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CRISE POLITIQUE – Crise durable en perspective, mais le gouvernement s'attache à apaiser le climat

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Le gouvernement a donné deux semaines aux partis politiques pour préparer des propositions d'amendements à la Constitution en vue d'apaiser les divisions (Photo archives LPJ Bangkok.com)
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec AFP
Publié le 20 avril 2009, mis à jour le 16 novembre 2018

Quelques jours après les troubles qui ont secoué Pattaya et Bangkok, les analystes s'accordent à dire que la Thaïlande est destinée à vivre encore quelques années de crise politique et d'incertitude. Pour sortir de l'impasse, ils estiment que le gouvernement doit faire des concessions et engager des réformes politiques. Ce dernier semble aller dans ce sens

La série d'événements violents de ces derniers jours qui ont marqué l'actualité politique thaïlandaise montrent que le royaume n'est pas encore sorti de la crise débutée il y a plus de trois ans, estiment les analystes. "La Thaïlande va être divisée et instable pour les prochaines années à venir, affirmait la semaine dernière Somchai Phagaphasvivat, un intellectuel de l'université de Thammassat. N'importe qui peut devenir leader à l'avenir ? même une junte", disait-il.

Inégalités sociales, justice à deux vitesses et non-démocratie

Malgré l'humiliation subie à Pattaya le 11 avril, le gouvernement d'Abhisit Vejjajiva est ressorti renforcé de la victoire des militaires sur les "chemises rouges"mardi dernier. Mais les analystes estiment que le gouvernement doit maintenant s'attacher à résorber la division du pays. Cela implique selon eux d'écouter voire répondre aux revendications des manifestants, qui réclament entre autres des élections, une plus grande égalité sociale, et une justice plus équitable.

Depuis le changement de gouvernement en décembre, à la faveur de la dissolution de plusieurs partis de la coalition, les "chemises rouges"ont en effet le sentiment d'avoir été dépossédés de leurs droits démocratiques. Les "rouges"reprochent par ailleurs au gouvernement d'Abhisit de faire deux poids deux mesures entre leurs partisans et ceux du mouvement anti-Thaksin, les "chemise jaunes", qui avait mené plusieurs mois durant des manifestations en 2006 et 2008 pour obtenir la chute des gouvernements alors dirigés par Thaksin Shinawatra ou ses lieutenants. Les leaders du PAD n'ont en effet toujours pas fait l'objet de poursuites depuis les événements de 2008 alors que plusieurs leaders des "rouges"ont été arrêtés aussitôt après les manifestations de Pattaya et Bangkok.

Thitinan Pongsudhirak, expert en politique de l'université de Chulalongkorn, estime qu'une approche austère envers les protestataires aura peu de chance de succès sur le long terme. "Si le gouvernement refuse de respecter et reconnaître les réclamations et les griefs des ?chemises rouges?, alors il n'y aura pas de fin à cette crise, dit-il. Le mouvement des ?rouges? a peut-être fini en eau de boudin cette fois-ci, mais le sentiment [d'injustice sociale] derrière reste bien réel et répandu".

Dialogue, concessions et réformes du système

L'organisation d'élections sur le court terme semble néanmoins peu probable. "Je pense qu'il serait très difficile pour le gouvernement de tenir des élections dans la perspective d'une victoire d'Abhisit,"souligne Michael Montesano, universitaire intervenant à l'Institut d'Etudes sur le Sud-Est Asiatique.

Mais les partis de la coalition gouvernementale ont en revanche entamé des discussions vendredi autour d'éventuels amendements à la Constitution en vue d'apaiser le climat et réduire la division. Certains ont évoqué une possible amnistie pour les politiciens bannis de la vie politique, annonçait samedi le Bangkok Post. Par ailleurs, plusieurs députés auraient demandé à ce que le ministre des Affaires étrangères, Kasit Piromya, sympathisant du PAD, soit remplacé. Enfin, le gouvernement a fait savoir dans un communiqué qu'un certain nombre de mesures avaient été ou allaient être prises pour répondre aux revendications et demandes de l'opposition et qu'un débat parlementaire serait ouvert les 22 et 23 avril.

Toutefois, de telles mesures n'auront d'effet que sur le court ou moyen terme, préviennent des analystes. Pour Michael Nelson, expert intervenant à l'université de Chulalongkorn, seule une réforme du système politique, dominé pour l'heure par le patronage, les chefs de clan provinciaux et l'ombre insaisissable de l'élite, pourrait apporter la stabilité durable dont le pays a tant besoin. "La politique en Thaïlande n'est pas une affaire publique, c'est une extension des grandes familles et de leurs coteries. Cela est la composante de tout le système. Ensuite, nous avons les autres cercles de l'élite tels que le Conseil Privé du roi et les militaires et ce qu'ils font en coulisse ? chose qui n'est pas soumise à la discrétion du public."Lire aussi notre Rappel des principaux faits de la crise politique avec les liens vers nos articles sur le sujet.

