IRD).
Neuf provinces septentrionales sont concernées.
Dans les rues de Chiang Mai, surnommée "La rose du nord", de nombreux habitants, marchands ambulants et moines portaient des masques. Les autorités ont conseillé à la population d'éviter au maximum les activités extérieures.
Elles expliquent cette pollution par les feux de forêts des agriculteurs qui brûlent des parcelles dans les zones montagneuses afin de pouvoir les cultiver par la suite. Un phénomène qui se pratique à grande échelle tant en Thaïlande qu'en Birmanie ou au Laos.
Comme chaque année depuis 2014, ces feux sont interdits de mi-février à fin avril pour tenter d'endiguer la pollution, mais la pratique se poursuit.
"Personne ne doit allumer de feux en forêt", a insisté le chef de la junte au pouvoir, Prayut Chan-O-Cha, en visite mardi dans la région pour constater les dégâts.
Bien parti pour conserver le pouvoir à l'issue des législatives de mars, il a exigé que le problème soit résolu "sous sept jours", sans donner de précision quant aux mesures envisagées.
"Des centaines de personnes ont été arrêtées, mais les incendies continuent", a-t-il déploré.
Outre la culture sur brûlis, les experts pointent aussi du doigt l'agriculture intensive plébiscitée par les autorités et qui produit toujours plus de déchets agricoles. Ces derniers sont brûlés, produisant des émanations supplémentaires.
Pour Olivier Evrard, "il est injuste de cibler uniquement les agriculteurs". "Le nombre de voitures a explosé à Chiang Mai, le gouvernement ayant incité la population à acheter davantage de véhicules et les centrales à charbon tournent toujours à plein régime", a-t-il relevé, dénonçant les politiques menées par les partis de tout bord depuis plusieurs années.
Le fait que Chiang Mai soit recouverte par un nuage de pollution n'est pas nouveau, soulignent les experts, mais ce dernier est de plus en plus toxique et s'installe de plus en plus longtemps.
Avec comme conséquence "une augmentation des maladies respiratoires et cardiovasculaires", a souligné Chaicharn Pothirat, spécialiste des poumons à la faculté de médecine de Chiang Mai.
Fin janvier, Bangkok avait connu un sévère épisode de pollution et les autorités avaient ordonné la fermeture des écoles pendant trois jours.