La justice pénale thaïlandaise a ordonné à un politicien de l’opposition de supprimer des allégations postées sur les réseaux sociaux critiquant la stratégie vaccinale de l'État pour son manque de transparence et questionnant le fait qu’elle s’appuie principalement sur une entreprise appartenant au roi, a déclaré dimanche le gouvernement.
Le 19 janvier, Thanathorn Juangroongruangkit, député déchu de l’opposition, avait mis en doute le bien-fondé de la stratégie vaccinale du gouvernement thaïlandais, lors d’une communication de 30 minutes via Facebook Live, estimant que celle-ci s’appuyait trop sur Siam Bioscience, une entreprise qui se trouve appartenir au roi Maha Vajiralongkorn.
Suite à ces allégations, le ministère du numérique avait déposé une plainte comportant pas moins de 11 chefs d’accusation susceptibles de tomber sous le coup de l’article 112 du code pénal.
L’article 112 punit tout acte de diffamation ou d’insulte envers le roi et sa famille de peines de prison pouvant aller de 3 à 15 ans de prison.
Cependant, le Mouvement Progressiste de Thanathorn Juangroongruangkit considère que les vidéos ne sont pas illégales et a exhorté YouTube et Facebook à préserver la liberté d'expression.
Les deux réseaux sociaux sont connus pour leur promptitude à supprimer certains contenus suscitant des controverses sur le sujet du coronavirus.
Néanmoins, les vidéos étaient encore être visibles dimanche soir.
Le ministère thaïlandais du numérique a déclaré que la cour pénale avait estimé que les publications de Thanathorn sur les réseaux sociaux et le site Web de son mouvement pouvaient porter atteinte à la sécurité nationale.
Dans les vidéos, le gouvernement du Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha est accusé de manquer de transparence et de faire sans raison valable de Siam Bioscience, qui appartient à la couronne thaïlandaise, le principal fournisseur du vaccin en dépit de son manque d'expérience dans la production de vaccin.
Thanathorn, jeune milliardaire charismatique, a fait une entrée en politique remarquée en 2018 en s’attaquant à la junte de Prayuth Chan-O-Cha et à l’establishment traditionnaliste qui soutient la mainmise des militaires sur la politique. Il fait depuis lors l’objet de multiples poursuites et a d’ailleurs été interdit de politique pendant 10 ans par la Cour constitutionnelle, laquelle a aussi dissous l'année dernière son parti Anakot Mai (Nouvel Avenir) également connu sous le nom de Future Forward.
Cette dissolution a provoqué des manifestations de jeunes qui ont dans un premier temps demandé la démission de Prayuth Chan-O-Cha, affirmant qu’il a truqué les élections de 2019 pour conserver le pouvoir - une accusation que nie l’intéressé –, avant d’aller jusqu’à demander des reformes de la monarchie, brisant le vieux tabou autour de la critique de la royauté.
Retard sur les voisins
Siam Bioscience a reçu une subvention de 600 millions de bahts (16,55 millions d’euros) pour développer ses capacités de fabrication pour produire localement le vaccins AstraZeneca en vue d’approvisionner le royaume et d’autres pays de l'Asie du Sud-Est.
Contactée par Reuters, la cour pénale n'a pas souhaité réagir.
Le mouvement de Thanathorn a déclaré qu'il n'avait pas reçu la décision de justice. "Nous continuons de souligner que le contenu n'est pas faux ou ne constitue pas une menace pour la sécurité nationale", a tweeté Pannika Wanich, l’une des figures de proue du Mouvement Progressiste. "Nous espérons que YouTube et Facebook défendront les droits et la liberté d'expression."
Le gouvernement assure que la fabrication du vaccin par Siam Bioscience est en bonne voie pour livrer un premier lot de doses en juin.
Les tests sur les premiers lots devraient être achevés d'ici la fin du mois de mai, a déclaré à Reuters le chef de l'Institut national des vaccins, Nakorn Premsri. "Le lot industriel sortira d'ici juin", a-t-il déclaré.
Siam Bioscience a fait l'objet d'un audit virtuel de cinq jours en décembre et tous les lots qu'elle produit subiront également des tests de qualité, a déclaré AstraZeneca dans un communiqué.
Nakorn Premsri a expliqué que la Thaïlande avait choisi de produire localement parce qu'elle souhaitait protéger son propre approvisionnement en vaccins alors que de nombreux pays sont à la course pour réserver des doses aux laboratoires. La Thaïlande a signé l'accord AstraZeneca en octobre, ce qui la place plusieurs mois derrière des pays comme le Royaume-Uni, les États-Unis et l'Inde.
Opportunité ignorée
La Thaïlande a commandé 61 millions de doses de fabrication locale à AstraZeneca - suffisamment pour vacciner 30,5 millions de personnes, soit un peu plus de la moitié de la population adulte.
Mais en attendant, la Thaïlande va dépendre des vaccins importés. Et le gouvernement, déjà critiqué pour sa lenteur à obtenir le vaccin par rapport à d’autres pays de la région, vient d’annoncer de nouveaux retards dans le lancement de la première phase de campagne vaccinale. Le ministre de la Santé Anutin Charnvirakul a fait savoir vendredi que le début de la campagne de vaccination ne commencerait pas le 14 février comme annoncé plus tôt dans la semaine. Cela en raison d’un désaccord entre le laboratoire AstraZeneca et l’Union Européenne.
Or, le média en ligne Thai Enquirer fait remarquer que la Thaïlande n’a curieusement pas saisi la main tendue par l’Inde aux pays de la région pour fournir des doses du vaccin AstraZeneca dont New Delhi a déjà lancé la production sur son territoire.
La Birmanie a notamment déjà commencé son programme de vaccination mercredi en utilisant des vaccins en provenance d'Inde, rapporte le Bangkok Post.