P.Q. avec AFP lundi 20 avril 2009

Thaksin interpelle le roi après avoir accusé ses conseillers et scande une devise républicaine !
L'appel à la révolution populaire de Thaksin Shinawatra a subi un revers après que les "chemises rouges"ont déclaré forfait face aux militaires, mardi dernier. Néanmoins, les analystes estiment que l'ancien Premier ministre en exil pourrait bien continuer de hanter la scène politique du pays, même s'il est plus isolé que jamais depuis l'arrestation de dirigeants du mouvement des "chemises rouges"et l'émission de dizaines d'autres mandats d'arrêt. Selon eux, les problèmes sociaux profonds et durables du royaume font que beaucoup de Thaïlandais vont certainement continuer à voir en lui un sauveur potentiel. Thaksin joue en revanche un jeu de plus en plus risqué avec l'institution royale. Après avoir nommément accusé trois conseillers du roi Bhumibol Adulyadej, dont le Président du Conseil Privé du roi, le Général Prem Tinasulanonda, d'avoir fomenté le coup d'Etat de 2006, Thaksin a appelé la semaine dernière le roi, par voie de presse, à intervenir dans la crise politique pour résoudre la division. "Il est temps pour Sa majesté d'intervenir car autrement, il y aura davantage de divisions et il est la seule personne qui peut réconcilier le pays tout entier,"a-t-il dit au micro de France 24, entre autres médias internationaux qui l'ont interviewé ces derniers jours. Sommer ainsi le souverain de s'impliquer dans la vie politique du royaume est plutôt mal reçu par la société thaïlandaise et peut être perçu comme une offense à son endroit. Thaksin avait déjà usé de ce type de provocation fin 2008 (voir notre article du lundi 03 novembre 2008 "
Thaksin gonfle les muscles !"). De plus, Thaksin a utilisé dans ses allocutions et ses interviews récentes avec la presse étrangères, la fameuse devise républicaine française pour décrire les principes nécessaires à l'avenir de la Thaïlande. "Liberté, égalité, fraternité : c'est ce dont nous avons besoin en Thaïlande", a-t-il dit au Financial Times vendredi. Il avait déjà utilisé la devise française dans une allocution téléphonique adressée le 8 avril à ses partisans. "Beaucoup de gens vont maintenant le trouver inacceptable. Ceux (les politiciens) qui le soutenaient davantage par stratégie, vont comprendre cela et vont prendre des distances vis-à-vis de lui", déclare Chris Baker, qui a écrit la biographie de Thaksin. "Mais je ne pense pas que [les événements récents] diminuent son importance symbolique aux yeux de la masse de ses partisans. Je pense qu'il vont le percevoir comme un leader perdu et persécuté?, dit-il.

P.Q. (LPJ avec AFP ? 20/04/2009)

L'image d'Abhisit est renforcée mais il doit faire face à des défis de taille
Le Premier ministre Abhisit Vejjajiva est ressorti renforcé de ces événements après que les militaires ont dispersé le mouvement des "chemises rouges"en limitant les dégâts. Mais il doit maintenant s'attaquer à une tâche difficile qui est de réduire la division politique et sociale dans le pays, alors que lui-même est au centre des revendications des "rouges". L'une des principales accusations qui lui sont faites par les ?chemises rouges?, est qu'il est une marionnette de l'armée. Une idée renforcée par les images des ministres aux côtés des généraux lors des annonces télévisées effectuées tout au long des événements de la semaine dernière. Des images qui contrastent pour le moins avec celles des Chefs de corps d'armée en uniforme s'exprimant à la télévision l'an dernier, après avoir refusé d'appliquer l'Etat d'urgence quelques semaines plus tôt, pour suggérer au premier ministre de l'époque, Somchai Wongsawat, le beau frère de Thaksin, de démissionner (notre brève du vendredi 17 octobre 2008 Le chef des militaires enfonce le Premier ministre). Au-delà de la politique intérieure, Abhisit va devoir travailler à nouveau très dur pour restaurer l'image du pays sur la scène internationale tout en réaffirmant le leadership thaïlandais au sein de l'Asean. L'annulation du dernier sommet à Pattaya le 11 avril dans des circonstances humiliantes pour un gouvernement, suivi des manifestations violentes dans Bangkok, ont en effet anéanti les trois mois d'efforts du jeune gouvernement pour rattraper les dommages causés par trois année de crise marquées par le coup d'Etat de 2006 et les manifestations de l'Alliance du Peuple pour la Démocratie et le blocage fin 2008 des aéroports de Bangkok. Abhisit a exclu de négocier avec Thaksin, qui vit en exil, et a déclaré qu'une dissolution du Parlement en vue d'un nouveau scrutin risquait de provoquer des violences électorales. P.Q. (LPJ ? 20/04/2009)

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