Le décès en avril d'une Belge de 30 ans retrouvée pendue sur l'île de Koh Tao a relancé la polémique autour de la réputation mafieuse de ce site touristique majeur en Thaïlande. La police qui avait initialement conclu à un suicide a dû rouvrir l'enquête fin juin sous la pression des parents qui refusent l'idée que leur fille ait pu attenter à sa vie. Cette nouvelle controverse s'ajoute à une liste concernant déjà 7 autres décès ou disparition de touristes étrangers qui ont valu à Koh Tao le surnom d'"ile de la mort"
Depuis le début du mois de juillet, les presses belge, britannique et thaïlandaise - pour ne citer qu'elles - font leurs choux gras de l'affaire Elise Dallemagne, une backpackeuse belge de 30 ans, retrouvée pendue dans une forêt sur l'île de Koh Tao.
Son corps avait été découvert le 27 avril du côté de la baie de Tanote, sur la partie ouest de l'ile. Selon les enquêteurs, elle serait probablement décédée le 23 ou le 24. La police avait conclu à un suicide. D'après la version officielle, la jeune femme était arrivée sur l'île le 19 avril alors qu'elle était manifestement en chemin pour quitter la région après avoir vécue plusieurs mois sur l'ile voisine de Koh Phangan au sein d'une secte dirigée par un gourou allemand, Raaman Andreas.
Les parents d'Elise Dallemagne refusent de croire que leur fille s'est donné la mort. Ils disent lui avoir parlé pour la dernière fois via Skype le 17 avril et affirment qu'elle n'avait pas du tout l'air déprimée et qu'elle prévoyait de rentrer à Bruxelles.
La famille soupçonne que le gourou est impliqué dans la mort d'Elise. Par ailleurs, un certain nombre de faits ou témoignages troublants voire contradictoires pourraient remettre en question la version de la police qui reste prudente dans ses déclarations.
Une nouvelle enquête a donc été ouverte le 30 juin mais jusqu'ici, la police estime qu'aucun élément ne contredit les conclusions initiales ou ne soutient une quelconque piste de meurtre.
Fait troublant mais peut-être sans lien, le gourou soupçonné par les parents aurait quitté la Thaïlande dans la période où le corps d'Elise a été retrouvé. Néanmoins, le domicile de Raaman Andreas a été fouillé sans qu'aucune preuve ne soit trouvée, selon la police qui doute de l'implication de la secte dans la mort de la jeune femme, rapporte The Nation.
A ce jour, la cause de la mort reste officiellement la suffocation, ce qui concorde avec la pendaison - la famille Dallemagne attend néanmoins que les autorités thaïlandaises lui transmettent les résultats de l'autopsie depuis le mois de mai.
Réputation mafieuse
Cette nouvelle affaire embarasse les autorités locales car elle fait ressurgir la réputation mafieuse de Koh Tao, présentée comme paradis terrestre pour les touristes par les autorités thaïlandaises et comme un coupe-gorge pour jeunes routards par certains médias et sur les réseaux sociaux qui présentent le décès d'Elise comme le septième cas douteux en trois ans sur la liste des backpackers étrangers ayant perdu la vie sur l'île.
La série controverses autour de la disparition de jeunes touristes étrangers sur Koh Tao commence en janvier 2014 avec le Britannique Nick Pearson, 25 ans, retrouvé dans la mer, la police estime qu'il s'est noyé en tombant, saoul, d'une falaise; quelques mois plus tard, en septembre 2014 le meurtre de deux Britanniques, David Miller et Hannah Witheridge (qui a été aussi violée) a suscité la plus grosse polémique avec la condamnation à mort un an plus tard de deux jeunes travailleurs migrants birmans ; en janvier 2015, un Français de 29 ans, Dimitri Povse, est retrouvé pendu dans sa chambre avec les mains attachées dans le dos, mais la police conclut au suicide estimant possible qu'il s'attache lui-même les mains ; quelques jours plus tard Christina Annesley, 23 ans, du Royaume Uni, est retrouvée morte, elle aussi dans sa chambre, sans trace de violence mais de drogue; en janvier 2016, Luke Miller, 26 ans, lui aussi Britannique, est retrouvé mort dans la piscine d'un bar avec plusieurs contusions ; en février 2017, Valentina Novozhenova touriste russe de 23 ans disparait mystérieusement sans laisser de trace.
La plupart de ces affaires ont été entachées par des accusations d'incompétences, de manque de transparence ou de soupçons de négligences de la part de la police et parfois la justice locale.
Et alors que l'île (comme le royaume) compte beaucoup sur le tourisme, chaque nouvelle affaire épaissit encore davantage le sordide palmarès de l'ile, faisant les gros titres des journaux locaux et internationaux.
Pour apaiser la vague le scepticisme vis-à-vis des autorités locales, la police est revenue vendredi dernier dans un entretien avec le Bangkok Post, sur les affaires citées par la presse, réaffirmant que les victimes avaient soit provoqué elles-mêmes leur décès soit leur mort avait été accidentelle.
Mais le même Bangkok Post a fustigé les autorités dans un éditorial pour avoir déposé une plainte contre le journal local Samui Times pour avoir endommagé la réputation de Koh Tao en relançant la médiatisation de l'affaire Dallemagne fin juin et en attribuant à l'ile le qualificatif d'"île de la mort" ("death island" en anglais). Le journal en langue anglaise invite la police à faire le clair sur les éléments d'information troublants ou imprécis, plutôt que d'intimider le Samui Times.
L'appellation de Death Island est apparue sur les réseaux sociaux avant l'affaire Dallemagne pour évoquer les précédents décès ou encore la disparition de la jeune russe Valentina Novozhenova.
Samui Times évoque largement une corruption organisée par la mafia locale, ce que semble confirmer un récent témoignage recueilli par The Independant.
M.G. vendredi 14 juillet 2017