Un jeune policier de la région parisienne venu passer des vacances de rêve en Thaïlande en avril a vu sa vie basculer lorsqu’une jeune britannique, conquête d’un soir, l’a faussement accusé de viol
Un peu sonné, Yohann Tounga a pu reprendre ce matin l’avion pour la France après des vacances qu’il n’est pas prêt d’oublier. Le jeune policier en poste dans le 93, venu avec un groupe de collègues profiter d’un séjour dans les îles thaïlandaises début avril, vient juste de récupérer son passeport, confisqué par la police thaïlandaise. Motif : une accusation de viol, portée par une jeune Britannique de 18 ans, Bethlyn K.
Rencontre d’un soir
Le soir du 4 avril, il dîne sur l’île de Koh Tao en compagnie d’une vingtaine de collègues, puis le groupe décide de poursuivre la soirée dans un bar. Là, il fait la connaissance de Bethlyn, jeune anglaise accompagnée d’une amie de même nationalité et d’un jeune homme Turc. “On a commencé à flirter, se rappelle-t-il, on s’est embrassé en public.” Alors qu’ils se sont un peu éloignés pour avoir plus d’intimité, ils se rendent compte à leur retour que leurs amis respectifs ont quitté les lieux.
Yohann propose donc à Bethlyn de l’accompagner jusqu’à sa chambre d’hôtel, au Wind Beach Resort en bord de plage. Les caméras de surveillance les montrent marcher main dans la main jusqu’à l’hôtel, puis ressortir pour acheter "une bouteille d’eau" et revenir jusqu’à la chambre. "Ces caméras de surveillance et les témoignages au bar ont été essentiels pour déterminer l’innocence du prévenu", explique le Lieutenant-Colonel Napha Senathit en charge du dossier.
La jeune femme passe la nuit sur place, puis le lendemain matin, ils ont, selon Yohann, “un autre rapport sexuel”, puis il la raccompagne jusqu’à un taxi, où elle l’embrasse -comme documenté par la vidéosurveillance- et part rejoindre ses amis. Yohann fait ses valises pour Phuket, où il sera arrêté quelques jours plus tard, à une descente de bus, puis ramené à Koh Samui, unité administrative dont dépend l’enquête. Bethlyn l’accuse de l’avoir droguée puis violée.
Etiqueté comme violeur, à visage découvert
Très vite, son innocence est établie par les enquêteurs. “C’était un cas assez clair, on s’est rendu compte très rapidement que les accusations ne tenaient pas”, relate l’inspecteur Napha. Mais le mal est fait : sa photo, son nom sont publiés partout dans la presse thaïlandaise avec la mention “violeur”. Sa hiérarchie lui demande de ne pas communiquer le nom de la ville du commissariat où il exerce "afin de ne pas attirer d’image négative". La presse tabloïde anglaise est particulièrement virulente, expliquant que la jeune femme a été violée "par un homme Noir". Les sites d’extrême-droite française se déchaînent : “Singe”, “Etron”, “Qu’il crève en Thailande”, “Toujours les mêmes”, peut-on lire sur les sites Réseau Libre et sur Facebook.
12.000 euros de frais
Malgré une innocence rapidement établie, la procédure prend du temps : Yohann est immobilisé près de deux mois à Samui, son passeport confisqué. "Une fois que la procédure policière est enclenchée, on doit faire remonter l’affaire à Bangkok, l’obtention de documents, les tests toxicologiques prennent du temps", se justifie l’inspecteur Napha. Entre une caution de libération à plus de 5.000 euros, 4.000 euros de frais administratifs et d’avocat, le séjour prolongé et le rachat d’un billet d’avion... en tout, Yohann estime le coût de l’expérience à "près de 12.000 euros".
D’autres facteurs ont joué : une pression indirecte de l’ambassade de Grande-Bretagne, échaudée par le meurtre retentissant de deux de ses ressortissants sur l’île en 2014, "même s’ils ne nous ont pas contactés directement", précise le policier, et un climat global d’attention particulière portée à la parole des victimes de violences sexuelles dans un contexte post-#Metoo. Bethlyn K. n’a pas souhaité se justifier. Selon des sources locales, il semble que la jeune fille entretenait une relation amoureuse avec un de ses compagnons de voyage et qu’elle aurait préféré évoquer le viol que d’assumer une infidélité. Elle a gardé Yohann dans ses contacts sur les réseaux sociaux, d’où il peut suivre toutes ses joyeuses pérégrinations en Asie du Sud Est.