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DROGUE – La guerre sanglante menée par Thaksin hante toujours la Thaïlande

Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec AFP
Publié le 23 août 2019, mis à jour le 7 avril 2023

Lancée en 2003, la "guerre contre la drogue" menée par l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, en exil depuis 2008, avait fait plus de 2.500 morts, victimes pour la plupart d'exécutions extra-judiciaires. Aujourd'hui, des organisations de défense des droits de l'Homme s'inquiètent d'une possible victoire du Puea Thai aux élections du 3 juillet et d'un retour de Thaksin au pays

"J'aimerais pouvoir les tuer", dit Somporn, vendeur de rue, en référence à l'ancien chef de gouvernement, Thaksin Shinawatra, et aux policiers qu'il accuse d'avoir assassiné son fils Pravit, retrouvé attaché à un arbre dans un parc de Kalasin, dans le nord-est du pays, à 21 ans.

L'ex-Premier ministre thaïlandais en exil, Thaksin Shinawatra, a été renversé par l'armée il y a cinq ans, mais il hante encore les familles des victimes de sa "guerre contre la drogue", horrifiées par la perspective de son retour si le Puea Thai, menée par sa sœur Yingluck, gagnait les élections. Des organisations de défense des droits de l'Homme ont affirmé à Somporn que la police avait tué son fils dans le cadre d'opérations plus que musclées du gouvernement Thaksin (2001-2006) contre les trafiquants de drogue qui ont abouti, selon elles, à des milliers d'exécutions extra-judiciaires.

Yingluck promet une lutte sans atteinte aux droits de l'Homme

La colère de Somporn est inhabituelle dans cette région rurale et pauvre, bastion des partisans de Thaksin, qui a affirmé vouloir rentrer en décembre si ses alliés remportaient le scrutin du 3 juillet. Avant le putsch de 2006, le milliardaire avait réussi à gagner les coeurs de ces masses démunies, dont beaucoup sont encore convaincues qu'il est le premier à les avoir entendues, dans un pays dominé par les élites de Bangkok. Même son approche de la lutte contre la drogue, unanimement condamnée à l'étranger, était populaire. Sa soeur Yingluck, tête de liste du parti d'opposition Puea Thai, a assuré à l'AFP qu'elle "gèrerait la politique antidrogue en préservant les droits de l'Homme". Sans vraiment convaincre. Il est "assez effrayant" de voir que les responsables d'une politique qui a encouragé l'impunité des forces de sécurité puissent retrouver le devant de la scène, estime ainsi Benjamin Zawacki, d'Amnesty International, alors que Yingluck caracole en tête des sondages.

Pendant la principale offensive contre la drogue, entre février et avril 2003, le pays avait vu le nombre de meurtres augmenter de 88%, selon une commission consacrée à ce dossier qui a enregistré plus de 2.800 meurtres, dont quelque 1.400 liés à la drogue. Le gouvernement avait évoqué des règlements de compte entre trafiquants.

Mais beaucoup de ces meurtres étaient intervenus après que des suspects figurant sur une liste noire de la police se sont présentés dans les commissariats pour se rendre ou se disculper, selon Amnesty.

Des affaires non traitées par la justice

Pravit, lui, avait été arrêté en février 2004 pour une bagarre, avant d'être libéré sous caution. Celui qui était sur le point d'achever une cure de désintoxication a ensuite été rappelé pour récupérer son téléphone portable, selon son père. Il n'a jamais été revu. "Le médecin a dit qu'il était mort d'asphyxie. Le jour suivant, j'ai ouvert le cercueil et j'ai trouvé des bleus sur ses côtes, comme si quelqu'un l'avait battu".

Aujourd'hui, à l'hôtel de ville de Kalasin, une plaque se félicite d'une "province sans drogue". Mais pour les défenseurs des droits de l'Homme, il n'y a pas de quoi être fier.

"La couverture systématique des policiers de haut rang à tous les niveaux a permis à des officiers ayant commis des abus de rester en poste et de continuer à terroriser le public", dénonce Sunai Phasuk, de Human Rights Watch. Sur la trentaine d'affaires répertoriées à Kalasin par les ONG, une seule a donné lieu à des poursuites: six policiers sont actuellement jugés pour l'assassinat d'un jeune de 17 ans, retrouvé pendu en juillet 2004, quelques jours après son arrestation pour vol de moto. Mais les procédures s'éternisent. Et Pikul Phromchan, la tante de ce jeune, qui milite pour toutes les victimes de Kalasin, vit dans la peur, comme témoin protégé. "Je me bats autant que je peux mais je n'ai pas beaucoup d'espoir dans le système judiciaire".
 

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