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Dans le vieux Bangkok, une déesse résiste à la sophistication ambiante

Un vieux sanctuaire fait de la resistance dans le quartier chinois de BangkokUn vieux sanctuaire fait de la resistance dans le quartier chinois de Bangkok
REUTERS / Jorge Silva - Une jeune femme sort du sanctuaire Chao Mae Thap Thim à Bangkok lors de festivités de pleine lune, le 1er octobre 2020
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec Reuters
Publié le 5 janvier 2021, mis à jour le 9 janvier 2021

Alors que l’insatiable Cité des Anges poursuit son développement frénétique, un petit sanctuaire de l’ancestrale communauté chinoise fait de la résistance face aux bulldozers

À l'intérieur du sanctuaire de Chao Mae Thap Thim à Bangkok, une figurine de la déesse de la mer Mazu se tient au centre d'un autel dans une pièce ornée de lanternes et d'écritures chinoises.

À l'extérieur, une haute clôture métallique fraîchement érigée sépare la déesse d’un vaste chantier de construction où une douzaine de camions et de pelles mécaniques attendent pour prendre possession de lieux et démolir le vieux sanctuaire qui se trouvait autrefois au cœur de la communauté chinoise de la capitale thaïlandaise.

Les lions de pierre qui protègent le sanctuaire vont sans doute devoir prendre leur retraire sous peu car l'université Chulalongkorn de Bangkok, propriétaire du terrain, prévoit de construire deux immeubles résidentiels totalisant 1.758 unités, en dépit des protestations de ses propres étudiants.

Sanctuaire de Chao Thap Thim dans le quartier chinois de Bangkok
Le sanctuaire de Chao Mae Thap Thim entouré par un chantier de construction dans le centre Bangkok,  le 12 septembre 2020. Photo REUTERS / Jorge Silva

"Tôt ou tard, ils couperont l'approvisionnement en eau et en électricité", s’inquiète Penprapa Ployseesuay, gardienne du sanctuaire depuis 25 ans.

Chao Mae Thap Thim est un petit bastion de résistance rare face à la vague d’embourgeoisement qui déferle sur l'une des capitales les plus dynamiques d'Asie, où le changement s’impose brutalement à un creuset de communautés qui y ont résisté pendant des générations.

Penprapa vit avec sa mère et ses deux fils dans une petite maison à côté du sanctuaire et l'ouvre à toute personne souhaitant rendre hommage à la déesse ou lui demander conseil ou bénédiction.

Sanctuaire de Chao Thap Thim dans le quartier chinois de Bangkok
Un groupe d'étudiants s’est réuni le sanctuaire Chao Mae Thap Thim lors d'une discussion sur la valeur artistique et historique du lieu, le 1er octobre 2020. REUTERS / Jorge Silva

Le chantier de construction a perturbé le système de drainage du sanctuaire, provoquant des inondations de temps à autres, et Penprapa craint que la hauteur de la clôture ne fasse tomber prématurément le lieu dans l’oubli.

"Je me sens très triste. Ils ne voient pas l'importance et la valeur de cet endroit qui mérite d'être préservé", dit-elle à propos de l'université.

"Ils ont choisi de ne pas faire cohabiter les deux mondes", ajoute-t-elle. "Ils veulent seulement que nous partions."

Un collectif s’est créé pour lutter contre l'expulsion et a demandé une injonction du tribunal pour l’empêcher.

Le neuf et l’ancien

En réponse aux questions de Reuters, l'université a déclaré qu'elle construirait un nouveau sanctuaire dans un espace qu'elle a préparé dans son Parc du Centenaire "où sa grâce et ses bon auspices demeureront avec la communauté".

Penprapa estime qu'un nouveau site ne saurait restituer le charme d'origine du site actuel qui a déménagé à son emplacement il y a 53 ans après un incendie.

"Nous résisterons aussi longtemps que possible", assure-t-elle. "Je sais que ce ne sera pas facile."

Sanctuaire de Chao Thap Thim dans le quartier chinois de Bangkok
Les clôtures métalliques du chantier de construction enserrent le sanctuaire de Chao Mae Thap Thim. REUTERS / Jorge Silva

La coexistence entre le neuf et l'ancien fait partie des caractéristiques fortes de Bangkok, mais ses gratte-ciel, centre commerciaux pharaoniques et autres condominiums clinquants écrasent de plus en plus son côté anarchique et vétuste. Un exemple notable est Iconsiam, méga-centre commercial d’un budget de 1,45 milliard d’euros, avec vue panoramique sur le fleuve où se trouvaient autrefois des maisons sur pilotis et de vieux bâtiments noircis.

"Je suis enthousiasmé par la nouvelle ambiance", s’exclame Surin Sae-Ton, 50 ans, qui dirige un commerce de thé de l'autre côté du fleuve face à Iconsiam. "Mais je ne sais pas ce qu’il adviendra de la communauté à l'avenir avec cette nouvelle prospérité."

Sanctuaire de Chao Thap Thim dans le quartier chinois de Bangkok
Non sans ironie, cette palissade de chantier près du centre commercial Iconsiam à Bangkok représentait des scènes de vie de rue traditionnelle, le 31 janvier 2019. REUTERS / Jorge Silva

Lee Kwang Tao, 62 ans, propriétaire d'une échoppe de médecine chinoise, salue lui aussi l’idée de la modernisation. "Ce quartier a été très prospère, mais ces dernières années, les affaires ont diminué", dit-il. "C'est pourquoi les habitants de ce quartier vendent leur propriété."

Les défenseurs de la conservation mettent en avant le fait que Bangkok est en train de perdre son identité basée sur la diversité et le contraste des genres qui rend la capitale thaïlandaise si populaire. Ils estiment que la ville doit trouver des solutions pour gérer plus soigneusement les changements.

"C'est la vitesse que personne ne peut contrôler, c'est vraiment imparable", explique Niramon Serisakul, directrice du centre de conception et de développement urbain de l'Université de Chulalongkorn. "Parfois, les gens oublient qu’il y a d'autres choses importantes, comme comment préserver le patrimoine."

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