Environ 3.000 villageois de l'État Karen du sud-est de la Birmanie ont fui dimanche vers la Thaïlande après que l'armée a lancé des raids aériens sur une zone contrôlée par un groupe ethnique armé, ont indiqué une ONG et des médias locaux.
L’armée birmane a mené des frappes aériennes près de la frontière, sur cinq zones du district de Mutraw parmi lesquelles un camp de déplacés, a fait savoir l’Organisation des femmes Karen dans un communiqué.
"Pour le moment, des villageois se cachent dans la jungle et plus de 3.000 sont déjà passés en Thaïlande pour se réfugier", précise l’ONG.
Un chiffre que semble confirmer la chaine thaïlandaise Thai PBS qui annonçait dimanche soir qu’environ 3.000 personnes étaient arrivées en Thaïlande.
Au moins deux soldats de l'Union Nationale Karen (KNU) ont été tués, a déclaré David Eubank, fondateur des Free Burma Rangers, une ONG d’assistance médicale d'urgence.
"Nous n'avons pas vu de frappes aériennes là-bas depuis plus de 20 ans", a souligné l’ancien pasteur américain qui a créé l’ONG en 1997, alors que les offensives de l’armée birmane détruisaient de nombreux villages. "En plus, celles-ci ont été menées de nuit, ce qui a contribué à augmenter la capacité de l'armée birmane avec l'aide de la Russie, de la Chine et d'autres nations, et cela est implacable."
Lors d'un raid aérien de l'armée samedi, au moins trois civils ont été tués dans un village contrôlé par la KNU, a déclaré un groupe de la société civile. La milice a indiqué plus tôt qu'elle avait envahi un poste de l'armée près de la frontière, tuant 10 personnes.
Les assauts aériens constituent l'attaque la plus importante depuis plusieurs années dans la région. La KNU avait signé un accord de cessez-le-feu en 2015, mais les tensions ont augmenté après que l'armée a renversé le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi le 1er février.
La KNU et le Conseil de restauration de l'État Shan, lui aussi situé à la frontière thaïlandaise, ont condamné la prise de pouvoir militaire et annoncé leur soutien au mouvement de résistance.
La KNU affirme avoir hébergé des centaines de personnes ayant fui le centre de la Birmanie face à la montée de la violence ces dernières semaines.
La répression des manifestations pour la démocratie en Birmanie a fait 114 morts samedi, selon les médias locaux.
Cette journée, la plus sanglante depuis le coup d'Etat, correspondait avec la traditionnelle Journée des forces armées, qui commémore la résistance contre l'occupation japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale. A cette occasion, des milliers de soldats, des chars, des missiles et des hélicoptères ont défilé sur une immense esplanade de Naypyidaw, devant un parterre de généraux des délégations russe et chinoise.
Le vice-ministre russe de la défense, Alexander Fomin, a également fait le déplacement et a rencontré la veille les hauts dirigeants de la junte.
Selon des diplomates, huit pays - la Russie, la Chine, l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh, le Vietnam, le Laos et la Thaïlande - ont envoyé des représentants à la parade de la “Journée des forces armées”, mais la Russie a été la seule à y envoyer un ministre.
Les critiques et sanctions occidentales n’ont pour l’instant pas réussi à infléchir l’état-major militaire de même que les manifestations quasi-quotidiennes depuis que la junte a pris le pouvoir et arrêté Aung San Suu Kyi, la dirigeante de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), dont le parti a largement remporté les dernières élections en novembre.
Le rapporteur spécial de l’Onu Tom Andrews a estimé qu’il était temps pour la communauté internationale de passer à l’action via le Conseil de sécurité de l’Onu ou à défaut par la réunion en urgence d’un sommet international.
Le plus haut officier militaire américain et près d’une douzaine de ses homologues ont appelé dans un communiqué l’armée birmane à respecter les normes internationales de conduite et souligné qu’elle avait pour responsabilité “de protéger - et non de nuire - au peuple qu’elle sert.”