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LAOS – Un pays pauvre qui croule sous les investissements étrangers

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Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec AFP
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 24 juillet 2018

Avec trois pays voisins qui s'intéressent de plus en plus à ses ressources, le Laos a vu le nombre d'investissements étrangers exploser au cours de la décennie. Mais de nombreux experts s'inquiètent de l'incapacité du parti communiste au pouvoir a gérer cet afflux massif d'argent et à répartir équitablement les richesses à la population du pays

La langue est le chinois, le change est donné en yuan et l'horloge est réglée à l'heure de Pékin, mais le casino de Boten est au Laos, et non en Chine. Ce pays pauvre est envahi par les investissements de ces puissants voisins et se bat pour imposer une stratégie de développement.

Des voisins intéressés

Le casino et les hôtels aux couleurs criardes se sont développés à Boten au cours des cinq dernières années avec, en toile de fond, les montagnes qui bordent la frontière chinoise. Les Laotiens ne sont pas les bienvenus dans cette nouvelle ville contrôlée par les Chinois, qui n'est pas le seul exemple de la présence de la Chine dans ce pays de six millions d'habitants. Les projets chinois sont de grande envergure - mines, barrages, un projet de train à grande vitesse, des concessions agricoles ? et suscitent des inquiétudes au sein de la petite nation. "La présence chinoise est sur toutes les lèvres. C'est un sujet dont les Laotiens commencent à parler plus ouvertement et de manière plus critique", déclare un expert étranger basé au Laos.

La Chine, ainsi que le Vietnam et la Thaïlande, "utilisent le Laos comme une extension de leur territoire", explique Dominique Van der Borght, de l'ONG Oxfam Belgium à Vientiane. Longtemps dépendant de l'aide étrangère, le Laos est maintenant l'objet d'investissements étrangers massifs. Selon les chiffres officiels, l'afflux est passé de 51 millions de dollars en 2001 à 13,6 milliards l'année dernière, les trois pays voisins étant en tête avec 8 milliards de dollars. Ces chiffres ne peuvent qu'augmenter avec l'annonce de nouveaux projets comme le premier chemin de fer longue distance de Boten à Vientiane. La construction de cette ligne à 7 milliards de dollars, financée en grande partie par des entreprises chinoises, n'a pas encore commencé mais devrait normalement être finie en 2015.

Un gouvernement apte ?

A première vue, le Laos, l'un des pays les plus pauvres du monde, devrait accueillir ces investissements à bras ouverts. Mais Rio Pals, coordinatrice de INGO Network qui regroupe plus de 70 organisations humanitaires au Laos, se dit préoccupée par la capacité du gouvernement a gérer cet afflux massif d'argent. "Ils n'ont pas actuellement la capacité de vérifier si ce sont des investissements de qualité", déclare-t-elle. La croissance officielle du Laos entre 2006 et 2010 est de 7,9%, une expansion en grande partie fondée sur l'exploitation des ressources naturelles du pays, qui n'a pas de production industrielle. "Les forêts, les terres agricoles, l'eau et son potentiel hydroélectrique, et les ressources minérales représentent plus de la moitié de la richesse totale du pays", affirme un rapport de la Banque Mondiale. Il faut prendre soin de "ne pas scier la branche sur laquelle est assis le Laos", explique l'experte.

Le Laos est une société rurale et certains spécialistes craignent que la population, qui dépend des forêts et de l'eau pour se nourrir, ne paie le prix de la croissance du pays. Rio Pals déclare que l'objectif du pays de sortir du statut de "nation la moins développée" en 2020, pourrait être compromis à moins qu'il n'existe un système pour s'assurer que les investissements de bonne qualité profitent à la population toute entière.

Savoir exploiter ses richesses

Cependant, certains experts pensent que l'objectif de 2020 est réalisable. Lors de son congrès quinquennal en mars, le parti communiste au pouvoir a confirmé son objectif de se sortir du classement des 48 pays les plus pauvres. "Le pari n'est pas impossible à gagner" compte tenu des récents taux de croissance économique, a déclaré Vatthana Pholsena, de l'Institut de recherche sur l'Asie du Sud-Est contemporaine (IRASEC) à Singapour. "Mais le problème n'est pas seulement l'accumulation des richesses. Il faut que ce soit correctement distribué".

La Banque Mondiale encourage le Laos à compter sur ses ressources naturelles, mais avec prudence. "Avec des mesure macroéconomiques et de gouvernance appropriées, les ressources naturelles du Laos peuvent contribuer à une croissance rapide et durable, et au recul de la pauvreté", a affirmé la banque dans son dernier rapport sur le pays. Les autorités doivent trouver un moyen de contrôler les investissements sans leur fermer la porte. Elles doivent aussi accepter qu'une croissance rapide entraînera des changements inévitables de la société.

Alors que certains travailleurs humanitaires étrangers idéalisent la vie dans un village de montagne traditionnel du nord du Laos, les populations rurales veulent voir venir le changement, déclare Adrian Schuhbeck, de l'agence allemande de développement. "La préservation des traditions doit être encouragée, mais pas au prix d'un accès raisonnable aux biens de consommation modernes pour les communautés des froides régions montagneuses", dit-il. "Les couvertures en polyester venues de Chine peuvent vraiment améliorer leur vie, même si elles ne font pas partie de leur mode de vie traditionnel".

lepetitjournal.com bangkok
Publié le 24 mai 2011, mis à jour le 24 juillet 2018

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